REFLET DANS UN DIAMANT MORT : un bijou vivifiant aux mille reflets

REFLET DANS UN DIAMANT MORT : un bijou vivifiant aux mille reflets

REFLET DANS UN DIAMANT MORT : un bijou vivifiant aux mille reflets 600 857 Jean-Philippe Thiriart

Voici deux jours, sortait dans nos salles Reflet dans un diamant mort, le nouveau film du duo Hélène Cattet-Bruno Forzani.

Pour en apprendre davantage sur leur travail, n’hésitez pas à découvrir notre article précédent, principalement consacré à leur avant-dernier long métrage : Laissez bronzer les cadavres.

Reflet dans un diamant mort ★★★

Réalisé et scénarisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani
Directeur de la photographie : Manu Dacosse
Avec Fabio Testi, Yannick Rénier, Koen De Bouw, Maria de Medeiros, Thi Mai Nguyen

Action, mystère, drame
1h27

On peut dire que l’attente fut longue ! Sept ans après Laissez bronzer les cadavres, le duo Hélène Cattet-Bruno Forzani nous revient enfin avec un nouveau film. Son titre, Reflet dans un diamant mort, à la fois beau et mystérieux, établit un dialogue tant avec le James Bond Les Diamants sont éternels qu’avec le titre du livre de Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud Reflets dans un œil mort : Mondo movies et films de cannibales, retitré Mondo movies : reflets dans un œil mort à l’occasion de sa réédition en 2024. Ce dernier est une référence pointue, dont l’objet vise un public de niche au sein même de la niche des fans de cinéma dit « de genre ». Cette remarque permet de mettre en exergue une des grandes caractéristiques de la filmographie du couple franco-belge (NDLR :Hélène et Bruno sont de nationalité française, mais vivent depuis longtemps à Bruxelles, lieu, en 1997, de leur première rencontre) : elle est très référentielle. Ne pas (re)connaître tout le substrat de cinéma bis, en particulier italien, à partir duquel elle s’est forgée serait passer à côté d’une dimension non négligeable de leur travail et d’une partie du plaisir cinéphilique qu’il peut procurer.

Bruno Forzani et Hélène Cattet

Ici, en l’occurrence, il s’agit d’un grand hommage au filon appelé Eurospy (imitations des James Bond typiques des années 60, parmi lesquelles on peut citer Opération Goldman d’Antonio Margheriti, Des fleurs pour un espion d’Umberto Lenzi, Opération Lotus Bleu de Sergio Grieco ou encore Cible mouvante de Sergio Corbucci), ainsi qu’aux adaptations de fumetti neri, ces BD italiennes dont le personnage central est un malfaiteur masqué, telles que Diabolik ou Satanik. Les deux réalisateurs font revivre ces univers à travers l’histoire d’un ancien espion, John D., vivotant dans un hôtel de luxe sis sur la Côte d’Azur, qui va se remémorer sa trépidante vie passée suite au trouble que lui procure sa belle voisine de chambre, qui l’intrigue. Surtout que celle-ci disparaît mystérieusement…

Le vieil homme est interprété par Fabio Testi. Le choix de cet acteur illustre bien tout l’amour que portent les deux réalisateurs au cinéma bis italien. En effet, Testi est un nom marquant du cinéma populaire de la botte, s’étant illustré, entre autres, dans le western spaghetti avec des films comme Django et Sartana de Demofilo Fidani ou Les Quatre de l’Apocalypse de Lucio Fulci, dans le Giallo avec Mais… qu’avez-vous fait à Solange ? de Massimo Dellamano et dans le Poliziottesco (le néo-polar italien, en vogue pendant les années de plomb) avec, par exemple, Big Racket d’Enzo G. Castellari et La Guerre des gangs de Lucio Fulci. De quoi faire vibrer la corde nostalgique des fans de ce cinéma-là. La distribution est notamment complétée par Yannick Renier, qui joue la version plus jeune de John D., l’acteur belge Koen De Bouw (Loft, Largo Winch : le prix de l’argent) et Maria de Medeiros (Pulp Fiction, The Saddest Music in the World).

Fabio Testi en ancien agent secret

Le diamant du titre est le symbole du film tout entier : par son esthétique fragmentée, avec les fragments de souvenirs qui remontent à la surface de la mémoire du vieil homme, essayant de reconstituer l’ensemble, comme les différentes facettes composant la pierre précieuse, mais aussi par les multiples prismes sous lesquels on peut l’aborder. On a parlé de son aspect référentiel, mais il va au-delà de ça, en ayant par exemple un discours sur la figure du héros, celui d’hier et la nécessité d’en forger un d’un autre type aujourd’hui, en jouant sur l’illusion et les illusions (perdues ?)… Reflet dans un diamant mort fait partie de ces films qui nécessitent idéalement plusieurs visions pour être pleinement appréhendés.

Une nouvelle fois, les auteurs d’Amer nous plongent dans un cinéma hyper sensoriel (travail méticuleux sur les gros plans, sur les textures, sur le son…), rempli de fulgurances visuelles. À ce propos, Reflet dans un diamant mort est influencé par le courant artistique appelé « op art », qui joue sur les effets et les illusions d’optique. De même qu’on a la vue perturbée face aux œuvres de cette tendance, on a les sens tourneboulés face à ce film. Les réalisateurs restituent avec talent l’intériorité d’un personnage, quitte à nous dérouter par sa narration non classique et le flou entretenu entre ce qui relève du vrai souvenir et ce qui est de l’ordre du fantasme.

Réalité ou fantasme…

Reflet dans un diamant mort est donc un film d’une belle richesse, où Cattet et Forzani fusionnent, comme à l’accoutumée, cinéma populaire et cinéma expérimental selon une recette qui leur est propre, accouchant d’un petit bijou aux mille facettes qui retravaille tout un passé cinématographique pour arriver à un résultat revigorant.

Sandy Foulon

Maria de Medeiros et Fabio Testi

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif