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Jérôme Vandewattyne, réalisateur de " Slutterball "

SLUTTERBALL a 10 ans : retour sur le court métrage de Jérôme Vandewattyne

SLUTTERBALL a 10 ans : retour sur le court métrage de Jérôme Vandewattyne 2560 1442 Jean-Philippe Thiriart

Slutterball, le deuxième court métrage pro de Jérôme Vandewattyne (également leader de VHS From Space, groupe de rock grunge psychédélique dont le nouvel album sortira bientôt), fête cette année ses dix ans. Réalisé un an après She’s a Slut (trailer-off, en 2011, du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles, le BIFFF), il sera suivi, cinq ans plus tard, du premier long de Jérôme, le documenteur Spit’n’Split. Cinq autres années se sont écoulées depuis lors et Jérôme et son équipe viennent de boucler, voici trois jours, le tournage de leur nouveau bébé : le long métrage The Belgian Wave.

The Belgian Wave a bénéficié de l’aide à la production légère de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La phase de montage démarre ce 15 juillet, pour une finalisation du film en mars 2023. L’image a été mise en lumière par Jean-François Awad, avec lequel Jérôme a réalisé chacune de ses dernières publicités. Quant au scénario, il a été écrit par Jérôme Vandewattyne, Kamal Messaoudi et un autre Jérôme : Jérôme Di Egidio.

Une partie de la fine équipe de The Belgian Wave

Comme on n’a pas tous les jours dix ans, nous vous proposons aujourd’hui un retour sur Slutterball, avec une interview du réalisateur réalisée alors. Le film avait été tourné dans le cadre du premier CollectIFFF, collection de douze courts métrages réalisés par 19 jeunes cinéastes en hommage au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF).

Notez que ce dernier fêtera lui aussi son anniversaire cette année. Et quel anniversaire : 40 ans ! Il se déroulera du 29 août au 10 septembre prochains au Palais 10 de Brussels Expo.

Nous reviendrons bientôt sur Spit’n’Split avec, au menu, l’interview du réalisateur effectuée peu avant la sortie du film, et les critiques du film et du DVD.

Jérôme, quelles sont tes influences, en général, et pour Slutterball en particulier ?

Slutterball et She’s a Slut sont un petit peu deux courts à prendre en un dans le sens où l’un est un peu la suite de l’autre. Au BIFFF, le public hurlait la phrase « she’s a slut » en voyant le premier court métrage, qui était une fausse bande annonce et qui n’avait pas vraiment de titre, et j’ai eu envie d’aller plus loin avec le deuxième en partant du principe qu’on était tous des « sluts » : les acteurs d’un jeu stupide mais aussi le public qui le regarde. Mes influences, ce sont les films Grindhouse des années 70 et les Midnight Movies (Pink Flamingos de John Waters, Eraserhead de David Lynch, etc.). L’influence première, évidemment, était surtout le film Rollerball. Le but était de reprendre l’idée des jeux remis dans un esprit futuriste avec des guerrières sur des patins, cette fois. Avec des personnages totalement loufoques et en gardant la totale liberté des films Grindhouse, avec une partie de freaks aussi. Je pense aussi à Faster, Pussycat! Kill! Kill! de Russ Meyer et aux films Troma de Lloyd Kaufman.

Est-ce que tu peux nous parler des conditions de tournage, assez rock’n’roll je crois…

C’était compliqué parce que ça a été réparti sur plusieurs mois. On a commencé à tourner en septembre et on a eu fini fin mars. La deadline approchait à grands pas et ça a généré un peu de stress. Dès le départ, j’ai su que je devais monter le film pendant que je le tournais.

Une bonne partie de l’équipe du haut en couleur Slutterball

Comme Gus Van Sant avec Last Days

Oui, tout à fait ! Ou même Lynch dans Inland Empire, bien que lui réécrivait l’histoire, ce qui est un peu différent. Si ça s’est réparti autant, c’est parce que je voulais que le niveau soit supérieur à She’s a Slut. Donc du coup, je voulais y mettre plus de moyens et de préparation mais le problème, c’est que, comme toute mon équipe est entièrement bénévole, je ne pouvais pas avoir les gens à ma disposition comme je le voulais, tout le temps : il fallait à chaque fois trouver un jour qui arrangeait tout le monde et comme on était minimum 15 personnes, ce n’était pas évident. Parfois, on était un peu plus – une trentaine -, surtout pour les scènes de roller.

Peux-tu nous parler des couleurs à présent ? L’étalonnage a été particulier dans le sens où tu as vraiment des couleurs flashy…

Dès l’écriture, je savais que je voulais que la scène où Rémy Legrand meurt, je voulais des peintures dans tous les sens. C’est pour ça que les couleurs jurent autant dans les maquillages et les costumes, par exemple. Au final, ça crée un univers un peu surréaliste en fait. Le but est qu’on ne sache pas trop bien où on est. Le ciel a été beaucoup retouché : il est souvent très bleu, très lumineux, un peu dans l’ambiance des Simpson. On a beaucoup joué avec les perruques : rouges, vertes, bleues. On a aussi joué avec des lentilles de couleur au niveau du maquillage. Finalement, ce qui est marrant, c’est qu’on se rend compte que le personnage qu’est Carlos, un pédophile, est peut-être bien le personnage le moins loufoque de cet univers-là. J’aimais donc bien cette contradiction pour qu’on se demande, au final, ce qu’on est en train de voir. J’aime aussi me dire que tout n’est qu’une mascarade et que ce pauvre gars n’est peut-être même pas pédophile mais qu’il se retrouve flagellé sur la place publique et que personne ne se pose de question.

Au moment de l’étalonnage, j’ai vraiment souhaité qu’on pousse les couleurs au maximum et j’ai eu à un moment une hésitation quant à savoir si j’allais remettre les griffures de pellicule, comme c’était le cas dans She’s a Slut, pour donner un effet Grindhouse, parce que je trouvais très beau de voir cette succession de couleurs flashy qui piquaient les yeux.

C’est notamment ton groupe, VHS From Space, qui est présent à la musique…

Tout à fait. L’idée était de créer des morceaux différents de ce qu’on joue sur scène, pour servir l’univers du film.

Les génériques du film sont très léchés. Quelle importance revêtissent-ils à tes yeux ?

J’accorde vraiment énormément d’importance aux génériques parce que c’est, à mes yeux, un art à part entière. Je trouve ça dommage de regarder un film où le générique n’est pas du tout travaillé. Un générique est comme une hypnose qui te donne directement le ton.

Le BIFFF, ça représente quoi à tes yeux, toi qui as grandi avec le Festival ?

C’est le lieu de tous les possibles. Un lieu de rencontre avec tous les professionnels aussi. Avec des fans du genre. C’est un peu la cour de récré des sales gosses. C’est un défouloir total et c’est pour ça que j’ai voulu rendre hommage à ce public complètement dingue avec Slutterball. Surtout les séances de minuit, qui sont des séances qui m’ont marqué. Je voulais faire du cinéma popcorn pour un peu titiller ce public averti.

Faire partie du CollectIFFF, c’était une évidence ?

J’avais déjà l’idée de Slutterball un peu après She’s a Slut. Je me suis dit que ce serait chouette de faire jouer des patineuses comme dans Rollerball. J’avais émis l’idée aux gars du CollectIFFF qui m’ont dit que Slutterball rentrerait complètement dans ce cadre-là. Ce qui est surtout intéressant dans le CollectIFFF, c’est que chaque réalisateur a une personnalité bien à lui. Tu m’as fait la réflexion que mon film était assez hard et c’était voulu. Je l’ai réalisé pour un public qui attendait des choses qui prennent aux tripes et qui veulent se prendre des images ou des idées fortes. Et au final, ça reste un film bon enfant avec un côté punk et libre.

She’s a Slut comptabilise plus de 4 000 vues…

C’est vrai ? C’est super, d’autant que ça démarrait d’un travail de fin d’études dans une école de communication, l’ISFSC. Et c’était un premier essai pour le grand écran. Les gens semblent avoir apprécié la petite blague. J’espère qu’ils aimeront Slutterball, qui est vraiment un cran au-dessus dans l’humour poisseux et la violence. On a fait ça avec tout notre cœur en tout cas.

Jean-Philippe Thiriart