ÀMA GLORIA : interview de la réalisatrice Marie Amachoukelihttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2023/10/01-scaled.jpg25601350Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Vrai film de cinéma bénéficiant d’une magnifique photo et d’un travail sur la lumière pour le moins abouti, àma GLORIA nous fait passer du rire aux larmes avec beaucoup de pudeur. Marie Amachoukeli signe un film à hauteur d’enfant, avec des comédiens et des comédiens au jeu empreint de justesse, la jeune Louise Mauroy-Panzani en tête, qui livre une véritable performance d’actrice.
Crédits vidéo : Lionel Callewaert (captation) et Jean-Philippe Thiriart (journaliste et montage)
Nous avons rencontré la réalisatrice de ce film toujours présent dans nos salles lors de la dernière édition du Brussels International Film Festival (BRIFF). Un film qui a ouvert, cette année, la 62e Semaine de la Critique du Festival de Cannes.
Elle nous a parlé de son travail avec Inès Tabarin, sa directrice de la photographie. Ensuite, Marie Amachoukeli nous a expliqué comme elle était parvenue à tourner ce film à hauteur d’enfant, mettant notamment en avant sa collaboration avec Laure Roussel, la coach enfant du film. Nous lui avons, par après, demandé de définir sa direction d’acteurs et d’actrices. Elle a, alors, accepté de donner un grand conseil à l’attention de celles et ceux qui ont, elles et eux aussi, le souhait de raconter des histoires via le medium qu’elle a choisi : le cinéma. Enfin, nous sommes revenus ensemble sur la présence cette année à Cannes de àma GLORIA.
Louise Mauroy-Panzani livre une véritable performance d’actrice
Et pour connaître les horaires des séances en salles, c’est par ici !
LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES, en salles, et UNE VIE DÉMENTE, en DVD ? DES CHOSES EN COMMUN !https://encinemascope.be/wp-content/uploads/2023/10/LSDAP-1.jpg1200675Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Le Syndrome des amours passées, le nouveau film du duo Ann Sirot-Raphaël Balboni – leur dixième, déjà, courts et longs métrages confondus -, entame aujourd’hui sa troisième semaine dans les salles belges. Avant une sortie française programmée le mercredi 25 octobre.
L’occasion pour nous de vous présenter leur dernier bébé, mais aussi de faire un focus sur leurs deux films précédents. Avec différentes interviews, aux Magritte du Cinéma et au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), autour de leur premier long métrage – Une vie démente – et du DVD du film. Et une rencontre dans le cadre de la diffusion au Festival International du Film de Bruxelles (BRIFF) de leur dernier court : Des Choses en commun.
Une vie démente
Le DVD
Crédit vidéo : Harald Duplouis (image et montage)
Distribué par Imagine, le DVD de Une vie démente comprend deux fort sympathiques bonus, à savoir les deux derniers courts métrages signés par Ann Sirot et Raphaël Balboni : Avec Thelma (Magritte 2018 du Meilleur court métrage de fiction) et Des Choses en commun (un des quatre courts métrages issus du premier volume de La Belge Collection)
Des interviews aux Magritte du Cinéma et…
Pas moins de sept statuettes pour Une vie démente lors des 11e Magritte du Cinéma ! Crédit vidéo : Gerardo Marra (image et montage)
… au FIFF !
C’est lors du 35e Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) que nous avons rencontré l’équipe d’Une vie démente pour la première fois. Présenté en sélection officielle, le film avait ouvert le Festival.
Aux côtés du film Des Choses en commun, dans La Belge Collection – Volume 1, figurent trois autres courts métrages : Mieux que les rois et la gloire, de Guillaume Senez, Rien lâcher, de Laura Petrone et Guillaume Kerbusch, et Sprötch, de Xavier Seron.
La Palme d’or ANATOMIE D’UNE CHUTE : la dissection des auteurs débute !https://encinemascope.be/wp-content/uploads/2023/09/Samuel-Theis-et-Sandra-Huller-dans-Anatomie-dune-chute-scaled.jpg25601697Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Justine Triet Scénario : Justine Triet et Arthur Harari Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Antoine Reinartz
Drame policier 2h30
★★★★
Anatomie d’une chute narre le procès d’une écrivaine, Sandra (Sandra Hüller), accusée du meurtre de son mari, Samuel (Samuel Theis). Le couple et leur fils de 11 ans, Daniel (Milo Machado Graner), vivent depuis un an à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur chalet. S’agit-il d’un accident, d’un suicide ou d’un homicide ? Personne ne le sait. Très rapidement, Sandra est accusée d’avoir tué Samuel. Lors de son procès, ce sont tant sa vie privée que sa vie professionnelle qui seront disséquées.
La réalisatrice du film, Justine Triet, a eu la chance de pouvoir s’appuyer sur une immense actrice : l’Allemande Sandra Hüller. Le rôle de Sandra a d’ailleurs été écrit pour elle. Elle a ainsi déclaré à la Radio Télévision Suisse : « J’ai eu le script entre les mains et je l’ai lu d’une traite. J’en suis tombée amoureuse. (…) Et puis il y a ce personnage que je trouve très mature, d’une certaine manière, parce qu’elle a la capacité de relier tous les opposés, ses ambivalences intérieures et les ambiguïtés de la vie. (…) Je l’aime beaucoup et je l’admire, aussi. »
Les autres interprètes se sont magnifiquement impliqués dans le film et ont réussi à véritablement s’imprégner de leurs rôles respectifs, à commencer par les acteurs Antoine Reinartz (120 battements par minute et Roubaix, une lumière) et Swann Arlaud (Petit Paysan, Grâce à Dieu), et le jeune comédien Milo Machado Graner.
Dans cette plongée dans la vie privée d’un couple d’écrivains quadragénaires, Justine Triet ne prend pas les spectateurs et les spectatrices par la main. Elle en fait des jurés. Ils et elles seront mis à rude épreuve et devront immanquablement choisir un camp.
Les décors sont d’abord ceux des Alpes françaises et d’un chalet de montagne avant de basculer vers l’autre versant : celui d’une cour d’assises. Grâce à ses dimensions à la fois humaines et réalistes, la salle où se tient le procès donne aux spectateurs et aux spectatrices un sentiment de proximité vis-à-vis des plaidoiries qui y sont présentées.
Si avec Anatomie d’une chute, Justine Trier ne réalise pas à proprement parler un thriller, elle nous tient néanmoins en haleine tout au long de son film, notamment grâce à des dialogues soutenus et coriaces. Nous sommes en effet plongés au milieu de discussions passionnées et passionnantes, qui mettent en lumière certaines difficultés des relations amoureuses et, plus généralement, humaines, lorsqu’un membre d’un couple ne parvient pas à se sentir réellement à sa place et à briller suffisamment dans les yeux de l’autre.
Le film nous a fait penser au jeu de société belge « Intime Conviction ». Tout comme lui, il s’articule autour du sentiment que nous sommes, nous, spectateurs et spectatrices, comme écrit ci-dessus, les jurés d’un procès. Sans nous forcer à penser qu’il y a toujours une vérité judiciaire en parfaite adéquation avec la réalité des faits. La liberté de penser participe à la force et la subtilité de ce film pas toujours drôle, certes, mais drôlement intelligent !
Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart
Prix French Touch du Jury de la Semaine de la Critique à Cannes pour IL PLEUT DANS LA MAISON : retour en interviews sur le premier film de Paloma Sermon-Daï, PETIT SAMEDIhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2023/05/ITV-de-Paloma-Sermon-Dai-aux-Magritte-2022.jpg19201080Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
La 76e édition du Festival de Cannes s’est clôturée avant-hier. Section indépendante importante de la grand-messe du cinéma consacrée à la découverte de jeunes talents de la création cinématographique, la Semaine de la Critique a notamment sacré cette année Il pleut dans la maison, premier long métrage de fiction de la Belge Paloma Sermon-Daï. Le jury de la Semaine lui a en effet décerné son Prix French Touch.
Nous n’avons pas encore pu découvrir Il pleut dans la maison mais c’est l’occasion pour nous de revenir sur le premier long métrage de la réalisatrice namuroise. Il s’agit cette fois d’un documentaire : Petit Samedi. Nous avions interviewé Paloma à l’issue du 35e Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), où elle avait reçu le Bayard d’Or, récompense suprême du Festival de la capitale wallonne, mais aussi le Prix Agnès de l’imaginaire égalitaire, venu récompenser le regard original et novateur dont son œuvre témoigne. Le FIFF, où aura d’ailleurs sans doute lieu la première belge de Il pleut dans la maison. Nous avions à nouveau tendu notre micro à la jeune réalisatrice l’année dernière, lors des 11e Magritte du Cinéma, où son Petit Samedi avait remporté le Magritte du Meilleur documentaire.
Paloma Sermon-Daï et Petit Samedi aux 11e Magritte du Cinéma…
Crédit vidéo : Gerardo Marra
… et au 35e FIFF !
Le FIFF consacre Petit Samedi !
À Namur, Petit Samedi avait donc d’abord remporté le Prix Agnès de l’imaginaire égalitaire. Membre du Jury Longs métrages, l’actrice française Daphné Patakia déclarait que ce dernier avait « trouvé un des deux personnages principaux du film très inspirants ». Avant d’ajouter que « nous manquons de ce genre de personnages au cinéma ».
Très contente, Paloma Sermon-Daï déclara : « Je remercie mes producteurs, qui m’ont fait confiance pour ce premier long métrage. Je pense évidemment à ma famille et à mes proches. Je pense très fort à ma maman et à mon frère, sans qui ce film n’existerait pas. Je les remercie énormément d’avoir partagé leur histoire. Je voudrais aussi remercier, symboliquement, l’équipe technique. Je pense notamment à Frédéric Noirhomme, Thomas Grimm-Landsberg, Fabrice Osinski, Lenka Fillnerova et Aline Gavroy. Je remercie le FIFF et je vous remercie tous ; merci beaucoup ! »
Le moment venu de décerner le Bayard d’Or, ce fut au tour du réalisateur français Samuel Benchetrit, président du Jury Longs métrages, de prendre la parole. Son jury a vu dans Petit Samedi « un film d’une pudeur incroyable, bouleversant, qui est à la fois très drôle et merveilleusement filmé ». Il précisa ensuite ceci : « C’est un prix que l’on remet à l’unanimité du jury. Et je pense que c’est une réalisatrice dont on va entendre parler très longtemps. »
Ravie, la réalisatrice andennaise répondit ceci : « Je ne m’y attendais vraiment pas. Je ne pensais pas devoir me relever. Merci beaucoup ! Je remercie encore une fois mes producteurs – Alice (Lemaire) et Sébastien (Andres) –, les coproducteurs, le WIP, Take Five, Dérives et tous nos partenaires. Je remercie encore une fois l’équipe technique. Je remercie tous les membres de ma famille, et, évidemment, Adriana, qui m’accompagne au quotidien, qui me soutient. Je pense énormément à ma mère et à mon frère. Et je pense évidemment à toutes les familles et à toutes les personnes qui vivent la même chose et qui n’ont pas de voix. J’espère très sincèrement que ce film leur permettra de se sentir écoutés. Et que notre parcours associatif permettra à ma famille, mais aussi à d’autres, de trouver une parole. Je vous remercie tous ! Je suis très touchée ! »
La réalisatrice de Petit Samedi, Bayard d’Or du 35e FIFF, entourée du jury qui l’a récompensée Crédit photo : Nicolas Simoens
Notre interview de Paloma Sermon-Daï au Festival de Namur
En Cinémascope : Paloma, félicitations pour ces deux prix ! Le Bayard d’Or mais, aussi, le Prix Agnès. Le Bayard d’Or, c’est évidemment la récompense suprême, mais ce Prix Agnès, c’est quoi pour vous ?
Paloma Sermon-Daï : Je suis très contente, qu’on ait mis à l’honneur le rôle de ma mère. Je suis très contente d’avoir montré un cinéma un peu différent et d’avoir donné une parole, je l’espère, nouvelle, à une mère en difficulté, à une mère et à une famille en difficulté. Et, enfin, je suis très contente d’avoir ce prix dans notre région car je suis andennaise.
Comment présenteriez-vous votre film ?
C’est un film qui suit le quotidien de mon frère, qui se bat contre ses addictions, avec le parti pris de traiter de l’addiction avec le regard de la famille. Avec, au cœur, la relation mère-fils. J’ai essayé de parler d’amour.
Le jury a été unanime. Un long silence s’est installé après leur découverte de votre film. Leur discussion n’a pas été très longue quand ils ont dû choisir quel film sortait vraiment du lot : ce fût le vôtre !
Ça me fait évidemment très plaisir. Je suis très touchée. C’est un film qui fait qu’on est d’accord ou pas avec ce qui s’y dit. Mais quand on est d’accord, on est vraiment d’accord. C’est le retour qu’on a jusqu’à présent. Les gens nous disent être vraiment très touchés. Et ça nous fait plaisir !
Jean-Philippe Thiriart
Crédit vidéo : Gerardo Marra Crédit photo : Nicolas Simoens
Le 40e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de filmshttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2022/09/02-DSC_5235.jpg1535826Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Samedi dernier prenait fin à Brussels Expo l’édition anniversaire du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF). Le Festival a en effet fêté ses 40 ans, et cela de belle manière. Une fête qui a pris fin avec la projection du film de clôture – Fall (signé Scott Mann) –, précédée de l’annonce du palmarès. Un palmarès qui est venu couronner une coproduction belge, l’année-même où le festival lançait, non sans fierté, un focus belge sur le cinéma de genre. C’est la première fois depuis la naissance du BIFFF, en 1983, qu’une coprod belge remporte la récompense suprême, le Corbeau d’Or. Ce film, c’est Vesper, réalisé par Kristina Buozyte et Bruno Samper. (critique ci-dessous)
Kristina Buozyte et Bruno Samper, réalisatrice et réalisateur de Vesper Crédit photo : Vincent Melebeck
Au sein de la Compétition internationale toujours, les Corbeaux d’Argent sont allés à Summer Scars, de Simon Rieth, et à Virus 32, de Gustavo Hernández, une Mention spéciale étant accordée à Studio 666, de BJ McDonnell (critique ci-dessous).
C’est Moloch, de Nico van den Brink, qui est sorti gagnant de la Compétition européenne, remportant le Méliès d’Argent. Nightride, de Stephen Fingleton a été élu Meilleur thriller, quittant Bruxelles avec le Black Raven Award, une Mention spéciale étant accordée à Limbo, de Soi Cheang (critique ci-dessous) Le White Raven Award est allé à Life of Mariko in Kabukicho, de Eiji Uchida et Shinzo Katayama, avec une Mention spéciale pour Redemption of a Rogue, de Philip Doherty (critique ci-dessous). La Emerging Raven Competition, mettant en lice des premiers et deuxièmes longs métrages a vu l’emporter Kappei, de Takashi Hirano. Mention spéciale à Zalava, de Arsalan Amiri. Le Prix de la Critique a été décerné à Piggy, de Carlota Pereda (critique ci-dessous), avec une Mention spéciale pour Huesera, de Michelle Garza. Le toujours très touchant Prix du Public a été décerné au détonnant Mad Heidi, de Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein (critique ci-dessous).
Envie de connaître le palmarès des courts métrages ? Direction le site du Festival !
Résultats de notre concours
Avant toute chose, un tout grand MERCI à celles et ceux qui ont participé à notre concours En Cinémascope @ 40e BIFFF, organisé avec le soutien précieux du Centre Culturel Coréen de Bruxelles ! Et félicitations aux gagnant(e)s de celui-ci : Muriel Adamski, Christine Demaerschalck, Cédric Gabriel, Patrick Laseur et Vincent Meulemans ! Elles et ils ont chacun(e) remporté un pass de 6 séances, trois persos et trois pour la personne de leur choix pour autant de films coréens au BIFFF.
Jean-Philippe Thiriart
Critiques de différents films primés
Vesper Chronicles (Vesper), Corbeau d’Or ★★★ Kristina Buozyte et Bruno Samper (France, Lituanie, Belgique)
De la bio science-fiction, voilà un sous-genre qui est très peu représenté au cinéma. Le film offre dès lors un vent de fraîcheur malgré le ton sombre du récit. L’humain a saccagé la planète, la nature a repris ses droits et l’homme, pour survivre, n’a pu que s’acclimater et vivre avec elle en créant une biotechnologie organique à base de bactéries, de champignons et d’autres organismes végétaux pour alimenter machines et éclairages, mais aussi à des fins médicales, technologie dont la jeune Vesper se révèle être une génie. Si le film dépeint un futur original et peut compter sur des acteurs et actrices convaincants, il bénéficie aussi d’une excellente direction artistique, tantôt belle et envoûtante, tantôt sale et aussi organique qu’un film de David Cronenberg, en lien direct avec les enjeux du récit, centrés autour de la recherche biologique et des expérimentations génétiques. On pourra s’étonner de la violence de certains passages, parfois crus, et d’un ton ambiant nihiliste, le film étant vendu comme une fiction grand public. Il reste cependant facile d’accès. Malgré quelques petites baisses de rythme et certaines longueurs, cette coproduction européenne offre un film de science-fiction original, avec un univers crédible et des effets qui tiennent la route. Une belle surprise ! Ruben Valcke
Studio 666, Mention spéciale de la Compétition internationale ★★ BJ McDonnell (États-Unis)
Généreux, c’est l’adjectif qui vient immédiatement à l’esprit pour qualifier le film ! Musique rock, métal et occultisme peuvent se marier parfaitement dans un film d’horreur et plus encore dans une comédie horrifique. Les six musiciens du groupe Foo Fighters, ici dans leurs propres rôles, s’amusent et s’en donnent à cœur joie ! N’étant pas des acteurs professionnels, leurs prestations ne sont pas souvent à la hauteur. Mais qu’importe : le film est fun, avec beaucoup de second degré, de scènes très graphiques et une abondance de gore. Porté par le chanteur Dave Grohl, le film transpire d’un amour sincère pour le genre. Grâce à sa réalisation maîtrisée, le film évite un aspect nanar et nous offre une grosse série B délirante de qualité. Pas certain qu’il fonctionne aussi bien s’il est regardé seul, mais en festival ou en soirée pizza-bière entre amis, c’est le film horrifiquement fun parfait ! R.V.
Limbo, Mention spéciale de la Black Raven Competition ★★★★ Soi Cheang (Hong Kong, Chine)
Une photographie à tomber, des images sublimes et des décors incroyables pour représenter un Hong Kong insalubre et malsain comme nous ne l’avions jamais vu auparavant ! Le titre du film reflète bien l’ambiance sombre et âpre du métrage tant nous avons l’impression, dans toute cette crasse et ces monticules de déchets, d’évoluer dans les limbes aux abords de l’enfer. Le noir et blanc très contrasté du film renforce le sentiment de mal-être et d’oppression de la ville, une noirceur devenue plutôt rare dans le cinéma contemporain. Le réalisateur choisit de renouer avec l’époque du cinéma HK dans ce qu’il offrait de plus sombre et violent mais avec, ici, une plastique absolument magnifique. L’histoire d’un duo de policiers à la recherche d’un tueur en série peut paraître classique mais avec sa réalisation impeccable, un visuel d’exception et ses sous-intrigues fortes, le film se démarque radicalement des autres productions. Plus qu’un film noir, c’est une perle noire, un chef-d’œuvre de ce genre de cinéma. R.V.
Redemption of a Rogue, Mention spéciale de la White Raven Competition ★★ Philip Doherty (Irlande)
Après sept ans, Jimmy Cullen revient dans son village natal pour faire la paix avec son entourage avant de se suicider. Mais la tâche sera ardue puisque tout le monde lui en veut. Son frère ne lui pardonne pas de l’avoir laissé seul s’occuper de leur père mourant. Ce dernier, qui a toujours eu la main lourde avec ses enfants, a toujours une dent contre Jimmy pour une histoire d’harmonica volé. Et son ex ne le supporte plus depuis un accident qui l’a laissée en chaise roulante. Ajoutez à cela la rancune de tout le patelin, qui a toujours en travers de la gorge un match de foot perdu à cause de lui et vous avez le tableau peu réjouissant de la situation. Et pour couronner le tout, le fameux paternel passe l’arme à gauche et devra être enterré selon ses dernières volontés. Sur fond de pluie irlandaise, de dépression profonde et de symbolique christique, Redemption of a Rogue vaut le détour par son traitement cynique et un humour noir dont fait preuve son anti-héros, sorte de figure messianique contemporaine totalement perdue. Le tout sur fond de BO folk blues délicieuse évoquant parfois certaines fins d’épisodes de la dernière saison de Twin Peaks. On lui pardonnera donc son côté un peu trop inoffensif pour profiter du bon moment qu’il offre. Guillaume Triplet
Piggy, Prix de la Critique ★★★ Carlota Pereda (Espagne)
Sara est une jeune fille tout en rondeur qui est la cible de harcèlement et de moqueries de la part des jeunes de son village. Après l’insulte de trop, elle ne va pas se venger mais bien être vengée à son insu. Sorte de rape-and-revenge détourné, Piggy aura été un coup de cœur de cette 40e édition du BIFFF, qui réunit aussi bien des éléments de films cultes comme I Spit on Your Grave que de Massacre à la Tronçonneuse mais sans jamais en être une simple resucée. Ces influences sont digérées pour servir une œuvre qui ne connait pas l’ennui. Basé sur un court métrage de 2017, présenté d’ailleurs au BIFFF en son temps, Piggy regroupe les ingrédients essentiels et nécessaires et parvient même, par moments, à prendre le spectateur à contre-pied en créant la surprise. Une ode à la tolérance et à l’acceptation sur fond de boucherie totalement maîtrisée et hautement recommandable. Une belle leçon à plusieurs niveaux. G.T.
Piggy, de Carlota Pereda
Mad Heidi, Prix du Public Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein (Suisse)
★★★ Dans une époque inconnue, les Helvètes sont sous le joug d’une dictature extrémiste du fromage menée par un président dont la tenue favorite est le bon vieux training et les claquettes-chaussettes, qui a décidé de purger la nation de tous les intolérants au lactose. Si Heidi semble assez protégée dans ses alpages, sa capture et l’exécution de son amour de chevrier (arrêté pour trafic illégal de tome) auront vite fait de transformer la jeune fille en vengeresse sanguinaire prête à tout pour redonner à la « matrie » sa grandeur perdue. Avant-première mondiale et résultat d’un incroyable crowdfunding, Mad Heidi se présente comme le premier film de la « swissploitation ». Pur hommage Grindhouse au cinéma des années 70, Mad Heidi est une belle folie portée à l’écran par une mise en scène et un montage jamais à court d’idées. Un film contemporain qui ne renie pas le passé. Humour parfois lourd mais bien amené, gore outrancier, personnages ultra caricaturaux, scènes de torture à la fondue et au Toblerone, split screens, références subtiles… le film salue le cinéma d’exploitation d’antan tout en surfant sur des thématiques modernes. De l’action et du fun au doux parfum d’emmental. Assez brillant dans le genre. G.T.
★★ Un nouveau genre de film d’exploitation est né : la swissploitation ! Né d’un crowdfunding réunissant plus de 40 000 investisseurs fans de cinéma de genre, cette proposition déjantée fait irrémédiablement penser au film Iron Sky, le côté grosse série B encore plus assumé. L’action se déroule dans une Suisse totalitaire inspirée du nazisme. Mais ici, le dictateur, campé par un Casper Van Dien qui s’amuse apparemment beaucoup dans ce rôle, est obnubilé par les produits laitiers qui font la fierté de son pays. Les intolérants au lactose n’ont qu’à bien se tenir, tout comme ceux qui s’opposent à la conquête mondiale du fromage suisse. Le métrage est un vrai film d’exploitation dans ce qu’il a de plus outrancier, dans la pure veine des productions post-Grindhouse de Tarantino et Rodriguez. Il réussit là où beaucoup d’autres ont échoué : c’est un bon film fun, certes, mais qui tient diablement la route. La première mondiale de Mad Heidi au BIFFF, film drôle, gore et délirant, a fait grandement réagir une salle bien remplie, avec dégustation de fromages et animations tout en costumes à la clé. R.V.
Nos autres critiques
Vous retrouverez, ci-dessous, par ordre alphabétique, nos critiques d’autres films découverts au BIFFF cette année.
Don’t Come Back Alive ★ Néstor Sánchez Sotelo (Argentine)
Lors d’une opération spéciale de police dans des quartiers mal famés, la jeune Camilla se voit prise au piège de ce qui s’apparente à une secte dont les membres ont décidé de s’immoler autour d’elle. Sauvée de justesse des flammes, la policière est sévèrement brûlée et séjourne plusieurs mois à l’hôpital avant d’être prise en charge par Fatima, son amie procureure qui, elle, doit faire face à une série de meurtres particulièrement sordides. Pourrait-il y avoir un lien entre ceux-ci et ce qui est arrivé à Camilla ? À la croisée des chemins entre le film de possession et le thriller fantastique, Don’t Come Back Alive est le genre de film dont le pitch est intéressant sur papier mais qui se voit sabordé par une mise en forme manquant de méthode au point d’en faire parfois un objet risible. Dommage d’ailleurs puisque l’entrée en matière laissait augurer du bon et ce, malgré des moyens modestes. Mais un mauvais jeu d’acteurs, des répliques parfois à la limite du ridicule, des zones d’ombre dans le scénario et un amoncellement de clichés ont vite fait de plomber un métrage qui aurait peut-être pu tirer son épingle du jeu. G.T.
Hinterland ★★★ Stefan Ruzowirzky (Autriche, Luxembourg)
Impossible de manquer ce film attendu qui avait déjà fait parler de lui au Festival de Locarno ! Sur le site du Heysel, la salle Ciné 1 du BIFFF est grande. Ça tombe bien car, en cette fin d’après-midi du premier vendredi du Festival, les amateurs de frissons sont venus en nombre, prêts à vibrer durant près de deux heures. L’intrigue du thriller policier Hinterland se déroule à Vienne en 1920 après la chute de l’Empire austro-hongrois. La Première Guerre mondiale a pris fin. Prisonnier de guerre pendant plusieurs années, l’ancien détective Peter Perg (Murathan Muslu) est rentré chez lui. Il est amené à travailler avec la médecin légiste Theresa Körner (Liv Lisa Fries) afin de résoudre une série de meurtres. L’ambiance de ce film se situe à mi-chemin entre le noir et blanc des premiers films d’épouvante du siècle passé et les grands films historiques de notre époque. Le film étant bien entendu projeté en VO, il aura parfois fallu s’accrocher à son fauteuil pour ne pas perdre le fil de l’intrigue mais le rythme de l’enquête nous aide à ne pas décrocher. Préparez-vous à faire un bond dans le temps et pas mal d’autres dans votre siège ! Un bon policier, ça ne se refuse pas. Raphaël Pieters
The Killer: A Girl Who Deserves To Die ★ Jae-hoon Choi (Corée du Sud)
Que ça soit en termes d’écriture ou de découpage, le film fait beaucoup penser à la formule du téléfilm, ce qui surprend au vu du sujet traité. En revanche, dans sa deuxième moitié, il devient bien plus cinématographique et la mise en scène, bien plus ambitieuse. Le scénario est très classique et repose sur la badass attitude de son personnage central. La figure du protagoniste quasi invincible est fort exploitée dans le cinéma sud-coréen et ce film s’inscrit dans cette tendance. L’influence de John Wick est très présente, surtout dans les scènes de combats et dans la représentation des gunfights : le héros est trop intouchable que pour être réellement crédible. Toutefois, si le spectateur recherche juste de l’action avec un protagoniste impressionnant par ses talents au combat, il trouvera dans The Killer une chouette récréation. R.V.
Logger ★ Steffen Geypens (Belgique)
On ne se perd pas trop dans ce film puisque l’intrigue commence directement au beau milieu d’une forêt de feuillus comparable à toutes celles de notre plat pays. Cependant, très rapidement, l’ambiance change lorsque notre ami bûcheron (Pieter Piron) y découvre un corps mutilé. Très vite, cette macabre découverte le plonge dans un état second dans lequel rêves et réalités se confondent. Le film cherche-t-il à nous perdre dans les bois ? Difficile à dire mais on a tendance à se perdre dans cette intrigue où cauchemars et réalité s’entrechoquent jusqu’à nous en donner la nausée. Mais n’est-ce finalement pas cela, la meilleure arme des films d’horreur à petits budgets : nous perdre dans un bois et nous y abandonner pour nous donner ensuite envie de foncer aux toilettes du BIFFF dans le but d’y laisser un peu prématurément le sandwich à l’américain ingurgité à midi ? Si oui, alors ce film aura réussi à nous faire voyager ! R.P.
Next Door ☆ Ji-ho Yeom (Corée du Sud)
Après une soirée un peu trop arrosée, un pseudo étudiant trentenaire qui en est à sa cinquième tentative pour intégrer la police se réveille chez sa voisine avec un cadavre au pied du lit. Bon courage pour recoller les morceaux ! Tourné en huis clos, Next Door est laborieux dès le départ et n’ira pas en s’améliorant au cours de l’heure et demie de film, qui paraît une éternité. La faute à un personnage peu attachant, à des situations pseudo-drôles qui ne le sont en fait pas et à une histoire qui accumule les incohérences voire les aberrations. Des passages beaucoup trop tirés en longueur, un manque de rythme certain et des situations dont l’explication se cherche encore auront aussi eu raison de nous. G.T.
Night at the Eagle Inn ★ Erik Bloomquist (États-Unis)
Deux jumeaux, Sarah, dépressive et prise de visions, et Spencer, branché sur le paranormal, décident de repartir sur les lieux où, en 1994, leur mère mourut en les mettant au monde et leur père disparu mystérieusement, afin de percer le secret de ce qui a bien pu se passer. L’endroit en question : un hôtel reculé, coupé de tout, tenu par un gérant pour le moins intrigant et entretenu par un jeune éphèbe mystérieux. Point n’est besoin de vous dire que tout ne va pas se passer comme prévu et que ces jeunes gens seront vite pris dans un engrenage infernal. Dès le départ, l’une des influences principales du film saute aux yeux. En effet, il ne serait pas étonnant qu’Erik Bloomquist compte Shining parmi ses films de chevet tant les clins d’œil fusent autant dans la recherche d’ambiance que dans certains éléments du décor. Mais ne dépasse pas le maître Kubrick qui veut et Night at the Eagle Inn pèche par un traitement un peu trop plat et par un manque d’idées. Ainsi, les effets de peur tombent à l’eau et l’absence de consistance des personnages manque de servir le propos. Flop néanmoins divertissant… mais flop tout de même dont les 70 minutes sont amplement suffisantes. G.T.
La Pietà ☆ Eduardo Casanova (Espagne, Argentine)
On nous avait vendu du rêve, on n’a même pas fait de cauchemar après ce film hispano-argentin aussitôt vu, aussitôt oublié. Mateo aime le rose et sa mère Libertad. Mais un jour, dans ce monde à deux voix, on annonce à Mateo qu’il souffre d’un cancer. Voilà pour le point de départ du film. L’actrice Ángela Molina et ses 46 ans de carrière sont sans doute la seule attraction de ce film qui se perd entre l’épouvante et la tragi-comédie. La salle ne s’y trompe pas et les réactions ne se font pas trop attendre : « hou ! », lance un groupe d’amis habitués à reconnaitre les navets interminables parfois diffusés aux BIFFF. Mais tout au long du film, on essaie d’oublier de regarder sa montre en rigolant de l’absurdité des situations rencontrées par le personnage interprété par Manel Llunell. On ne sait d’ailleurs pas trop de quels maux il souffre. Plutôt qu’un film d’épouvante, La Pietà est une tragi-comédie. Vous l’aurez compris, on ne vous recommande pas ce film. R.P.
Scare Package ★ Emily Hagins, Chris McInroy, Noah Segan, Courtney & Hillary Andujar, Anthony Cousins, Baron Vaughn et Aaron B. Koontz (États-Unis)
Film à sketches présentant différentes comédies horrifiques regroupant un maximum de codes et de clichés des films d’horreur des années 80, Scare Package joue avec lesdits codes pour donner lieu à une série de situations humoristiques. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une parodie, les réalisatrices et réalisateurs faisant preuve d’un réel respect du genre horrifique sous toutes ses formes, n’hésitant pas à faire couler le sang et à présenter des blessures plus terribles les unes que les autres. En témoigne, notamment, un sketch proposant un gore qui, s’il est outrancier, n’en n’est pas moins totalement ridicule, cela afin de faire rire les spectateurs. Le très gros second degré du film rend les nombreuses touches d’humour plutôt efficaces. Si toutes les blagues ne feront pas mouche, étant sans doute un peu trop forcées, le gore potache reste un artifice comique qui a fait ses preuves et Scare Package en use sans vergogne. Comme dans la plupart des films à sketches, surtout ceux qui proposent beaucoup d’épisodes, il y a dans Scare Package un souci d’équilibrage et de rythme, le film paraissant un peu trop long et certains sketches étant de moindre qualité. Les transitions entre les sketches et la trame principale sont elles aussi problématiques. Si le film justifie, au début, l’intégration des différentes histoires, bien vite, les transitions deviennent abruptes et sans réel sens. Dommage ! R.V.
Scare Package 2: Rad Chad’s Revenge ★★ Aaron B. Koontz, Alexandra Baretto, Anthony Cousins, Jed Shepherd et Rachele Wiggins (États-Unis)
Suite directe du premier du nom, Scare Package 2 voit cette fois-ci ses sketchs emprunter les codes et les clichés des films d’horreur des années 90 et début 2000. L’histoire principale qui y est narrée fait revenir plusieurs personnages du film précédent et constitue un fabuleux pastiche de la saga Saw, ne manquant pas de jouer avec le ridicule et les incohérences de la saga. Mieux rythmé, constitué d’un peu moins de sketches et proposant une histoire centrale qui n’est plus juste un morceau de comédie mais un segment de comédie horrifique bien plus passionnant à suivre, le film est meilleur que son prédécesseur, plus malin aussi, donnant à voir bon nombre de situations méta très sympas. Avec, une fois encore, une myriade de références à la culture cinématographique horrifique et à bon nombre de codes non encore exploités par le film précédent, ce diptyque en devient un très gros best of de tout ce qui a pu se faire et se répéter pendant près de trois décennies. R.V.
Sinkhole Ji-hoon Kim (Corée du Sud)
★★★ Après plusieurs années à économiser, une famille modeste devient enfin propriétaire d’un appartement dans un quartier de Séoul. Le bonheur ne sera que de courte durée puisque des failles apparaissent dans le bâtiment, et amèneront celui-ci à être aspiré dans un trou gigantesque laissant les habitants croupir à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Mêlant à la fois comédie, satire sociale, drame et film catastrophe, Sinkhole est une réussite du genre et met à nouveau en lumière le talent de la Corée du Sud. Doté d’une excellente maîtrise de la réalisation mais aussi et surtout d’une collection d’idées scénaristiques parfois bluffantes amenant un véritable rythme, le cinquième long-métrage de Ji-hoon Kim coche pas mal de bonnes cases. Neuf ans après The Tower (dont le principe était, à peu de choses près, celui de La Tour infernale), le réalisateur revient avec un film dans lequel le traitement des personnages mais aussi des décors est bougrement intelligent. On rit, on pleure, on en prend plein la vue : un régal ! G.T.
★★ Peut-être bien le tout premier film qui mélange les genres catastrophe et comédie (hors films parodiques), deux genres qui semblent aux antipodes tant le film catastrophe repose sur le dramatique. Sinkhole fonctionne pourtant plutôt bien, le réalisateur laissant par moments l’humour de côté pour se concentrer sur les émotions et pour insuffler de la tension au film. Le cinéma sud-coréen n’hésite souvent pas à en faire un peu trop dans la mise en scène. C’est le cas ici et quand il s’agit de représenter un immeuble entier s’enfonçant dans un gouffre de plusieurs centaines de mètres, c’est visuellement aussi impressionnant qu’irréel. Mais c’est, ici, traité si sérieusement que nous ne pouvons qu’être convaincus. L’histoire suit les canons d’écriture du film catastrophe et de survie mais, par son mélange radical de styles, le film en devient fort original, le ton « comédie » du début de Sinkhole permettant un bel attachement du spectateur aux personnages du film. À découvrir assurément ! R.V.
Beaucoup plus de budget, sans doute de bien meilleures caméras et des plans plus léchés : tout dans cette suite sent la qualité supérieure, mais, malheureusement, au détriment de l’inventivité et de l’énergie qui constituaient la patte du premier film : Wyrmwood: Road of the Dead. Un scénario qui montre comment, plusieurs mois après l’infection, les habitants des campagnes australiennes se sont organisés, en particulier les équipes militaires et scientifiques qu’on avait déjà pu voir à l’œuvre dans le film précédent. Malgré l’upgrade visuel, le film paraît moins fou, moins original, même s’il se permet quelques bons délires comme un cyber-zombie au look très réussi. Wyrmwood: Apocalypse reste un film à budget très modeste et le réalisateur a l’intelligence de ne se concentrer que sur l’essentiel. Un bon film de zombies, qui n’hésite pas sur le sanguinolent, mais déçoit un peu quand on a donc, en mémoire, Wyrmwood: Road of the Dead. R.V.
Avant-premières de DECISION TO LEAVE et rétrospective Park Chan-wook : interview du réalisateur et retour sur OLD BOYhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2022/08/Decision-to-Leave-02.jpg8001200Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Ce jeudi 4 août, à 19h, le cinéma Palace, à Bruxelles, présentera en avant-première le nouveau film du réalisateur coréen culte Park Chan-wook, un des maîtres du cinéma de genre. Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes cette année, Decision to Leave arrive 18 ans après Old Boy (2004) (voir critique ci-dessous), lui aussi récompensé à Cannes, où il remportait le Grand Prix et 13 ans après Thirst, ceci est mon sang, Prix du Jury en 2009. Notons également l’incursion dans le cinéma américain du metteur en scène coréen en 2013 avec Stoker, son premier film tourné en anglais, avec Nicole Kidman notamment.
Le samedi 6 août, c’est un autre cinéma bruxellois, le cinéma Aventure, qui célèbrera Park Chan-wook. Avec, là-aussi, la présentation, à 19h, de Decision to Leave en avant-première. Et une rétrospective consacrée à son cinéma avec la projection de trois autres de ses films ce mois-ci : Old Boy (le 9 août), Stoker (le 16) et Mademoiselle (The Handmaiden) (le 23). Un « pass Park Chan-wook » comptant quatre places, donnant accès à chacune des séances à tarif réduit, Decision to Leave inclus, est disponible sur le site de l’Aventure.
Park Chan-wook nous avait accordé un agréable entretien lors de la 35e édition du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (le BIFFF, dont la 40e aura lieu au Palais 10 de Brussels Expo du 29 août au 10 septembre). C’était en 2017, peu après que le réalisateur coréen fut adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau à la grand-messe du cinéma fantastique bruxelloise.
Notez que nous organiserons bientôt, en partenariat avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles, un concours vous permettant de remporter pas moins de 30 places pour trois des films coréens présents cette année au BIFFF.
Crédits vidéo : Simon Van Cauteren Merci à Haetal Chung, du Centre Culturel Coréen de Bruxelles, qui a joué le rôle d’interprète de Park Chan-wook lors de l’interview !
Si Decision to Leave sera présenté en version originale sous-titrée bilingue, les films de la rétrospective seront, quant à eux, à (re)découvrir en version originale sous-titrée français.
Signalons enfin que la projection en avant-première de Decision to Leave au Palace est organisée en collaboration avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles et Cinéart, tandis que celle qui se tiendra à l’Aventure a lieu en collaboration avec la nouvelle revue belge de cinéma Surimpressions.
Old Boy
Réalisé par Park Chan-wook (2004) Avec Choi Min-sik, Yoo Ji-tae, Gang Hye-jung
Drame, thriller 1h59
★★★★
Old Boy fait partie de la trilogie que Park Chan-wook a consacré à son thème le plus cher : la vengeance. Initiée en 2003, cette saga comprend, outre Old Boy, Sympathy for Mr. Vengeance, réalisé en 2003, et Lady Vengeance, commis en 2005.
Précisons d’emblée que si chacun des épisodes de la trilogie est rudement efficace, Old Boy est le meilleur des trois films. Le film avait d’ailleurs remporté le Grand Prix du Festival de Cannes 2004, dont le jury était présidé cette année-là par un certain Quentin Tarantino.
Choi Min-sik, percutant dans le magnifique Old Boy
Si Old Boy s’inscrit un rien dans la même lignée que Kill Bill 1, le film du réalisateur sud-coréen n’a rien à envier au travail de Tarantino, loin de là. Il méritait d’ailleurs à Cannes, cette année-là, tellement plus la Palme d’Or que le très bon Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. On ne réécrit pas l’histoire.
Old Boy fait partie de ces œuvres qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Jouissif au possible et d’une grande violence – nécessaire au scénario -, ce métrage n’est pas à mettre sous tous les yeux. Servi par un scénario en béton, clos par un final dantesque et porté par un acteur au sommet de son art en la personne de Choi Min-sik, qui avait déjà brillé dans le film Ivre de femmes et de peinture, le film mérite absolument les quatre étoiles que nous lui accordons.
LE FABULEUX DESTIN D’AMÉLIE POULAIN a 20 ans et ressort en salles : critique du film et interview de Jean-Pierre Jeunethttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/12/001.jpg1600900Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
La critique ★★★
Réalisé par Jean-Pierre Jeunet Avec Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Jamel Debbouze, Yolande Moreau, André Dussollier
Romance teintée de comédie 2h
Avons-nous encore besoin de voir ou de lire des contes aujourd’hui ? Il semble que poser la question, c’est aussi y répondre. Alors que Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain sortait sur les écrans au mois d’avril 2001 – il y a 20 ans déjà – le film est resté à la page. Si les DVD, les smartphones et les PC portables ont remplacé les cassettes VHS, les gros téléphones portables sans 4G et les ordinateurs avec tours ; l’être humain, de son côté, a toujours besoin de tendresse et de mystère.
De l’eau a coulé sous le Pont des Arts ou sous le Pont des Invalides depuis le début des années deux mille, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain n’en reste pas moins un film d’actualité. Depuis lors, le cinéma français a réservé d’autres superbes films aux émotifs. On pense à Intouchables ou à Au revoir là-haut pour n’en citer que deux. Mais le film de Jean-Pierre Jeunet reste un incontournable, un chef-d’œuvre cinématographique. Combien sont aujourd’hui les jeunes qui n’osent pas déclarer leur flamme à un être aimé qui leur ressemble pourtant ? Combien sont-ils ces jeunes dépassés par les événements d’une époque qui nous dépasse toutes et tous ? Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain est un film rempli d’espoir et de rêve pour toutes celles et ceux qui en ont besoin et même pour celles et ceux qui n’en manquent pas mais ne savent pas toujours où continuer à trouver des raisons d’espérer.
Amélie Poulin est une jeune Parisienne de 23 ans qui a grandi isolée des autres enfants car son père lui a diagnostiqué, à tort, une maladie cardiaque qui l’empêche de fréquenter l’école. Sa mère est décédée accidentellement alors qu’Amélie était encore enfant. Mais, alors qu’elle ne croit plus à l’amour, elle découvre en apprenant le décès de la princesse Diana, le 31 août 1997, une boite métallique cachée derrière une plinthe descellée de sa salle de bain. Cette boite est remplie des souvenirs de l’enfant qui occupait jadis cet appartement. Elle se met alors à sa recherche en passant un pacte avec elle-même : si elle le retrouve et qu’il est heureux de retrouver sa boite, elle consacrera sa vie à aider les autres. Sinon, tant pis.
Si ce film vaut bien plus que le détour par son aspect féérique et son histoire attendrissante et parfois amusante, il vaut également pour son casting impressionnant. Dans le rôle d’Amélie Poulain, Audrey Tautou, révélée en 1999 par Vénus Beauté (Institut) mais qui accéda à une notoriété internationale grâce au film de Jeunet. À ses côtés, Mathieu Kassovitz, qui reçut le César du Meilleur espoir masculin en 1995 pour sa performance dans Regarde les hommes tomber. À leurs côtés, le jeune Jamel Debbouze, Yolande Moreau, Isabelle Nanty et le regretté Serge Merlin complètent un casting de haut vol.
Mais que faire en attendant de découvrir cette version numérisée, me direz-vous ? Amélie Poulain a sans doute la réponse : « En attendant, mieux vaut se consacrer aux autres qu’à un nain de jardin. »
Raphaël Pieters
L’interview du réalisateur
En 2014, Jean-Pierre Jeunet était présent au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) pour y donner une masterclass – « L’élixir de Jeunet » – et être adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau. Nous l’avions interviewé, conjointement avec Loïc Smars, fondateur et rédacteur-en-chef du Suricate Magazine.
Vous venez d’être prévenu que vous allez être fait Chevalier de l’Ordre du Corbeau ce soir. Qu’est-ce que cela représente à vos yeux ?
Je panique parce que je n’ai encore rien préparé. Il faut trouver quelque chose à dire et je n’ai pas beaucoup de temps pour trouver une connerie à faire.
Avez-vous déjà un peu entendu parler de l’ambiance particulière du BIFFF ? Pourquoi avoir accepté une masterclass alors que vous n’êtes pas en tournée promotionnelle ?
Déjà, le BIFFF, je ne connais pas. Pour les masterclass, je viens d’en faire par exemple six au Brésil. Je fais ça volontiers car j’aime le contact avec le public. Autant ça m’emmerde de parler avec des journalistes comme vous, autant avec le public, c’est sympa. Au Brésil, c’était incroyable, d’une densité, d’une chaleur… Cela durait deux heures ; j’en sortais rincé. Ils étaient passionnés et posaient des questions originales. On refusait des centaines de personnes à l’entrée.
Vous avez un énorme public au Brésil ?
C’était surtout des jeunes, des étudiants. Il y a aussi le côté un peu midinettes de celles qui adorent Amélie. Il y en a une qui est tombée dans les pommes, une qui a un tatouage Amélie, etc. Je ne pouvais pas le croire. Il y en a une, j’ai signé de mon nom et le soir même elle se le faisait tatouer et m’envoyait la photo. Ça fout un peu les jetons. Il y a même aussi une boutique « Je m’appelle Amélie ».
Vous êtes fidèle à vos comédiens et avez ainsi tourné à plusieurs reprises avec Rufus, Ticky Holgado, André Dussollier ou encore Jean-Claude Dreyfus. Mais votre acteur fétiche, c’est Dominique Pinon. Qu’est-ce que cet acteur a de magique à vos yeux ?
Tout d’abord, il me surprend à chaque fois donc je ne vois pas pourquoi je m’en passerais ! Ensuite, il a vraiment une tronche ! C’est un peu pour moi le comédien parfait. Au tout début de ma carrière, j’aurais dû tourner un téléfilm avec lui et ça ne s’est pas fait pour des questions idiotes. Ensuite, il a été dans mon premier court métrage et après, c’est devenu une tradition de l’avoir à chaque fois avec moi.
Vous vous entourez aussi souvent des mêmes personnes, tant au niveau de l’équipe technique que des comédiens. Vous avez aussi d’autres fidèles qui sont des « tronches », comme Rufus ou Ron Perlman.
En fait, j’aurais adoré travailler avec les acteurs d’après-guerre. Je suis un grand fan de Prévert, Julien Carette, Louis Jouvet… Et mes acteurs fétiches sont les équivalents de ceux-là. De temps en temps, j’en trouve des nouveaux mais je reprends avec plaisir les mêmes.
Et c’est un besoin de s’entourer de sa famille de cinéma ?
C’est plus pour l’équipe artistique. Mais malgré que j’aie travaillé avec plusieurs directeurs photos, il y a une continuité dans la lumière, ce qui prouve bien que c’est moi qui donne la direction.
Vous avez dit dans une interview que T.S. Spivet, c’est vous. Est-ce que vous amenez toujours un peu de vous dans un des personnages de chacun de vos films ?
T.S. Spivet, c’est effectivement un peu moi. Il fait ses dessins dans sa ferme comme moi dans ma maison à la campagne. Il gagne un prix comme j’en gagne parfois. Bon, il prend le train et moi plutôt l’avion. (il rit)
Votre rêve serait de retourner à la campagne, hors du circuit médiatique ?
Je suis très bien en Provence dans ma maison au milieu de la campagne.
L’animation et les dessins, ce sont vos premières amours. Vous avez envie d’y retourner ?
Le réalisateur français qui a gagné l’Oscar cette année pour Monsieur Hublot, un court métrage, m’a contacté pour travailler ensemble. Alors on va voir ce que l’on peut faire tous les deux.
D’ailleurs, Monsieur Hublot est inspiré d’un personnage belge fait par un sculpteur belge.
Je ne savais pas !
L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est votre deuxième expérience américaine…
Attention ! C’est un faux film américain, c’est un film franco-canadien, supposé être américain mais tourné au Canada. D’ailleurs, le seul Américain, c’est l’acteur qui joue le gamin. Je n’ai jamais mis les pieds aux USA pendant le tournage. Pendant les repérages à la frontière, j’ai juste mis le pied de l’autre côté. Tout cela m’a permis de garder une certaine liberté, d’avoir le final cut.
Justement, le final cut, vous l’avez eu sur Alien, la résurrection ?
Évidemment que non ! Mais je me suis débrouillé et me suis bien entendu avec eux. Aux visions-tests, on a appris, par indiscrétion, que dans la salle il y avait le monteur de Star Wars. Donc ils engagent des monteurs à la retraite qui voient tout de suite ce qui ne va pas. Nous, on était flatté et on a essayé de le joindre et il a été assez embêté qu’on ait tenté de le contacter. Mais parfois, les remarques étaient intelligentes. On a aussi appris à écouter.
Et avec Sigourney Weaver, avez-vous appris quelque chose ?
Elle m’a dit une phrase que j’ai retenue : « Les problèmes d’argent, tu en entends parler pour le moment. Mais tout ce que tu fais est gravé pour l’éternité. » Et donc cela voulait dire : « Ne te laisse pas faire par les questions d’argent car si tu bâcles ou que tu ne fais pas bien les choses, tu le regretteras toute ta vie car ce sera dans le film. » J’avais donc une grande liberté artistique mais une grande pression financière. Alors qu’à la base, je pensais le contraire.
Il y a une grande nouveauté dans votre dernier film, c’est l’utilisation de la 3D. Quel est votre sentiment par rapport à cette technique ?
C’est la dernière fois car c’est en train de décliner. Ils ne font plus que de mauvaises conversions, d’ailleurs la société de Cameron ne travaille quasi plus qu’en Chine. Plus personne ne tourne en 3D alors que cela coûte moins cher que la conversion.
Mais pour ce film, vous êtes content du résultat ?
Oui ! Artistiquement, j’adore. Le problème c’est que c’est compliqué et mal montré dans les salles. L’idéal, ce sont les lunettes actives et maintenant ils préfèrent les passives, car les autres coûtent chères à l’entretien et qu’ils les vendent. Mais c’est de la merde. Pourtant, pour Spivet, on a fait un truc nickel : on a tout corrigé en postproduction. Le moindre défaut. Parce que quand ça tape dans un seul œil, c’est là où le cerveau explose, que c’est pénible.
Depuis 2001 et Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, vous êtes aussi le producteur de vos films. En quoi ce rôle consiste-t-il exactement pour vous et quel plus cela apporte-t-il dans la concrétisation de vos projets ?
Quelque part, j’ai toujours été producteur. Je me suis toujours investi dans tous les domaines, y compris la fabrication. Seulement avant, ça ne me rapportait rien et maintenant je vois revenir de l’argent quand le film en gagne.
Dans plusieurs de vos films, les héros ont des petites lubies, des petits moments de bonheur, aiment des petits riens qui embellissent l’existence. Pourquoi ? Est-ce que cela vient de vous ?
Parce que si tu regardes les infos à la télé, tu te jettes par la fenêtre ! La vie et le monde ne sont pas toujours très drôles. On va donc se réfugier, trouver du bonheur dans ces petites choses, un rayon de soleil, etc. Sinon, tout cela c’est aussi un jeu que j’avais pratiqué dans Foutaises, un de mes courts métrages, que je suppose vous n’avez pas vu. Regardez-le. Sur YouTube, il y en a au moins 15 copies. Le jeu, c’était « J’aime » / « J’aime pas ». C’est d’ailleurs Dominique Pinon qui récite. Ensuite, c’est un ami, Jean-Jacques Zilbermann (NdA : le réalisateur du film Les Fautes d’orthographe en 2004) qui m’a demandé pourquoi je ne présentais pas mes personnages d’Amélie Poulain comme je l’avais fait avec Foutaises. C’est un très bon conseil vu que peu de monde avait vu mon court.
Pour terminer, avez-vous déjà des projets dont vous pouvez nous parler ?
On en est aux prémices, donc je ne peux pas en dire grand-chose. On a quelque chose qui tourne autour de l’intelligence artificielle mais je ne peux pas en dire plus.
Jean-Philippe Thiriart
Crédits photos de l’interview : Simon Van Cauteren pour En Cinémascope
CRUELLE EST LA NUIT : critiques du film et du DVD et interview du réalisateurhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/12/001-cover.jpg800533Guillaume TripletGuillaume Triplethttps://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Alan Deprez Avec Kevin Dudjasienski, Bertrand Leplae, Arnaud Bronsart, Pascal Gruselle, Sabrina Sweet, Evangelyn Sougen, Michel Angély, Pierre Nisse, Damien Marchal
Une sortie DVD Chriskepolis et Zeno Pictures Thriller érotico nihiliste 21 minutes
Récemment sélectionné dans deux festivals turcs (The Gladiator Film Festival et les Golden Wheat Awards) – il sera de ce fait diffusé à Istanbul le 31 décembre prochain -, le court métrage d’Alan Deprez Cruelle est la nuit sera aussi projeté ce 17 décembre à Bourg-en-Bresse dans le cadre du ZOOM et d’une programmation de courts-métrages trash.
En 2020, le film bénéficiait d’une sortie DVD digne de ce nom via les excellentes boîtes Chriskepolis et Zeno Pictures. L’occasion nous est donnée ici de revenir sur cette bande qui s’était déjà fait attendre en 2017 tant sa conception et sa sortie furent repoussées.
Une affiche signée Gilles Vranckx
Le film ★★★
Retour donc sur un film qui met en avant la créativité dont la Belgique peut encore déborder et l’indépendance de ses créateurs, pour qui le mot « limite » n’a peut-être pas le même sens que pour le commun des mortels. Un condensé de violence, de poitrines opulentes, de révolte et d’humour noir. Voilà ce qui pourrait donner une idée somme toute exhaustive de la vingtaine de minutes que représente Cruelle est la nuit.
Un soir, Kel, Arno et Sid du collectif Aetna préparent batte de base-ball et flingues pour une expédition punitive. Le but : éliminer le politicien véreux Hein Stavros. Mais à leur arrivée, les trois « activistes » se retrouvent en pleine partie fine, ce qui va quelque peu les contraindre à adapter leur plan. Dotée de personnages singuliers, Cruelle est la nuit est le genre de bande soignée tant au niveau du scénario que de la réalisation. En effet, si le concept de base surfe sur quelques poncifs presque obligatoires du genre, il n’en est pas moins original. Loin de l’histoire basique du cassage de gueules simpliste, le contexte sociopolitique a son rôle à jouer et la morale de la vanité de la révolte apporte une symbolique réfléchie sans non plus tomber dans l’intello.
Le film doit tenir le spectateur jusqu’au bout et ses concepteurs l’ont parfaitement assimilé, au point d’offrir son lot de démonstration des plaisirs de la chair et d’exagération des scènes gores. À ce propos, on ne peut que saluer les qualités formelles de la réalisation, qui opte pour des cadrages et une photographie apportant de la classe dans le trash, comme si Gaspar Noé ou Jess Franco étaient passés par là pour chacun apporter leur petite touche. La scène de l’orgie en est une preuve, au même titre que celle de la fellation avortée par éventration. Un des autres points forts est sans nulle doute la musique, qui participe à l’assombrissement du propos et à la tension du film grâce à des rythmiques industrielles du meilleur effet.
Le réalisateur Alan Deprez s’est fait plaisir en mêlant ses différentes influences esthétiques et cinématographiques, tout en insufflant une vision pour le moins nihiliste de l’existence. Mais il évite la complainte en choisissant un traitement des personnages qui permet de jouer subtilement la carte de l’ambiguïté tant le spectateur n’est pas pris par la main et guidé par une sorte de manichéisme démagogique. Life is a bitch.
Le DVD et ses bonus ★★★
En termes de suppléments, Zeno Pictures propose quelque chose de sobre mais bougrement instructif. Si le making of de 23 minutes décortique la conception des scènes phares du film, il laisse également la parole à certains des acteurs et met en avant l’incroyable travail de l’équipe technique, du cadreur à la maquilleuse, pour percer quelques-uns des secrets de fabrication du court métrage. On déplorera par contre l’absence d’intervention de la part du réalisateur, dont la vision artistique aurait sans doute été digne d’intérêt. Nous vous renvoyons pour cela à l’interview d’Alan Deprez, réalisée au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) et que vous retrouverez ci-dessous.
La suite se compose de deux interviews réalisées lors du Retro Wizard Day 2018. Des interviews très intéressantes puisqu’elles donnent la parole aux encyclopédies vivantes que sont David Didelot (Vidéotopsie) et Didier Lefèvre (Médusa Fanzine) d’une part, et à Damien Granger (ex-rédac chef de Mad Movies et auteur des divers volumes de B-Movie Posters et de Horror Porn : La fesse cachée du cinéma d’exploitation), d’autre part, qui apportent chacun leur analyse éclairée du film. L’occasion de mettre en évidence les multiples références, volontaires ou involontaires, que contient Cruelle est la nuit ou encore sa portée symbolique.
Enfin, le tout est accompagné d’un petit livret de 20 pages présenté comme un manifeste dans lequel l’éminent journaliste Pascal Françaix (La Septième Obsession, entre autres, et l’auteur de Torture Porn : L’horreur postmoderne, Teen Horror : De Scream à It Follows et Camp ! vol. 1 : Horreur et Exploitation) décortique à son tour le film d’Alan Deprez. Notez que le texte de ce livret, rédigé en français, est aussi disponible en anglais. Les anglophones n’ont décidément pas été oubliés puisque des sous-titres anglais sont également disponibles pour les bonus du DVD. Quant au film en lui-même, il peut être visionné avec des sous-titres optionnels anglais, néerlandais, français (sourds et malentendants), allemands, espagnols et italiens.
Rencontré à Bruxelles à l’occasion du BIFFF 2017, Alan Deprez a décortiqué avec nous la conception de son film et les enjeux de celui-ci. Mais ce fut également l’occasion de simplement parler cinéma et d’entendre son avis sur la situation. Entre coups de gueule, coups de cœur et débat sur le genre, voici l’entretien pour le moins conséquent que nous avons eu avec lui.
Crédit photo : Charles Six
Cruelle est la nuit est un court métrage qui renferme de nombreux concepts : une espèce de révolte politique qui part ensuite dans tous les sens (sado-masochisme, violence graphique…). Peux-tu nous expliquer ton idée de départ ? C’est assez compliqué en fait. Je ne voulais surtout pas faire une œuvre hyper référentielle ou trop consciente de ses références, parce que c’est quelque chose qui m’insupporte de plus en plus. Je ne supporte plus tous ces « jeunes » réalisateurs d’une première œuvre ou de premières œuvres qui, constamment, font des clins d’œil à des œuvres ayant marqué leur cinéphilie et qui se complaisent, d’une certaine façon, dans cet art de la référence. J’en ai un peu marre du recyclage. Curieusement, je ne sais plus d’où m’est réellement venue cette idée de personnages étrangers à un milieu et qui débarquent dans une partie fine. La post-production a aussi été interminable car au départ, le film devait être prêt pour 2016. Mais comme à chaque fois, je veux faire simple et, finalement, je fais plus compliqué ! Je m’étais dit qu’on allait faire un huis clos pour ne pas être tributaire des extérieurs. La première vision que j’ai eue était ces mecs qui partent en mission dans le but d’assassiner une personnalité influente et sont un peu pris au dépourvu puisqu’ils débarquent en pleine partouze. Ensuite, la nature très noire et nihiliste du film existe car, en cours d’écriture, j’ai perdu deux personnes qui comptaient énormément pour moi, à savoir ma grand-mère et mon cousin ; ce qui m’a fait traverser une période assez douloureuse. D’ailleurs, Cruelle est la nuit leur est dédié. Il y a donc une dimension très personnelle dans le projet et l’humour qu’on peut retrouver dans le film n’est arrivé que plus tard. Il y a un peu de moi dans chaque personnage car, même si je me considère comme apolitique, j’ai mes idées et c’est clair que parfois, je pense qu’il est préférable de tout « brûler » pour repartir sur des bases saines. C’est ce que le personnage de Kel fait dans le film, même s’il s’inscrit dans une démarche tout autre.
Tu parles d’une post-production qui a été tirée en longueur. Dans quelle mesure cela a-t-il joué sur le retard du projet ?
Il y a plusieurs choses qui sont entrées en ligne de compte. Il faut savoir qu’au départ, le court métrage devait être réalisé pour le « CollectIFFF 2 » (NdA : le CollectIFFF est un groupe de réalisateurs de courts métrages dont les œuvres sont soutenues par le BIFFF et diffusées lors d’une édition précise du festival – le premier CollectIFFF a eu lieu en 2012). On a tourné trop tard par rapport à la diffusion prévue pour le BIFFF 2016 et on ne s’en est rendu compte qu’en cours de tournage. Par ailleurs, le monteur ne pouvait pas débloquer tout son temps pour travailler sur le film et en assimiler toute la matière dans un délai si court. La post-production a duré presque dix mois. On a donc monté une bande-annonce, diffusée dans deux festivals mais pas au BIFFF. La projeter au BIFFF aurait pu s’avérer étrange par rapport aux autres films du CollectIFFF, dûment finalisés. C’est vrai qu’on a pris le temps de bien faire les choses, en se disant qu’on avait entre les mains un film très atypique et singulier, à plus forte raison au sein du paysage cinématographique franco-belge et dans le domaine du court métrage. Pour nous, c’était une grande délivrance lorsqu’on a assisté à la première privée du film le 1er novembre 2016 au Cinéma Galeries, à Bruxelles.
Parle-nous un peu de la direction photo. Parce que ton court métrage comporte, comme on le disait, une dimension nihiliste complètement assumée, mais son esthétique est très léchée. C’est sombre mais soigné. Quels étaient tes choix artistiques à ce niveau-là ?
Tout d’abord, cela fait un certain temps que je travaille avec le même chef op, Nicolaos Zafiriou. C’est une vraie collaboration artistique et je ne serais rien sans lui. Si je fais le compte, je crois qu’on a dû bosser sur une trentaine de projets ensemble, même si beaucoup d’entre eux n’ont pas abouti. Il a éclairé mes trois courts métrages, ainsi que trois ou quatre clips, plus d’autres choses. Il faut savoir que je suis quelqu’un qui accorde beaucoup d’importance à l’esthétisme, même parfois un peu plus qu’au scénario ou au récit en lui-même. Certes, le scénario est fondamental, mais en tant que spectateur, je peux être séduit par un film qui aurait des carences scénaristiques, mais qui, visuellement, serait sublime. Par exemple, si on s’attarde sur Suspiria de Dario Argento, ce n’est pas un modèle de construction scénaristique : ce qui fait qu’on reste accroché est en grande partie dû à la direction photo de Luciano Tovoli. Je fonctionne comme ça et c’est ainsi qu’on a fonctionné sur Cruelle est la nuit. « Zaf » (Nicolaos Zafiriou) et moi avons défini une esthétique. Nous voulions une caméra qui avait une bonne sensibilité pour le grain de la peau. Pour parler un peu technique, nous avions opté pour une caméra assez rare : l’Ikonoskop, une caméra suédoise dont la licence a été rachetée par une boîte belge, qui, par la suite, a directement fait faillite. On a vite compris pourquoi (rires), puisqu’elle était très « prototype » et nous a créé les pires emmerdes sur le tournage. Elle surchauffait tout le temps et causait parfois pas mal de problèmes au niveau de l’enregistrement des rushes (on s’est retrouvés avec des rushes inutilisables, altérés par de fines trames rappelant l’image d’une VHS usée). Mais on l’avait choisie parce que c’était une des caméras qui imitait le mieux le grain du 16 mm. On avait aussi deux autres caméras : une pour les plans un peu plus « clippés » et tournés de nuit, l’autre destinée à servir de deuxième caméra (NdA : respectivement une Sony Alpha 7S et une Pocket Black Magic, qui « matche » plutôt bien avec l’image de l’Ikonoskop). Il est vrai que pour nous, l’esthétique était super importante.
Tu mentionnais ton choix de caméra qui rendait bien le grain de la peau et tu nous parlais de Suspiria… On aurait envie de faire un parallèle avec David Lynch (NdA :Alan nous avait déjà expliqué auparavant être un grand fan de ce réalisateur). Est-ce un réalisateur qui t’influence dans tes créations ?
Peut-être bien. En tout cas il a eu un aspect fondateur pour moi parce qu’à la base, je suis un simple fan, mais c’est en découvrant Blue Velvet que j’ai voulu devenir réalisateur. Pour moi, il y a vraiment eu un avant et un après Blue Velvet. Par contre, je suis moins fan de ce qu’il a fait « récemment », comme ses travaux vidéo ou encore Inland Empire(son dernier long-métrage, datant de 2006), qui m’a un peu horripilé. David Lynch est un réalisateur purement « sensoriel », qui sait faire fi de toutes les conventions scénaristiques encore de mises dans le métier, afin d’emmener le spectateur vers l’émotion pure.
Et le giallo ? C’est un style qui t’a aussi marqué dans ton parcours cinématographique ?
J’aime beaucoup les gialli, même si je trouve qu’en ce moment, certains éditeurs en sortent un peu trop. Il y a donc une certaine overdose de gialli et c’est un peu dommage car, par exemple, pour parler d’œuvres bis, il n’y a pas que le cinéma bis italien, mais des « films d’exploitation » partout dans le monde. Il y a certains films bis grecs ou encore indonésiens qui ne sont pas exploités chez nous et heureusement qu’il y a des éditeurs comme Mondo Macabro aux États-Unis pour s’occuper de ça. Mais pour en revenir aux gialli, c’est clair que j’aime beaucoup la sensualité qui s’en dégage. Leur côté sensuel et charnel aussi, puisque c’est quelque chose qui me touche. Il y a pas mal de gialli que j’aime beaucoup comme Mais qu’avez-vous fait à Solange ?, qui est génial, ou encore certains films de Sergio Martino avec Edwige Fenech, qui est une actrice magnifique dont je tombe amoureux à chaque film (rires). Toutes les Couleurs du Vice n’est pas forcément cité par tout le monde mais il est génial, tout comme Le Venin de la Peur de Lucio Fulci, qui se situe presque par moments entre le giallo et le film psychédélique. Mais il y en a tellement… J’aime aussi beaucoup les gialli prenant racine à Venise, comme Terreur sur la Lagune. Ils ont vraiment capté cette atmosphère de décrépitude propre à Venise, décelable par ailleurs dans La Clé de Tinto Brass, un cinéaste que j’adore. De ce réalisateur, j’apprécie beaucoup Caligula, même si le film a été truffé de plans hards retournés par le grand patron de Penthouse à l’époque, Bob Guccione. Il est évident que je suis sensible à la « recherche de sensualité » qui caractérise ce genre de films. Je pense que c’est le genre de bandes qui nécessite de savoir se déconnecter et de ne pas intellectualiser ce qu’on voit pour l’apprécier pleinement. La symbolique est très forte aussi et ça, c’est quelque chose qui me parle. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans mes films.
Justement, le spectateur peut pointer différentes symboliques dans Cruelle est la nuit. Comme au niveau esthétique, tu as des influences qui se ressentent clairement. Si cette esthétique va de pair avec la symbolique, peux-tu nous expliquer celle-ci par rapport à ton court métrage ?
Ce qui serait intéressant serait que toi, tu me dises ce que tu y as décelé.
La première chose qui m’a frappé dans ton film au niveau symbolique, c’est le nihilisme. Il est très présent. Ensuite, il y a des phrases qui sont énoncées par tes personnages comme, par exemple, celle qu’on pouvait déjà entendre dans le trailer de Cruelle est la nuit qui est « Au final, l’issue sera la même pour tout le monde. » Elle montre bien la vanité de la révolte. On se révolte, OK, mais finalement, comme le fait comprendre ton personnage principal, c’est un peu comme pisser dans un violon…
C’est marrant, car j’en parlais il n’y a pas si longtemps que ça avec Pascal Françaix, journaliste et essayiste, qui, l’an dernier, a écrit un brillant ouvrage sur le torture porn (Torture porn : L’horreur postmoderne). Nous étions invités dans la même émission de radio. Il m’a soufflé que, pour lui, Cruelle est la nuit est un film postmoderne qui a su digérer pas mal d’éléments d’œuvres antérieures et dans lequel, surtout, on ne prenait parti pour aucun camp. Il y a une sorte de « pourriture généralisée ». Dans le camp des assaillants, il y a un discours très marqué, mais leur idéologie n’est pas plus défendable que les petits intérêts de l’homme politique à qui ils en veulent, qui est complètement véreux et organise des parties fines chez lui. À côté de ça, la dimension nihiliste, comme on l’a dit plus tôt, me touchait beaucoup. Je pense qu’on est dans une époque un peu artificielle, un peu « fake » et surconnectée, où les gens ont perdu le contact avec les choses et se sentent obligés de donner un avis sur tout – d’avoir tout vu, tout lu, tout entendu, alors que c’est impossible. Je crois qu’il faut savoir se « reconnecter » aux choses. Nous sommes allés trop loin… Nous nous trouvons dans une époque complètement désenchantée, que l’on traverse avec la peur au ventre, provoquée notamment par les divers actes terroristes qui ont émaillé ces dernières années. J’espère que les gens qui verront notre film pourront y déceler cela, parce que c’est clairement sur cette base qu’il a été conçu : cette peur et cette façon d’insuffler la terreur dans l’inconscient des gens. Maintenant, des personnes redoutent de sortir de chez elles, d’aller à des concerts, de prendre les transports en commun…. Le film renvoie un peu en creux cette image-là.
Sans tomber dans la métaphysique, est-ce que tu voulais faire émerger une espèce de réflexion sur l’existence à travers Cruelle est la nuit et peut-être faire réfléchir les gens sur le fait qu’il existe des valeurs auxquelles on peut encore se raccrocher ?
Il y a pas mal de choses qui sont dénoncées dans le film. Si on s’attarde sur Kel (incarné avec intensité par Kevin Dudjasienski), il s’agit d’un personnage qui est complètement déconnecté de la réalité et qui a perdu le contact avec son prochain. Pour lui, les personnes qui l’accompagnent ne sont même pas des frères d’armes, mais simplement de la chair à canon. Ça vient renforcer cet angle nihiliste car quand on regarde l’itinéraire de Kel, c’est une sorte d’itinéraire vers un suicide… C’est quelqu’un qui veut mourir mais ne veut pas « mourir de sa propre mort ». Il se construit donc une espèce de quête presque mystique avec pour apothéose l’assassinat d’un homme politique (Stavros, joué par Pascal Gruselle). C’est une manière de planter le couteau dans le dos de toute cette petite bourgeoisie, bien que ça n’ait plus beaucoup de sens… C’est aussi pour ça que dans le film, Stavros lui affirme que la lutte des classes est terminée. À l’heure actuelle, on est bien au-delà de ça. Cette guerre, on l’a perdue depuis longtemps. Nous vivons maintenant dans un monde où tout est contrôlé par tous ces grands conglomérats et les multinationales. À titre d’exemple, toute cette mode du véganisme part d’une bonne intention, mais même si on paie bien cher nos produits bio – ce que je fais souvent -, le sol est tout de même pollué et la plupart du temps, on ne sait même pas lorsqu’on ingère des OGM ou d’autres produits nocifs. Sinon, pour en revenir au film, il y a surtout un côté très désenchanté. Pour traiter d’un autre personnage, Sid (Bertrand Leplae), est simplement quant à lui dans une quête de virilité : c’est un faux dur et il surjoue ce côté « brut ». Sa batte de baseball est un peu l’extension de sa virilité. Et a contrario, le personnage d’Arnaud (Arnaud Bronsart) est un peu une façon de stigmatiser une partie de cette jeune génération qui ne partage plus les mêmes valeurs que nous. De vrais « branleurs » ! (rires) Ça m’insupporte, ces nouvelles générations qui n’ont plus le respect des aînés, ne prennent même plus la peine de prouver des choses par leur travail ou par leurs actes, et qui pensent que tout leur est acquis. Le personnage d’Arnaud représente quelqu’un dont la vie est un peu vide de sens et qui tente de lui en donner un en participant à cette mission, mais il y va un peu « comme s’il allait à Walibi » (NdA : Walibi est un parc d’attraction belge). C’est Arnaud qui m’avait soufflé ça durant une lecture du scénario. Il y va pour les sensations fortes mais toute la dimension politique insufflée par le personnage de Kel lui est complètement étrangère. Il y a des tas de choses dans Cruelle est la nuit. Ce n’est absolument pas humble de dire cela, alors que pour moi l’humilité est hyper importante, mais j’avais envie de donner un grand coup dans la fourmilière avec ce film car, comme je te le disais plus tôt, j’en ai vraiment marre de toute cette mouvance de courts métrages qui ont une approche condescendante vis-à-vis du genre, qui se complaisent dans les clins d’œil et uniquement dans ceux-ci. Ils balancent simplement toutes leurs références à l’écran et voilà…
C’est limite parodique pour toi ?
Oui, c’est parodique et j’en ai un peu ma claque. J’en ai vraiment marre de ce côté ricaneur où on adresse systématiquement des clins d’œil aux spectateurs. Par exemple, je n’ai rien contre les films de la Troma et j’en apprécie même certains, mais je suis passé à autre chose. Comme je te l’ai dit plus tôt, il y a des évènements intimes qui m’ont fait changer. Mes envies de cinéma ne sont plus les mêmes qu’avant. J’ai envie de tenter une greffe de différents genres dans mes courts et qu’il y ait des variations « tonales », comme passer d’une facette crue, charnelle ou sexualisée à un aspect plus drôle. Qu’il y ait vraiment un melting-pot de tout cela.
Crédit photo : Ketchup Book
Mais, en fait, ce que tu expliques là, ce sont différents côtés du cinéma dont tu es issu, quand on sait ce que tu fais. Quand on te lit dans la presse (CinémagFantastique, Mad Movies…), on perçoit ta culture cinéma en général, mais aussi et surtout celle qui concerne le cinéma de genre, le cinéma asiatique ou encore le cinéma porno. Tu avais envie de mélanger un peu tout cela avec Cruelle est la nuit ?
Oui, voilà. Et de nouveau, ça va paraître con ce que je vais dire, mais insérer des scènes de sexe non simulé dans un format de court métrage, je n’ai pas l’impression que ça ait déjà été fait ou du moins, pas de cette façon-là. Désolé, mais il fallait des couilles pour oser le faire… Je trouvais ça interpellant. Le fait aussi de réunir un casting hétéroclite, où on associe une ex-star du porno (la ravissante Sabrina Sweet) avec des acteurs « traditionnels » comme Damien Marchal ou Bertrand Leplae, qui se retrouvent au beau milieu de vrais libertins, donc d’actes sexuels non simulés. Ça m’intéressait beaucoup. J’aimais beaucoup également le fait d’y introduire un acteur comme Pierre Nisse, qui a énormément de génie dans sa folie. Pour l’équipe technique, c’était assez nouveau car si, pour ma part, j’avais déjà eu l’occasion de tourner des reportages sur des plateaux de John B. Root (réalisateur œuvrant dans le porno) pour Hot Vidéo TV, la grande majorité des techniciens de Cruelle est la nuit n’avaient jamais cadré, éclairé ou maquillé des acteurs impliqués dans des séquences « hard ». Ça leur a sans doute fait bizarre au début, mais très vite, leur professionnalisme a repris le dessus. Parfois, c’était même étrange pour moi parce que même si j’avais déjà filmé des reportages de ce genre, ce n’était jamais sur mes propres plateaux. Donc là, je devais choisir les positions des figurants (libertins), composer les couples… C’était particulier d’être à la lisière du hard. Cela dit, j’insiste sur le fait que ce n’est pas un porno et que ça reste un film de genre. Beaucoup de gens ne veulent pas le comprendre et disent que c’est du porno, souvent sans avoir visionné le film. Il faut dire que, depuis que j’ai été salarié chez Hot Vidéo (ça fait bientôt 4 ans que cette époque est révolue), il y a encore pas mal de personnes qui disent que je fais du porno ou que je suis dans le milieu. Mais c’est totalement faux, même si j’ai pu écrire des articles sur ce sujet. Cruelle est la nuit n’est pas pornographique. C’est un court métrage de genre avec du sexe non simulé comme il pourrait y en avoir dans les films de Gaspar Noé, par exemple.
Est-ce qu’avec Cruelle est la nuit, vous avez pu faire passer tout ce que vous vouliez, ton équipe et toi ? Avez-vous été totalement libres en termes de création ou y a-t-il encore eu des limites qu’on vous aurait imposées ?
Pas vraiment. Les limites qu’on a pu rencontrer sont les limites de chaque court métrage. C’est-à-dire des limites budgétaires, puisque le film n’a pas un budget faramineux et que les inscriptions en festival continuent de coûter très cher. Il y avait aussi des limites de temps parce que ce qu’on a tourné en cinq jours aurait normalement dû nous en prendre dix. On subissait un rythme infernal, surtout concernant les trois jours pendant lesquels on a tourné dans la villa. On tournait tous les jours de 9 heures du matin jusqu’à facilement 3 ou 4 heures du matin le jour suivant… Au bout d’un moment, l’équipe technique avait envie de me tuer. Il a fallu nous forcer – le cadreur (Benjamin Liberda), le chef op (Nicolaos Zafiriou) et moi – à descendre en régie pour nous alimenter, parce qu’on ne mangeait même plus. On courait après notre vision, plus précisément après la mienne, car toute l’équipe était derrière moi. De toute évidence, il y a toujours un peu de frustration, mais il s’agit certainement, de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, du résultat le plus fidèle par rapport à ce que j’avais couché sur papier. Cela étant, on a quand même dû laisser tomber une quarantaine ou une cinquantaine de plans ; ce qui nous a parfois compliqué la vie au montage. Ça ne me déplait pas du tout mais arrivés à un certain stade, pour certaines scènes, nous avons quasiment été forcés de partir sur quelque chose d’encore plus conceptuel ou de plus minimaliste.
Pour clôturer l’entretien, tu peux nous dire un peu quelles sont globalement les réactions et les échos que tu as déjà pu avoir par rapport à Cruelle est la nuit, puisqu’il a déjà été projeté à différents endroits et festivals ?
Globalement, les échos sont positifs ou même parfois très bons.
S’il y avait une critique négative que tu devais retenir, ce serait laquelle ?
C’est assez difficile à dire. Je suis prêt à prendre en compte n’importe quelle remarque à partir du moment où elle est constructive. Je peux comprendre que certaines personnes aient un problème avec notre film, avec ses plans explicites ou d’autres éléments subversifs. Tu vois, par exemple, une personne m’a reproché que pour elle, Cruelle est la nuit était « gratuit ». Alors qu’au final, tu te rends compte que cette personne n’avait pas du tout fait gaffe aux dialogues ou surtout, aux voix off en début de film. Sans cela, il n’a plus de sens… Ce n’est pas un film mainstream ni un grand film fédérateur, mais il n’a pas été pensé pour être tiède : soit tu y adhères complètement, soit tu le rejettes en bloc. Tant qu’il ne laisse pas les gens de marbre !
Deux Festivals sinon rien, clap deuxième : le BSFF et le BRIFF sont de retour !https://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/08/BRIFF-new.jpg1394929Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Tout comme l’an dernier, c’est en parallèle que se dérouleront, en cette fin de mois d’août puis début septembre, deux des festivals de cinéma majeurs de Bruxelles. Le Festival du Court-Métrage de Bruxelles (Brussels Short Film Festival – BSFF) fera de notre capitale celle, mondiale, du court-métrage pendant neuf jours. Dès aujourd’hui, samedi 28 août, jusqu’au dimanche 5 septembre, avec la projection des films primés les 6 et 7, pour une – déjà – 24e édition. Quant au jeune Festival International du Film de Bruxelles (Brussels International Film Festival – BRIFF), il en sera à sa quatrième édition, s’ouvrira ce mercredi 1er septembre avec le nouveau film du Français Mathieu Amalric – Serre-moi fort –, présenté cette année à Cannes, et se clôturera le samedi 11 avec LE film-événement de la rentrée : Dune, du réalisateur québécois de génie Denis Villeneuve (Incendies, Blade Runner 2049).
Organisés par l’asbl Un Soir… Un Grain, les deux Festivals que nous vous présentons aujourd’hui auront pour centre névralgique le traditionnel chapiteau, dressé cette année sur la place De Brouckère. Notez que le lieu de retrouvailles des festivaliers du Short sera, du 28 août au 1er septembre, un autre chapiteau, dressé Place Sainte-Croix à Ixelles cette fois.
Le 24e Brussels Short Film Festival
Le Festival du Court prendra ces jours-ci ses quartiers à Ixelles (à Flagey, au Cinéma Vendôme et, pour la première fois, au cinéma coopératif qu’est le Kinograph) et à Bruxelles-Ville (au Mont des Arts et au Cinéma Galeries) puis, en décembre, dans les quatre coins de la Belgique avec le « BSFF on Tour » et ses projections « Best of » et du palmarès 2021. Avec pas moins de 345 films en compétition et en « Off », le Brussels Short Film Festival donnera une nouvelle fois à voir ce qui se fait de mieux en format court.
Trois compétitions et…
Trois compétitions seront au menu : la compétition internationale et ses près de cent films issus d’un peu partout dans le monde, d’abord. La compétition nationale, ensuite, composée de productions du nord et du sud du pays, l’occasion notamment de découvrir ou de redécouvrir les quatre films issus du premier volume de la Belge Collection (Mieux que les Rois et la Gloire de Guillaume Senez, Des Choses en Commun de Ann Sirot et Raphaël Balboni, Rien lâcher de Laura Petrone et Guillaume Kerbusch, et Sprötch de Xavier Seron). Et, enfin, la compétition Next Generation, qui fera découvrir aux spectateurs des films réalisés par des étudiants d’écoles de cinéma. Soulignons que les Grands Prix des Compétitions nationale et internationale seront à nouveau présélectionnés aux Oscar, rien de moins !
… quatre programmes « Off » !
À côté des plus de 200 films en compétition, seront présentés toute une série d’autres films – 145 au total – divisés en quatre grandes sections : Rock’n’roll, Travelling, Events et Musts.
Les Rock’n’roll, ce sont Les Très Court – programme de films de moins de quatre minutes proposé par le Très Court International Film Festival –, Courts Mais Trash et sa séance de films 100% atypiques au ton survolté et à l’humour corrosif et, nouveauté de cette année, les Short Rounds : six films où la boxe occupe une place majeure et qui témoignent du succès avec lequel le court métrage s’est emparé du noble art.
Les Travelling permettront de se mouvoir d’une Carte blanche au Seoul International Extreme-Short Image & Film Festival (SESIFF), qui proposera deux séances de films issus de la filmographie du Pays du Matin Frais, aux Latino – carte blanche au Festival Biarritz Amérique Latine –, en passant par, et c’est une nouveauté de cette année, le Portugal, en deux programmes inédits : une carte blanche au Festival Curtas Vila do Conde et une séance lors de laquelle Lisbonne sera mise à l’honneur.
Trois « Events » à souligner ? La séance d’ouverture, qui devrait vous en mettre plein les yeux avec six courts-métrages de haut vol. La séance de clôture et son annonce du palmarès mais aussi, la projection de plusieurs films primés. Et la Nuit du court et sa valse à quatre temps : Best of made in BSFF, Carte blanche au Festival VKRS (Video Killed the Radio Star) pour une séance de clips entièrement noirs-jaunes-rouges, Comédies musicales, et Le temps des Très court.
Enfin, quatre « Musts » figurent au programme du BSFF. Deux projections « best-of » gratuites en plein air avec, annoncé, du cinéma drôle, léger et trash, tant belge qu’étranger. Les European Short Film Audience Awards (ESFAA), neuf films récompensés par un prix national du public, qui partent à la conquête de l’Europe. Les courts nominés aux Oscar 2021. Les European Film Awards, soit des courts-métrages récompensés dans des festivals comme ceux de Berlin ou de Venise. Et, petit nouveau : le Short Comedy Club – série de comédies dont le savoureux court La foire agricole de Vincent Patar et Stephan Aubier.
Activités jeune public
Une série d’activités jeune public seront également proposées : une séance famille et un atelier de doublage encadré par une comédienne professionnelle, notamment. Mais aussi un atelier de critique de films animé par le journaliste et auteur Christian Campion, lequel permettra aux critiques en herbe de voir leurs analyses publiées dans le journal critique du Festival.
Le 4e BRIFF
Le Festival International du Film de Bruxelles présentera sa sélection de films dans trois cinémas du centre de la capitale – l’UGC De Brouckère, le Cinéma Galeries et le Cinéma Palace –, ainsi qu’à Bozar. Et au Mont des Arts, lors de séances en plein air. Comme précisé plus haut, c’est au Village du Festival, situé Place De Brouckère, que les festivaliers pourront se retrouver autour d’un verre entre deux séances du BRIFF.
C’est le nouveau film du Français Mathieu Amalric – le drame Serre-moi fort – qui ouvrira le Festival, le mercredi 1er septembre, en présence du réalisateur et de son acteur principal : le Belge Arieh Worthalter. Le BRIFF se clôturera le samedi 11 septembre dans la prestigieuse salle du Grand Eldorado de l’UGC De Brouckère avec la proclamation du palmarès. Une clôture en force puisqu’elle sera aussi l’occasion pour les festivaliers de découvrir en avant-première nationale le nouveau film de science-fiction de Denis Villeneuve, passé maître dans ce genre cinématographique : Dune !
Trois compétitions rythmeront le Festival : la compétition internationale, la compétition nationale, annoncée comme très éclectique avec en lice notamment le premier long-métrage documentaire en solo de Méryl Fortunat-Rossi (on lui devait déjà la coréalisation avec Xavier Seron, voici bientôt dix ans, du court-métrage très remarqué Mauvaise Lune) : Phèdre, ou l’explosion des corps étrangers. Mais aussi la compétition Directors’ week, au sein de laquelle concourront huit films qui ont permis à leurs auteurs et autrices d’exprimer une approche singulière de nos sociétés. Le film belge Fils de Plouc en fait partie. Outre les Prix remis par les jurys de chacune de ces compétitions, deux autres seront décernés : le Prix du Public et – c’est une première au BRIFF – le Prix Cinévox, remis par un jury de citoyens.
Fil rouge des films programmés cette année en « Off » : la nécessité de changement, avec un message commun : « Faut que ça bouge ! ». Et cinq grands volets : Green Planet, Rumba Cinéma, Ukrainian Spring, les séances Teens et les séances en plein air. Au sein du programme « Green Planet », quatre films dont les marquants Captain Fantastic avec Viggo Mortensen et le film Into The Wild de Sean Penn. « Rumba Cinéma » donnera à voir les documentaires The Rumba Kings et Bakolo Music International. Un concert de rumba congolaise aura d’ailleurs lieu au village du BRIFF le 10 septembre. « Ukrainian Spring » marquera une nouvelle collaboration entre le BRIFF et Bozar avec la projection de trois films dont Nomera (Number) de Oleg Sentsov, lauréat en 2018 du Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, décerné par le Parlement européen pour son combat en faveur des droits humains. Les séances Teens, ce sera, outre Captain Fantastic, Bigger Than Us, réalisé par la Française Flore Vasseur. Également au sein de cette programmation « off », trois séances en plein air au Mont des Arts : des épisodes de Baraki, la prochaine série de la RTBF, Effacer l’historique du duo Benoît Deléphine – Gustave Kervern et le Buena Vista Social Club de Wim Wenders.
Si de nombreux films nous font de l’œil, quelques-uns ne devraient pas manquer de marquer les spectateurs, à commencer par le dernier Paul Verhoeven : Benedetta, avec Virginie Efira. Le film sera présenté par une de ses actrices : notre compatriote Daphné Patakia. Cette musique ne joue pour personne du toujours inspiré Samuel Benchetrit devrait aussi valoir le détour. Il sera défendu par le réalisateur et son acteur Bouli Lanners, grand habitué du BRIFF mais aussi du BSFF. Enfin, le film New Order, de Michel Franco, ne devrait pas laisser le spectateur indifférent, loin de là.
Permettons-nous l’expression, ici nullement galvaudée : last but not least… l’invité d’honneur de ce 4e BRIFF sera un des Français les plus belges : le trublion Benoît Delépine. Une rétrospective de cinq films du Grolandais seront donnés à voir aux festivaliers : le cultissime Aaltra, le déjanté Avida, le féroce Louise Michel, le Depardiesque Mammuth mais aussi son dernier film : Effacer l’historique donc, avec l’atypique Corinne Masiero. Et à vos agendas : le samedi 4 septembre au Cinéma Palace, Delépine participera à une rencontre exclusive avec Bouli Lanners. Tous deux partiront à la rencontre du public du Festival. Et ça s’annonce déjà mémorable !
Précisons que le Jury international de ce 4e BRIFF sera composé de l’actrice et réalisatrice française Maryline Canto, de l’acteur islandais Tómas Lemarquis, de l’artiste protéiforme belge qu’est Helena Noguerra ou encore du réalisateur belge Olivier Masset-Depasse (qui réalisera, en novembre, l’adaptation US de son film Duelles).
Les organisateurs du Festival proposeront également différentes activités autour du cinéma à l’attention des 10-25 ans, telles un atelier de réalisation et des ateliers de critiques de films.
Le 39e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de filmshttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/04/vicious-fun.jpg512288Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Tandis que le soleil n’avait pas encore laissé sa place aux ténèbres, le dimanche 18 avril dernier sur le coup de 18 heures, Guy Delmote, directeur du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF), est sur le point d’annoncer les noms des vainqueurs de cette pour le moins étrange 39e édition du Festival. Face à ce soleil qui brille encore bien haut dans le ciel, nous allons découvrir le palmarès de cette édition cent pour cent en ligne, chose qui eut été aussi inconcevable qu’inexplicable il y a encore quinze mois tant le BIFFF est un Festival qui se vit en présentiel, en « vrai ». Néanmoins, les organisateurs ont réussi un tour de force : celui de garder, treize jours durant, une très grande proximité avec les BIFFFeurs. Chapeau à eux !
Le palmarès Courts-métrages
C’est après la diffusion du fort décalé Hiroshima Mons-Namur, réalisé par le Magic Land Théâtre, que l’annonce du palmarès débute. Celui des films commence avec les Prix récompensant les courts-métrages programmés cette année. Le Prix du Public de la Compétition internationale va à Horrorscope, réalisé par l’Espagnol Pol Diggler. The Last Marriage, des Suédois Gustav Egerstedt et Johan Tappert, reçoit le Méliès d’Argent du Court-métrage. Et est, dès lors, nominé pour la Compétition du Méliès d’Or du Court où il représentera le BIFFF en octobre prochain à Sitges, en Catalogne.
Au sein de la Compétition nationale, un film rafle tout : Prix Jeunesse, Prix La Trois, Prix Be tv et Grand Prix du Festival. Son nom retentit dans notre casque tel l’indication de l’arrêt d’un cheval de Troie par notre antivirus informatico-covidien : T’es morte Hélène. Notons que le film de Michiel Blanchart avait déjà reçu le Grand Prix du Court-métrage à Gérardmer en début d’année.
Le palmarès Longs-métrages
Venons-en aux longs-métrages avant que le temps ne soit écourté de deux minutes pourtant bien indispensables à la lecture de ce qui suit. Le Pégase, Prix du Public du BIFFF 2021, va à Vicious Fun, de l’Américain Cody Calahan. Le Prix du Public de l’édition fantôme du BIFFF 2020 est attribué à Bloody Hell, de l’Australien Alister Grierson. Le Jury Presse décerne une Mention Spéciale à Caveat de Damian McCarthy et octroie son Prix de la Critique à Beyond the Infinite Two Minutes du Japonais Junta Yamaguchi. Vous l’aurez compris : vous venez de rattraper les deux minutes de retard accumulées précédemment.
Le Jury de la Compétition 7e Parallèle attribue une Mention Spéciale au film canadien Violation de Madeleine Sims-Fewer et Dusty Mancinelli, et le White Raven à… Beyond the Infinite Two Minutes ! Quand nous vous disions que nous allions rattraper le temps perdu… Le Jury de la Compétition européenne attribue ensuite une Mention Spéciale à Host de Rob Savage tandis que le Méliès d’Argent est attribué à Riders of Justice du Danois Anders Thomas Jensen, film de clôture du Festival. Le Jury international remet ensuite les Corbeaux d’Argent à Son, de l’Irlandais Ivan Kavanagh et à The Closet, du Sud-Coréen Kwang-bin Kim. Enfin, ce même jury attribue le Corbeau d’Or, LE Grand Prix du BIFFF, à… Vicious Fun !
Encore félicitations aux gagnants de notre concours, organisé en partenariat avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles et vite l’an prochain pour fêter dignement le 40e anniversaire du BIFFF !
Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart
Critiques de films
Beyond the Infinite Two Minutes ★★★★ Junta Yamaguchi (Japon)
À vrai dire, nous avions hésité à pointer ce film parmi ceux à regarder absolument. Amateur de films japonais, nous nous sommes laissé tenter. Finalement, septante minutes tout bonnement inimaginables ! Propriétaire de café, Kato réside juste au-dessus de son établissement. Un soir pareil à tous les autres, alors qu’il traine ses savates dans sa chambre, son ordinateur resté allumé l’interpelle soudainement. Pour son plus grand étonnement, il s’aperçoit à travers l’écran et discute tout à coup avec lui-même. L’homme face à lui dit alors : « je suis le futur toi, je suis toi dans deux minutes ». Débute alors une mise en abyme spatiotemporelle bougrement ingénieuse et, stylistiquement, proche de la perfection. Quand on tient une idée pareille, le résultat est aussi original que superbe. Ici, c’est indubitablement le cas ! Raphaël Pieters
Bring Me Home ★★★★ Seung-woo Kim (Corée du Sud)
Plusieurs années après sa disparition, un enfant fait toujours l’objet d’intenses recherches par ses parents, qui n’ont jamais perdu espoir. Mais à la suite d’un canular de mauvais goût, un tragique accident de la route aura raison du père. Malgré cela, Jung-yeon, la mère, jettera ses dernières forces dans la bataille, se lançant seule sur une piste donnée par un coup de fil anonyme. Son fils aurait été vu servant de gamin à tout faire dans un village de pêcheurs vicelards sous la coupe d’un commandant de police loin d’être net. Premier film écrit et réalisé… et premier petit chef-d’œuvre, tout simplement, pour le Coréen Seung-woo Kim. Le cinéaste semble même ne jamais avoir fait quoi que ce soit d’autre auparavant (ne pas confondre avec son homonyme, acteur durant les années 90 et 2000) et offre ici un long-métrage magnifiquement ficelé, d’une violence psychologique ahurissante, qui laisse place à l’émotion et à une certaine poésie sans toutefois tomber dans un pathos indigeste. Drame social et psychologique, Bring Me Home doit notamment sa qualité à l’interprétation du rôle principal par Lee-Yeong ae (Lady Vengeance), qui n’a aucunement perdu de sa force de jeu, ainsi qu’à un rythme narratif précisément dosé. Une pépite. Guillaume Triplet
Hitman: Agent Jun ★★ Won-sub Choi (Corée du Sud)
Le film raconte l’histoire de Jun, ancien tueur à gage passionné de bande dessinée. Lors d’une mission périlleuse, il simule sa propre mortpour pouvoir échapper aux services secrets et réaliser son rêve de faire de la BD. Hitman: Agent Jun, c’est James Bond qui rencontre Jong-hui Lee, le scénariste de l’anime Tower of God. Dans ce mélange presque nanardesque d’action et de comédie, le réalisateur s’amuse des codes propres à chaque genre pour offrir un délire visuel burlesque qui fait mouche par moments. L’esthétique est classique, à l’exception de certains passages assez surdynamiques, ce qui peut gêner le visionnage du film. Mention spéciale aux parties en animation qui sont de toute beauté. S’ils surjouent parfois, les acteurs restent néanmoins parfaitement dans le ton de cette comédie barrée. Maxence Debroux
L’histoire est celle de Lily, qui tente de remonter le fil de ce qui lui est arrivé après qu’elle s’est réveillée dans une clinique spécialisée dans les greffes de lèvres. Après l’excellent Yummy de Lars Damoiseaux l’an dernier (programmé notamment au FIFF 2020), la Flandre nous sert une nouvelle histoire, en version courte cette fois-ci, dans le milieu de la chirurgie. Plus sérieux que le huis clos d’infectés précités, Lips (Lippen) bénéficie d’une esthétique léchée des plus agréables pour ce récit qui se veut à la fois angoissant et charnel. Une nouvelle preuve, au cas où certains en douteraient encore, que le nord de notre pays ne manque ni d’idées originales ni de talent pour les mettre en forme. Guillaume Triplet
Une ferme reculée dans laquelle vit une famille de dégénérés alcooliques, bas du front et racistes de surcroit, est-elle le bon endroit pour un extraterrestre porteur a priori d’un message de paix ? Il y a de fortes chances que la réponse soit non. Le second court de Jerome Peters aura laissé votre serviteur dans l’indifférence tant il n’y aura pas trouvé grand-chose à sauver. Humour potache, jeu d’acteurs proche du néant mais une photographie encore sympa sont ce qu’on en a retenu. Guillaume Triplet
The Shift ★★ Alessandro Tonda (Belgique, Italie)
Ce matin, dans l’école bruxelloise que nous découvrons dans ce film qui fut le film d’ouverture du Festival, la sonnette retentit comme de coutume. Les adolescents se dirigent vers leur classe respective. Soudain, dans l’entrée, des coups de feu résonnent et des corps s’effondrent les uns après les autres tandis que les cris des vivants se mêlent au sang des morts. Deux jeunes transformés en kamikazes décident alors de se faire exploser. La détonation retentit. Les secours se précipitent sur les lieux et s’organisent tant bien que mal. Un jeune adolescent blessé est pris en charge par Isabelle et Adamo, deux ambulanciers. Le réalisateur nous présente ici plusieurs sujets très actuels. Son film, à suspense et plein d’audace, aborde l’immigration et la genèse de jeunes terroristes en manque de repères. Raphaël Pieters
Slate ★★ Ba-reun Jo (Corée du Sud)
Une jeune femme rêve de devenir une actrice reconnue. Mais elle ne parvient pas à boucler ses fins de mois sans l’aide de sa colocataire. Un beau matin, elle se réveille dans un monde fort différent de celui qu’elle connaît, dans lequel elle a l’habitude de devoir se justifier en permanence. Aura-t-elle l’occasion de prouver sa vraie valeur et de montrer à tous le courage qui l’anime ? Ce film s’inspire librement de Kill Bill et de Army of Darkness mais fait aussi preuve de modernité avec ses références aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux. Quant à la musique du film, elle nous fait par moments penser à celle de westerns spaghettis bien connus. Chacun trouvera son compte avec ce film qui tente également avec plus ou moins de succès de faire preuve d’humour. Raphaël Pieters
Vicious Fun ★★★ Cody Calahan (États-Unis)
Nous avions coché ce film parmi ceux à voir absolument et le moins que l’on puisse écrire est que nous ne nous étions pas trompés puisqu’il s’agit ni plus ni moins que du lauréat du Grand Prix de cette 39e édition du BIFFF. Joel est critique de film pour un magazine de films d’horreur. Bien malgré lui, il se retrouve au beau milieu d’une bande de tueurs en série. Il tente alors de les convaincre que, lui aussi, est un tueur-né. Parviendra-t-il à utiliser ses connaissances sur les films de genre pour se faire passer pour ce qu’il n’est pas ? Ce film au scénario drôlement bien ficelé et aux scènes assez longues mais très prenantes est une superbe réussite. Les clins d’œil aux films de genre sont nombreux et son humour décalé et décapant est on ne peut plus appréciable. Raphaël Pieters
The Weasels’Tale (El cuento de la comadrejas) ★★★ Juan José Campanella (Argentine)
Un groupe de quatre vieux amis formé d’un réalisateur, d’un scénariste, d’une actrice et de son mari partage une ancienne et grande demeure à la campagne. C’est alors qu’un jeune couple menace leur bonne cohabitation en leur proposant de racheter la maison afin de pouvoir y développer leur propre projet. Très vite, une résistance farouche à ces deux jeunes plein d’ambition s’organise. The Weasels’Tale est un film qui vaut le détour pour ses dialogues très construits et truculents. L’humour est une des pierres angulaires de ce métrage. Les conflits intergénérationnels sont aussi évoqués avec tout le cynisme nécessaire. Ce film nous a par moments fait penser à ceux de Quentin Tarantino. Un conseil ? Méfiez-vous des apparences… Raphaël Pieters
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