tueries du brabant

Niet Schieten

NIET SCHIETEN (NE TIREZ PAS), ce soir en TV : interview de Stijn Coninx et Jan Decleir, et critique

NIET SCHIETEN (NE TIREZ PAS), ce soir en TV : interview de Stijn Coninx et Jan Decleir, et critique 1152 576 Jean-Philippe Thiriart

Diffusé ce mardi 30 mars à 21h05 sur La Trois, le film flamand Niet Schieten (Ne tirez pas) est un film nécessaire. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir l’interview du réalisateur Stijn Coninx et de son acteur principal, l’immense Jan Decleir, réalisée au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF). Ainsi que notre critique du film.

Critique du film

Niet Schieten (Ne tirez pas)

Réalisé par Stijn Coninx (2018)
Avec Jan Decleir, Vivian de Muynck, Jonas Van Geel, Inge Paulussen

Drame
2h19

★★★

Niet Schieten est indéniablement un des films flamands de l’année 2018. Le film retrace le parcours de la famille Van de Steen après la dernière attaque des tueurs du Brabant au grand magasin Delhaize d’Alost le 9 novembre 1985. David Van de Steen avait alors 9 ans et sera le seul rescapé de sa famille à l’issue de cette attaque, ses parents et sa sœur décédant sur place. Lui devra apprendre à vivre avec des opérations à répétition pour sauver sa jambe touchée dans l’attaque et à faire son deuil. Dans cette recherche de deuil et de reconnaissance, l’aide de son grand-père (Jan Decleir, excellent) s’avèrera très précieuse.

Le dernier Stijn Coninx est un film nécessaire pour comprendre les enjeux des attaques des tueurs du Brabant. Aujourd’hui encore, beaucoup de questions autour de l’enquête sur les tueries restent sans réponse. Ce film a le mérite de remettre les victimes au centre de cette affaire qui ébranla toute la Belgique et son système politique, judiciaire et sécuritaire au début des années 80. Et celui de montrer une histoire commune à tous les Belges, qui allait impacter nombre de nos compatriotes.

Niet Schieten met également en avant avec beaucoup de douceur le courage et la volonté d’un grand-père à vouloir trouver les responsables de la mort des membres de sa famille pour aider son petit-fils à continuer à vivre. Jan Decleir parvient à montrer les sentiments importants d’un grand-père malgré son caractère fort taiseux, empli de retenue et de pudeur.

Stijn Coninx nous démontre une nouvelle fois toute l’étendue de son talent. Le duo qu’il forme ici avec Jan Decleir, né 25 ans plus tôt avec leur film Daens, n’a rien perdu de son efficacité et permet la naissance d’un film de qualité. Nécessaire.

Pour rappel, plus de trente ans après les faits, les auteurs de ces tueries qui ont ébranlé la Belgique au début des années quatre-vingt, sont certainement pour la plupart toujours en liberté. Cet ensemble d’attaques à main armée reste, sans aucun doute, l’affaire irrésolue la plus importante de notre pays.

Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Interview de Stijn Coninx et Jan Decleir

Jan Decleir, nous vous avons découvert dans Daens lors d’une projection scolaire à l’âge de 15 ans. Vous jouiez le rôle d’Adolf Daens, un prêtre catholique flamand qui se battait pour plus de justice sociale et contre la pauvreté. Stijn Coninx, pourquoi avoir choisi d’aborder à nouveau ces deux thèmes, avec beaucoup d’intensité, dans Niet Schieten ?

Stijn Coninx : On était tous les deux touchés et bouleversés par cette histoire, qui n’est pas évidente et qui, pour nous, est plutôt une histoire de famille et non une histoire sociale à la base. Mais il s’agit certainement d’une histoire d’injustice. Mais c’est vrai que c’est une histoire sociale dans le sens où toutes les familles ont vécu la même chose, ont eu les mêmes sentiments et les mêmes blessures. Les membres de ces différentes familles meurtries sont restés tout seuls dans leur coin avec leurs questions, sans réponses.

Jan Decleir : Je suis tout à fait d’accord avec ce que Stijn a dit. Peut-être qu’il aimerait ajouter quelque chose…

Stijn Coninx : Il y a des moments dans la vie où on est touché par quelque chose. Quand David Van de Steen a écrit son livre, il a tout de suite pensé que si ce dernier était adapté au cinéma, ce serait à Jan de jouer à l’écran le rôle de son grand-père.

Jan Decleir : Il avait vécu des choses injustes et ça, c’est quelque chose que l’on partage. Il faut des gens qui se posent des questions. Ce n’est jamais évident de jouer, de partager certaines choses et, de temps en temps, il n’y a pas de mot.

Pensez-vous que les victimes sont plus aidées en Belgique depuis les tueries du Brabant et qu’un travail a véritablement été accompli ?

Jan Decleir : Je ne crois pas. C’est dommage. C’est gênant mais non, je ne crois pas. David a rencontré des victimes de Zaventem et ils ont raconté leurs histoires. Cela fait quelque chose. Il faut tenir compte du fait que cela rouvre des blessures. Il faut aussi voir comment fonctionnent nos démocraties et les leaders démocratiques qu’on a choisis. Il faut tenir compte des erreurs du passé.

Selon vous, qu’est-ce qui est le plus important pour les victimes d’une telle affaire : pouvoir découvrir la vérité ou savoir que tout a été fait pour la découvrir ?

Jan Decleir : Bonne question ! Cela aide un peu de savoir qu’on a tout fait pour découvrir la vérité mais on sait aussi que, dans le cas présent, ça n’a pas du tout été le cas. La douleur reste, c’est incroyable. David doit raconter son histoire en permanence mais le mal reste là, à jamais.

Stijn Coninx : David a commencé à mettre des choses sur papier quand il était à l’hôpital en 2009 parce qu’il était là, de nouveau dans le même couloir, de nouveau pour une opération, avec sa femme et son fils à ses côtés. Il n’avait pas de réponses à ses questions presque deux générations plus tard. Ses grands-parents avaient alors près de nonante ans.
Il avait par conséquent besoin d’une thérapie. C’est avant tout pour cela qu’il était nécessaire de partager cette histoire. Mais aussi, comme Jan le dit, si, un jour, il peut avoir l’impression que tout a vraiment été fait pour retrouver les tueurs du Brabant, alors ça ira. Mais il est évident que ce n’est pas le cas. Il y avait tant de possibilités de pouvoir aller plus loin dans l’enquête.
C’est pourquoi il est important de partager cette histoire, non pas nécessairement parce que le film va permettre de résoudre cette affaire mais parce qu’avec l’opinion publique, on va pouvoir accorder une place plus importante aux victimes et éventuellement découvrir de nouveaux éléments qui n’ont jamais été dévoilés.

Propos recueillis par Raphaël Pieters

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif