Calvaire (2004) est le premier long métrage de Fabrice Du Welz. Il allait constituer le premier volet de la trilogie ardennaise de Fabrice. Le deuxième, Alléluia, voyait le jour dix ans plus tard, remuant fameusement la Croisette lors de sa projection cannoise. C’était en 2014, après son aventure filmique française pas évidente – le bon thriller Colt 45 – et juste avant son aventure américaine – le très sombre et efficace Message From The King. Notez que c’est le visionnage de Alléluia qui a définitivement convaincu les initiateurs de Message From The King d’engager le cinéaste pour ce qui est, certes un film de commande, mais qui porte néanmoins la patte Du Welz.
Que de chemin parcouru par cet amoureux du cinéma de genre depuis son court métrage Quand on est amoureux, c’est merveilleux ! Passionné et passionnant, le metteur en scène belge propose un cinéma singulier : racé, âpre, violent, baroque, remuant, éblouissant. Vinyan (2008), thriller teinté de fantastique avec la belle Emmanuelle Béart et tourné dans des conditions climatiques difficiles et en langue anglaise, n’échappait d’ailleurs pas à la règle.
Calvaire fait partie de ces rares films qui parviennent à mettre le spectateur mal à l’aise. S’il est forcément très difficile de réussir à faire peur à un public au moyen d’un matériel filmique, bien plus ardu encore est l’exercice qui consiste à le mettre dans une situation de malaise. Fabrice Du Welz y arrive à merveille, avec son premier film en particulier, le bien nommé… Calvaire ! Un calvaire à l’écran, une vraie jouissance cinématographique pour le spectateur averti. Une des citations de cinéastes préférées de Fabrice fait aussi partie des nôtres. Elle dit tout et c’est à Henri-Georges Clouzot que nous la devons : « Le cinéma doit, avant tout, être un spectacle et une agression ». Le cinéma doit remuer le spectateur. Toujours.
Âgé d’à peine trente ans lors qu’il réalise Calvaire, Fabrice Du Welz fait directement preuve d’une maturité impressionnante. Ce film de genre, que nous qualifierons plutôt de drame horrifique que de film d’horreur pur, met en scène Laurent Lucas (Harry, un ami qui vous veut du bien, Grave), Jackie Berroyer (Henri, la série humoristique moyenâgeuse Kaamelott) et Jean-Luc Couchard (Dikkenek, Dead Man Talking), aux côtés d’une série d’autres personnages que nous qualifierons de très… particuliers, emmenés par le génial Philippe Nahon (Seul contre tous, Haute tension).
Laurent
Lucas joue ici le rôle d’un chanteur solitaire – un certain Marc Stevens -, qui
tombe en panne dans les Ardennes belges à la nuit tombée. Apparaît alors Boris
(énigmatique Jean-Luc Couchard), parti à la recherche de sa chienne, qui
propose à l’artiste de l’emmener chez son ami Bartel (protéiforme Jackie
Berroyer). Une bonne nuit de sommeil plus tard, Marc s’aventure dans les
alentours de l’auberge de l’ami Bartel, qui ne manque pas de lui prodiguer un conseil
précieux : ne pas se rendre au village, les gens y étant quelque peu…
différents. Ira ? Ira pas ? Et avec quelles conséquences ?
Prêts à embarquer dans le premier roller
coaster Du Welzien ?
Vous faites bien : ça va secouer !
Calvaire mérite d’être vu et revu. Tourné principalement en Belgique avec des paysages sublimés par la caméra de Benoît Debie, le film doit beaucoup au jeu habile, plein d’ambiguïté, de ses acteurs. Le réalisateur montrait déjà, avec cette entrée dans la cour des grands, qu’il n’avait pas peur de choquer par la violence de certaines scènes. L’interdiction du film aux moins de seize ans lors de sa sortie dans les salles françaises n’y est pas pour rien. Si Calvaire est sans doute moins travaillé que le deuxième volet ardennais de son réalisateur – Alléluia – il peut sans doute être qualifié de plus accessible et compréhensible par le spectateur non averti. Du Welz est un artiste, un grand. L’auteur d’une œuvre unique à (re)découvrir de toute urgence.
Jean-Philippe Thiriart, avec la collaboration de Raphaël Pieters