drame

La Palme d’or ANATOMIE D’UNE CHUTE : la dissection des auteurs débute !

La Palme d’or ANATOMIE D’UNE CHUTE : la dissection des auteurs débute ! 2560 1697 Jean-Philippe Thiriart

Réalisé par Justine Triet
Scénario : Justine Triet et Arthur Harari
Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Antoine Reinartz

Drame policier
2h30

★★★★

Anatomie d’une chute narre le procès d’une écrivaine, Sandra (Sandra Hüller), accusée du meurtre de son mari, Samuel (Samuel Theis). Le couple et leur fils de 11 ans, Daniel (Milo Machado Graner), vivent depuis un an à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur chalet. S’agit-il d’un accident, d’un suicide ou d’un homicide ? Personne ne le sait. Très rapidement, Sandra est accusée d’avoir tué Samuel. Lors de son procès, ce sont tant sa vie privée que sa vie professionnelle qui seront disséquées.

La réalisatrice du film, Justine Triet, a eu la chance de pouvoir s’appuyer sur une immense actrice : l’Allemande Sandra Hüller. Le rôle de Sandra a d’ailleurs été écrit pour elle. Elle a ainsi déclaré à la Radio Télévision Suisse : « J’ai eu le script entre les mains et je l’ai lu d’une traite. J’en suis tombée amoureuse. (…) Et puis il y a ce personnage que je trouve très mature, d’une certaine manière, parce qu’elle a la capacité de relier tous les opposés, ses ambivalences intérieures et les ambiguïtés de la vie. (…) Je l’aime beaucoup et je l’admire, aussi. »

Les autres interprètes se sont magnifiquement impliqués dans le film et ont réussi à véritablement s’imprégner de leurs rôles respectifs, à commencer par les acteurs Antoine Reinartz (120 battements par minute et Roubaix, une lumière) et Swann Arlaud (Petit Paysan, Grâce à Dieu), et le jeune comédien Milo Machado Graner.

Dans cette plongée dans la vie privée d’un couple d’écrivains quadragénaires, Justine Triet ne prend pas les spectateurs et les spectatrices par la main. Elle en fait des jurés. Ils et elles seront mis à rude épreuve et devront immanquablement choisir un camp.

Les décors sont d’abord ceux des Alpes françaises et d’un chalet de montagne avant de basculer vers l’autre versant : celui d’une cour d’assises. Grâce à ses dimensions à la fois humaines et réalistes, la salle où se tient le procès donne aux spectateurs et aux spectatrices un sentiment de proximité vis-à-vis des plaidoiries qui y sont présentées.

Si avec Anatomie d’une chute, Justine Trier ne réalise pas à proprement parler un thriller, elle nous tient néanmoins en haleine tout au long de son film, notamment grâce à des dialogues soutenus et coriaces. Nous sommes en effet plongés au milieu de discussions passionnées et passionnantes, qui mettent en lumière certaines difficultés des relations amoureuses et, plus généralement, humaines, lorsqu’un membre d’un couple ne parvient pas à se sentir réellement à sa place et à briller suffisamment dans les yeux de l’autre.

Le film nous a fait penser au jeu de société belge « Intime Conviction ». Tout comme lui, il s’articule autour du sentiment que nous sommes, nous, spectateurs et spectatrices, comme écrit ci-dessus, les jurés d’un procès. Sans nous forcer à penser qu’il y a toujours une vérité judiciaire en parfaite adéquation avec la réalité des faits.
La liberté de penser participe à la force et la subtilité de ce film pas toujours drôle, certes, mais drôlement intelligent !

Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Avant-premières de DECISION TO LEAVE et rétrospective Park Chan-wook : interview du réalisateur et retour sur OLD BOY

Avant-premières de DECISION TO LEAVE et rétrospective Park Chan-wook : interview du réalisateur et retour sur OLD BOY 800 1200 Jean-Philippe Thiriart

Ce jeudi 4 août, à 19h, le cinéma Palace, à Bruxelles, présentera en avant-première le nouveau film du réalisateur coréen culte Park Chan-wook, un des maîtres du cinéma de genre. Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes cette année, Decision to Leave arrive 18 ans après Old Boy (2004) (voir critique ci-dessous), lui aussi récompensé à Cannes, où il remportait le Grand Prix et 13 ans après Thirst, ceci est mon sang, Prix du Jury en 2009. Notons également l’incursion dans le cinéma américain du metteur en scène coréen en 2013 avec Stoker, son premier film tourné en anglais, avec Nicole Kidman notamment.

Le samedi 6 août, c’est un autre cinéma bruxellois, le cinéma Aventure, qui célèbrera Park Chan-wook. Avec, là-aussi, la présentation, à 19h, de Decision to Leave en avant-première. Et une rétrospective consacrée à son cinéma avec la projection de trois autres de ses films ce mois-ci : Old Boy (le 9 août), Stoker (le 16) et Mademoiselle (The Handmaiden) (le 23).
Un « pass Park Chan-wook » comptant quatre places, donnant accès à chacune des séances à tarif réduit, Decision to Leave inclus, est disponible sur le site de l’Aventure.

Park Chan-wook nous avait accordé un agréable entretien lors de la 35e édition du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (le BIFFF, dont la 40e aura lieu au Palais 10 de Brussels Expo du 29 août au 10 septembre). C’était en 2017, peu après que le réalisateur coréen fut adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau à la grand-messe du cinéma fantastique bruxelloise.

Notez que nous organiserons bientôt, en partenariat avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles, un concours vous permettant de remporter pas moins de 30 places pour trois des films coréens présents cette année au BIFFF.

Crédits vidéo : Simon Van Cauteren
Merci à Haetal Chung, du Centre Culturel Coréen de Bruxelles, qui a joué le rôle d’interprète de Park Chan-wook lors de l’interview !

Si Decision to Leave sera présenté en version originale sous-titrée bilingue, les films de la rétrospective seront, quant à eux, à (re)découvrir en version originale sous-titrée français.

Signalons enfin que la projection en avant-première de Decision to Leave au Palace est organisée en collaboration avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles et Cinéart, tandis que celle qui se tiendra à l’Aventure a lieu en collaboration avec la nouvelle revue belge de cinéma Surimpressions.


Old Boy

Réalisé par Park Chan-wook (2004)
Avec Choi Min-sik, Yoo Ji-tae, Gang Hye-jung

Drame, thriller
1h59

★★★★

Old Boy fait partie de la trilogie que Park Chan-wook a consacré à son thème le plus cher : la vengeance. Initiée en 2003, cette saga comprend, outre Old Boy, Sympathy for Mr. Vengeance, réalisé en 2003, et Lady Vengeance, commis en 2005.

Précisons d’emblée que si chacun des épisodes de la trilogie est rudement efficace, Old Boy est le meilleur des trois films. Le film avait d’ailleurs remporté le Grand Prix du Festival de Cannes 2004, dont le jury était présidé cette année-là par un certain Quentin Tarantino.

Choi Min-sik, percutant dans le magnifique Old Boy

Si Old Boy s’inscrit un rien dans la même lignée que Kill Bill 1, le film du réalisateur sud-coréen n’a rien à envier au travail de Tarantino, loin de là. Il méritait d’ailleurs à Cannes, cette année-là, tellement plus la Palme d’Or que le très bon Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. On ne réécrit pas l’histoire.

Old Boy fait partie de ces œuvres qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Jouissif au possible et d’une grande violence – nécessaire au scénario -, ce métrage n’est pas à mettre sous tous les yeux. Servi par un scénario en béton, clos par un final dantesque et porté par un acteur au sommet de son art en la personne de Choi Min-sik, qui avait déjà brillé dans le film Ivre de femmes et de peinture, le film mérite absolument les quatre étoiles que nous lui accordons.

Bienvenue en enfer !

Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS, ce soir en TV : 30 ans déjà !

C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS, ce soir en TV : 30 ans déjà ! 660 287 Jean-Philippe Thiriart

C’est arrivé près de chez vous

Réalisé par Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde
Avec Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux André Bonzel, Jacqueline Poelvoorde Pappaert

Comédie dramatique
1h33

★★★★

Petit rappel de barème…

C’est arrivé près de chez vous fête cette année ses 30 ans ! C’est dans ce cadre que La Trois programme ce soir, à 22h05, le film qui a marqué plusieurs générations de spectateurs belges. Mais pas que.

C’est l’histoire un peu magique d’un film de fin d’études devenu culte.
À l’époque, Rémy Belvaux (1966-2006, frère de Lucas) s’entoure de ses camarades Benoît Poelvoorde et André Bonzel pour réaliser ce vrai-faux documentaire sur Ben, tueur semi-professionnel s’attaquant à la classe moyenne et aux personnes âgées. Le personnage principal embarque alors les membres de l’équipe de tournage dans ses nombreuses péripéties. L’occasion pour Ben de bénéficier ponctuellement d’une assistance bienvenue.

Mais il serait indécent de s’épancher sur l’histoire de ce film tant ce serait un affront à tout cinéphile belge (ou autre) qui se respecte. En effet, C’est arrivé près de chez vous fait indéniablement partie de ces films piliers du cinéma belge. Ces films ayant désormais une place de choix dans le patrimoine cinématographique du plat pays qui est le nôtre. Filmé en 16 mm et en noir et blanc pour contraintes budgétaires, cette comédie à l’humour noir débridé et au côté glauque parfaitement assumé est devenue pépite de la nation qui voit encore aujourd’hui ses répliques aussi bien scandées dans les soirées étudiantes (« Malou… ») que déclamées dans les soirées plus mondaines (aaah la recette du Petit Grégory !).

Ses personnages y sont d’ailleurs pour beaucoup puisque Benoît Poelvoorde, dont c’était d’ailleurs le premier rôle dans un long métrage, campe certes un tueur mais aussi un fils aimant et un camarade à la vision du monde politico-poétique sans nulle autre pareille. Sur ce dernier point, on ne peut passer à côté du rôle tenu par la propre mère de Poelvoorde (jouant donc la mère du personnage principal) qui représente un personnage secondaire fondamental du long métrage réalisé par le trio. Pour l’anecdote, si elle est si authentique à l’image, c’est certainement dû en grande partie au fait que l’équipe du film lui avait présenté son projet comme un réel documentaire sur son fils et non comme une fiction sur un tueur brutal.

C’est arrivé près de chez vous a rencontré un franc succès public et critique en son temps puisque, sélectionné dans différents festivals, il reviendra avec son petit lot de récompenses dont deux rien que durant le Festival de Cannes 1992 (Prix SACD de la Semaine de la Critique et Prix de la jeunesse). Comme quoi, l’autodérision à la belge, le sens de la débrouille et une petite boîte de Cedocards faisaient déjà beaucoup il y a 30 ans !

Guillaume Triplet et Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

SAINT AMOUR, ce soir en TV : interview du duo de réalisateurs Gustave Kervern – Benoît Delépine

SAINT AMOUR, ce soir en TV : interview du duo de réalisateurs Gustave Kervern – Benoît Delépine 940 470 Jean-Philippe Thiriart

Saint Amour

Réalisé par Gustave Kervern et Benoît Delépine (2016)
Avec Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Céline Sallette, Gustave Kervern, Chiara Mastroianni

Comédie dramatique
1h42

★★★

Saint Amour est diffusé ce vendredi 18 février à 20h30 sur La Trois. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir notre interview des réalisateurs, réalisée lors de la Berlinale 2016.

La 66e Berlinale arrivait tout doucement à son terme. Rendez-vous avait été pris dans la suite d’un hôtel berlinois avec le duo Gustave Kervern – Benoît Delépine. Les réalisateurs d’Aaltra, Louise-Michel et autre Mammuth présentaient cette année-là leur film Saint Amour dans la capitale allemande. C’était parti pour une interview qui allait vite sentir bon, très bon la déconne. Quand nous avons quitté le salon où avait lieu l’interview et réalisé que Gustave Kervern nous avait dédicacé le livret presse du film d’un « À Jean-Philippe, mon frère ! », nous avons eu le sentiment d’éprouver définitivement un réel Saint Amour pour lui et son comparse ! Ainsi que pour leur film, ce que nous savions déjà.

Votre film est empreint de moments de grâce et, plus généralement, d’une vraie poésie, une poésie que l’on retrouve dans des scènes qui sont, à la base, à des années-lumière de cela. C’est aussi là que se trouve tout votre décalage avec ce film : la tendresse dans l’absurde. C’était important pour vous, ces contrastes ?

Benoît Delépine : Effectivement : on a du mal à aller complètement dans la sensiblerie. On préfère le sensible à la sensiblerie. Donc dès qu’on sent qu’une situation devient un peu trop lourde, on ne peut pas s’empêcher de l’alléger par un sourire. Ou par un rire, j’espère.

Gustave Kervern : C’est pareil pour les situations comiques : on ne va pas dans le gag, on n’appuie pas les effets, ni dans le comique ni dans l’émotion. On essaie toujours de faire une pirouette au dernier moment qui fait que l’on s’échappe des situations lourdes. Mais c’est difficile de faire des films comme ça, un peu sur le fil du rasoir entre l’émotion et l’humour. C’est l’objectif à chaque fois qu’on en fait un et avec celui-là, je crois qu’on y est arrivé à peu près.

C’est assez rare dans le cinéma français.
Alors petit questionnaire à choix multiple : Saint Amour, c’est avant tout :
– petit A : une description de la France authentique à mi-chemin entre la France et la Présipauté du Groland ?
– petit B : une réflexion sur la société française et, plus généralement européenne voire occidentale, avec tout ce qu’elle compte d’humains en marge du système et qui n’ont d’autre choix que de le subir ?
– petit C : un regard sur les relations père et fils et sur les différences de manière plus générale ? ou
– petit D : un gros délire de deux potes partis du sujet de l’alcool pour offrir au spectateur, avec un plaisir communicatif, une vraie grosse bonne poilade ?

B. D. : A, B, C, D ! Bravo ! (il rit) C’est vraiment un peu tout ça. C’est ce qu’on a essayé de faire. On a à la fois envie de rire et de faire rire comme toujours bien sûr, mais en en profitant pour faire un petit état des lieux de la société française. Et pas forcément du tout de la société parisienne mais plutôt de notre belle province. On en donc effectivement profité pour se balader dans ces marges aussi, pour montrer à quel point la vie, même si elle n’est pas toujours simple, voit l’amour nous sauver de tout.

G. K. : Une bonne poilade, c’est vrai : on avait rarement vu des acteurs se marrer autant. Du coup, nous, ça nous faisait un peu moins marrer parce que le temps qu’ils se marrent, nous perdions, nous, beaucoup de temps. Mais, en même temps, c’est ce qui fait un peu notre force. C’est de mettre les acteurs dans des conditions idéales pour être en confiance. Et puis de s’éclater, d’avoir une certaine liberté. On attend le bon moment pour faire les prises mais à la fois, c’est ce que les actrices et les acteurs recherchent un peu sur nos tournages : une façon de faire qui est la nôtre qui fait qu’on perd pas mal de temps mais que, finalement, on obtient ce qu’on veut.

Gustave Kervern et Benoît Delépine sur le roter Teppich berlinois

Dans Saint-Amour, vous retrouvez à la fois Gérard Depardieu ET Benoît Poelvoorde. Il est indéniable que Gérard Depardieu est et sera sans doute à jamais un des monstres sacrés du cinéma français. Il propose un jeu tout en retenue dans votre film. Comment définiriez-vous ce Gérard Depardieu-là ?

B. D. : il faudrait lui poser la question à lui mais c’est vrai que dans le texte qu’on avait écrit, le personnage du père paysan était un petit peu plus bourru que ce que lui en a fait. Je ne sais pas dans quelle partie de sa vie à lui il va chercher tout ça.

Dans la relation qu’il a eue avec son père à lui peut-être ?

B. D. : Plutôt, oui. Puis surtout dans ses relations père-fils. Il a vraiment un regard de bonté hallucinante vis-à-vis de son fils. Et peut-être, aussi, de l’acteur Benoît Poelvoorde, qu’il respecte beaucoup et qu’il aime beaucoup. Donc ce regard-là, il est inimitable, il est extraordinaire. Il est d’une douceur infinie dans ce film, ce qui le change de beaucoup d’autres films. C’est ça qui nous a vraiment étonné et même renversé. Parce que si, pendant le tournage, on sentait que c’était le cas, découvrir ce type de regard pendant le montage et puis, ensuite, pendant les projections, ça nous remue beaucoup.

Venons-en à Benoît Poelvoorde si vous le voulez bien… Il est pour moi l’un des comédiens francophones les plus doués de sa génération. Et j’ai le sentiment qu’il ose presque tout jouer. Ça doit être une vraie Rolls-Royce pour des réalisateurs. Surtout qu’il est en toute grande forme dans votre film…

G. K. : Oui, je crois que c’est un rôle à la fois extraordinaire et à la fois difficile parce que jouer quelqu’un qui est un peu porté sur l’alcool, c’est ce qu’il y a de plus dur à mon sens pour un acteur. Et lui, il le fait avec un naturel extraordinaire. Et nous, ce qu’on cherche avant tout, c’est un maximum de naturalisme. En ne forçant pas les traits, en n’appuyant pas les effets. Ce sont les situations qui sont parfois absurdes mais les acteurs jouent de manière très naturelle, sans appuyer. C’est vrai que dans ce film-ci, Benoît Poelvoorde a bu un petit peu de temps en temps. Mais je pense qu’il n’y a pas beaucoup d’acteurs qui seraient capables de faire ce qu’il a fait. Avec de l’émotion, parce qu’on sent un personnage perdu et très solitaire. Donc c’est vrai ; merci de le dire ! Ce n’est pas du chauvinisme. On a les deux meilleurs acteurs de leur génération, avec lui et Depardieu. On est donc heureux de travailler avec des gens comme ça.

B. D. : Il faut aussi saluer leur générosité parce qu’ils ont tous les deux tout donné. C’est incroyable ! Il y a des scènes pour lesquelles on ne pensait même pas qu’ils iraient jusque-là. Ils sont tellement généreux ! Ils n’ont pas, contrairement à beaucoup d’acteurs, des petites caméras de vidéosurveillance dans un coin de la tête, en train de se dire qu’ils ne peuvent pas faire telle ou telle chose, par rapport à leur image. On peut dire qu’ils ont vraiment tout donné. Aussi bien physiquement que psychologiquement. À tous les niveaux. Il n’y a rien qui les arrête. Ils sont un peu fous et c’est pour ça qu’on les aime. C’est inouï. Quand on voit le film, on ne se rend pas compte qu’ils aient pu se donner à ce point-là.

Depardieu et Poelvoorde jouent un père et son fils très touchants

C’est clair ! Saint Amour est un film franco-… belge ! Vous avez tourné avec plusieurs grands de notre petit pays : Yolande Moreau, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde… Sur une échelle d’un à dix, à combien estimez-vous, chacun, votre niveau de Belgitude ?

G. K. : Tu as oublié d’autres Belges qu’on a fait tourner : Serge Larivière et Noël Godin. Comme nous, on recherche le naturel chez les acteurs, les acteurs belges nous conviennent bien parce qu’ils ont cette faculté à la fois de facétie et de naturel qu’il est parfois difficile de trouver en France et qui nous correspond bien : ne pas se prendre au sérieux, aller dans des délires absurdes ou surréalistes. Donc c’est pour cela qu’on se sent très proche de la Belgique. Quant à notre degré de Belgitude, j’espère qu’il est à dix. Parce que cela voudrait dire que, soudainement, on n’est plus français.

Monsieur Delépine, sur dix aussi, ça fait un dix ?

B. D. : (il rit) Il y a les dix stades de l’ivresse dans notre film. Alors, est-ce qu’il y a les dix stades de la Belgitude ? Je n’en sais rien ! Mais quelque part, l’ivresse de la liberté. Parce que ce que l’on peut reprocher souvent aux Français, c’est de se bloquer eux-mêmes, de perdre en simplicité justement. Et j’espère qu’on est très haut dans cette échelle de valeurs. Et d’ailleurs, vous avez oublié Joël Robert, qui est quintuple champion du monde de motocross. Je ne comprends pas, c’est honteux ! (il rit)

Je suis désolé : je ferais sans doute un mauvais citoyen du Groland, comme je suis peut-être un mauvais citoyen belge. Je devrais sans doute quitter la Belgique et aller vivre en France. C’est peut-être une solution pour moi ; je m’excuse platement. (ils se marrent) Assister à la lecture par Depardieu d’une description sur le vin, qualifiée par Poelvoorde de scientifique, on est bien d’accord qu’il n’y a que dans l’un de vos films qu’on peut voir ça quand même !

B. D. : On y apprend des choses !

G. K. : Vous avez notez tous les chiffres, c’est bien ! Bon, il y en a peu mais ce sont des chiffres forts, qui marquent la vie d’un homme. Et puis on apprend que les caudalies, c’est, quand on boit un vin, le temps qu’il reste en bouche. Nous-mêmes, nous l’avons appris !

B. D. : Nous l’avons appris dans ce formidable ouvrage qui est montré dans le film. C’est un ouvrage scientifique, véritablement une source d’informations énorme pour tout scientifique. C’est ce fameux trois pages qu’on peut trouver dans toutes les stations-services et qui concerne le vin !

Gérard Depardieu entouré de son duo de réalisateurs lors du traditionnel photocall

Avec un demi-cru dans une espèce de pizzeria…

B. D. : Ne vous moquez pas de ce petit fascicule parce que nous, nous avons appris le cinéma avec celui qui concerne cette discipline.

Je ne me moque pas, je n’oserais pas ! Comment vont les Grolandais Michael Kael et Gustave de Kervern ? Et comment se porte la Présipauté ? Mieux que son voisin la France ?

B. D. : Heureusement, oui ! (il rit) Non non : ça va. Mais chez nous, la Présipauté est directement liée à la forme de notre président. Et notre président est généralement en très grande forme ! On peut le joindre à n’importe quelle heure du jour et de la nuit dans le même bar. On peut donc dire que la Présipauté ne s’est jamais portée aussi bien.

G. K. : C’est vrai qu’on a perdu notre triple A depuis longtemps. On en est au triple Z. Mais nous vivons très bien. Comme quoi les économistes peuvent dire beaucoup d’âneries.

Ils devraient peut-être lire le trois pages sur l’économie et Groland deviendrait un exemple pour son voisin la France ! Le moins que l’on puisse dire est que vous avez le sens de la formule. Aaltra était ainsi je crois le « premier road-movie en chaises roulantes ». Saint Amour est lui-aussi un road-movie. Qu’est-ce que ce genre cinématographique a de si singulier à vos yeux ?

B. D. : Comme on est assez limité en termes de psychologie, les personnages n’évoluent que très peu à ce niveau-là. Il faut donc bien les faire avancer d’une façon ou d’une autre. Les véhicules sont tout ce qu’on a trouvé pour les faire progresser. Et en les faisant progresser sur la route, nos personnages rencontrent de nouvelles personnes qui font progresser la psychologie de nos personnages.

G. K. : C’est vrai que ça commence à se voir qu’on fait toujours le même film. Je suis bien d’accord avec vous ! (Benoît Delépine se marre) Les chaises roulantes, les taxis, les motos… Heureusement, il reste encore la charrette et la chaise à porteur et donc encore plein de possibilités.

Vous proposiez pour rappel avec Aaltra, en 2004, la plus belle réplique du cinéma avec votre fameux « Rendez-nous nos jambes ! »…

B. D. : « J’ai bon mes jambes. » Mais ça, c’est une trouvaille de Benoît Poelvoorde. Et dans ce film-ci, il a eu une phrase qui est magnifique également, quand il dit : « Mais quelle heure il est aujourd’hui ? » quand il est ivre-mort. Ça m’a faut beaucoup rire ! Il en a eu quelques-unes comme ça, à peu près sur chaque film. Il me sidère.

Vous cadrez très fort les visages, en étant proche du docu parfois en matière de mise en scène… Est-ce important pour vous de vous focaliser sur l’acteur, sur l’homme, sur le personnage ? Et, partant, de laisser moins de place à l’artifice ?

B. D. : On a changé complètement notre fusil d’épaule par rapport au film précédent, où on était vraiment sur des cadres magnifiques, à la limite du pictural. On essayait de trouver des idées visuelles. Mais là, comme on savait qu’au salon de l’agriculture, ce serait à la limite de la panique – parce qu’on a tourné quasiment en caméra cachée -, on était obligé de tourner avec deux caméras et d’aller voler des plans avant que le public ne sorte son portable pour faire des selfies avec Depardieu ou Poelvoorde. C’était par conséquent assez extrême comme ambiance. Donc ensuite, on ne pouvait pas repasser à notre ancien style quand on était dans le taxi. On s’est donc dit qu’on allait continuer à être sur ces visages et donc sur les émotions. Et en plus, on avait envie de filmer nos acteurs de près. Contrairement à notre premier film, Aaltra, dans lequel on n’avait filmé que le cul de Benoît Poelvoorde et jamais son visage, on s’est dit que ça pouvait être une bonne façon de découvrir enfin la tête de cet homme. (il rit)

Messieurs, puis-je vous demander un petit mot pour les visiteurs de « En Cinémascope » ?

B. D. : Oui ! Franchement, notre film est plus qu’en cinémascope, même si je parle ici pour « En Cinémascope ». Je vous propose de regarder ce film avec des lunettes. Pas des lunettes 3D, mais des lunettes 12 degrés. Grâce à ces lunettes, on peut encore mieux en profiter !

G. K. : Écoutez, je n’ai pas l’habitude de contredire mon collègue. J’appuie donc ce qu’il vient de dire ! Et je ne trouverai pas mieux, comme d’habitude. Et c’est pareil sur les tournages. (Benoît Delépine se marre)

Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

L’ENNEMI sort en salles : critique du film et retour sur NOCES, le film précédent de Stephan Streker

L’ENNEMI sort en salles : critique du film et retour sur NOCES, le film précédent de Stephan Streker 800 300 Jean-Philippe Thiriart

Aujourd’hui, sort en salles le nouveau film de Stephan Streker : L’Ennemi. Nous vous proposons, avant une présentation de celui-ci, un retour sur son film précédent : Noces.

Avant L’Ennemi, Streker faisait déjà strike avec un film qui marque… au fer rouge !

Noces

Réalisé par Stephan Streker
Avec Lina El Arabi, Sébastien Houbani, Olivier Gourmet, Zacharie Chasseriaud

Drame
1h38

★★★

Ce n’est pas tous les jours qu’un film dramatique est réalisé par un des visages bien connus du football belge : un certain Stephan Streker. Noces est un film poignant et prenant qui traite d’un sujet aussi délicat que controversé. L’intrigue ne s’arrête jamais, il n’y a aucun temps mort et la mi-temps habituelle n’aura pas lieu.

Le thème est particulièrement grave puisque des dizaines de jeunes filles sont forcées au mariage chaque année sous nos latitudes. Les plaintes pour mariage forcé sont rares car elles mènent au déshonneur d’une famille entière, qui n’osera plus rentrer au pays de peur d’être jugée par toute une communauté. La nécessité d’un tel film est une évidence mais ne faudrait-il pas en faire la promotion dans les milieux concernés par les mariages forcés ?

Streker nous propose également l’avis de musulmans pakistanais sur certaines de nos propres habitudes. Si pas mal de non-musulmans cultivent des stéréotypes sur les musulmans, ces derniers ont parfois, eux-aussi, une vision tronquée de la manière dont les premiers voient les choses. Ces stéréotypes, bien que caricaturaux, peuvent nous servir également à nous remettre en question lorsque cela est nécessaire. Ce film belgo-franco-pakistano-luxembourgeois met aussi en lumière les difficultés de compréhension de l’autre lorsqu’il n’a pas les mêmes coutumes ou la même religion.

Que dire des acteurs ? La jeune actrice Lina El Arabi crève l’écran ! Il est rare de voir un regard aussi profond au cinéma. De plus, jouer la détresse n’est jamais évident et elle le fait avec une justesse remarquable. Sébastien Houbani, son frère à l’écran, doit, lui, jouer un personnage à deux visages. Il le fait d’une manière assez convaincante même si la rupture aurait sans doute pu être encore plus marquée. On notera aussi la qualité des interprétations d’un Olivier Gourmet brillant comme de coutume et de Zacharie Chasseriaud dans le rôle de l’amoureux transi ne comprenant pas une situation qui ne lui est pas expliquée et qui, même si elle l’était, n’aurait sans doute pas de sens pour lui.

Mettons enfin en avant que la mise en scène de Streker est d’une justesse remarquable avec un rouge présent tout au long du film, des sièges du bus aux pétales du mariage.

L’Ennemi : une affaire judiciaire subtilement mise en lumière

L’Ennemi

Réalisé par Stephan Streker
Avec Jérémie Renier, Alma Jodorowsky, Emmanuelle Bercot, Peter Van den Begin

Drame
1h45

★★

L’Ennemi reprend librement les événements tragiques de l’affaire Wesphael et plus précisément les événements qui se sont déroulés à Ostende à la fin du mois d’octobre 2013.

Soupçonné d’avoir assassiné son épouse, Véronique Pirotton, dans un hôtel d’Ostende, Bernard Wesphael est arrêté le 1er novembre 2013 et est placé sous mandat d’arrêt par un juge d’instruction de Bruges. Trois jours après son arrestation, il passe devant la Chambre du conseil, qui décide de le maintenir en détention préventive. Selon Bernard Wesphael, qui a trouvé sa femme inanimée dans la salle de bain, elle se serait suicidée en se plaçant un sac en plastique sur la tête. Véronique Pirotton avait des antécédents en matière de tentatives de suicide.

Le film laisse amplement la place aux interprétations des spectateurs, qui se retrouvent confrontés à leurs propres sentiments et à leurs propres choix. Ils et elles se poseront certainement les mêmes questions que celles que se sont posé les enquêteurs chargés de faire la lumière sur les événements tragiques qui ont mené à la mort de Véronique Pirotton.

Les acteurs ont, comme c’était déjà le cas dans Noces, à nouveau fort à faire dans ce film, qui nous emmène dans un véritable tourbillon. Jérémie Renier joue le rôle de Louis Durieux, personnage multiple inspiré de Bernard Wesphael. De son côté, en parfaite adéquation avec le rôle de l’acteur belge, la jeune Alma Jodorowsky joue son épouse, Maeva Durieux, basée quant à elle, vous l’aurez compris, sur la personne de Véronique Pirotton.

La réussite de ce film tient certainement dans la capacité qu’a eu Streker de faire de cette affaire complexe un film dont la conclusion finale apparait comme moins importante que le déroulement raffiné des événements.

Raphaël Pieters

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

ADORATION, ce soir en TV et sur Auvio : interviews de l’équipe du film et retour sur la trilogie ardennaise de Fabrice Du Welz

ADORATION, ce soir en TV et sur Auvio : interviews de l’équipe du film et retour sur la trilogie ardennaise de Fabrice Du Welz 1020 681 Jean-Philippe Thiriart

Le dernier film sorti en salles de l’enfant terrible du cinéma belge Fabrice Du Welz est diffusé ce soir à 21h50 sur La Trois et est également disponible sur RTBF Auvio pendant un mois. Le réalisateur de cinéma de genre ô combien cinéphile, clôture avec Adoration sa trilogie ardennaise. Un triptyque initié par Calvaire voici plus de quinze ans, suivi de Alléluia en 2014.
C’est l’occasion pour nous de revenir sur cette œuvre.

Avec, d’abord, trois interviews filmées du cinéaste et de son duo d’acteurs principaux composé de Thomas Gioria et Fantine Harduin (Ennemi Public) au 34e Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), avant et après l’annonce du palmarès qui allait consacrer le talent des comédiens du Bayard de la Meilleure interprétation.

Deux interviews du réalisateur et de son actrice Helena Noguerra dans le cadre de la projection en avant-première de Alléluia et une rencontre avec différents acteurs du cinéma belge dans ce cadre, et les interviews express de Vincent Tavier et Manu Dacosse aux Magritte du cinéma (respectivement coscénariste et producteur, et chef-opérateur du film), un an avant les quatre statuettes obtenues au Square, ensuite.

Et, enfin, une présentation de Calvaire, sous forme de critique cette fois.

Aux côtés des jeunes acteurs Fantine Harduin et Thomas Gioria, on retrouve notamment Benoît Poelvoorde (bientôt à l’affiche de Inexorable, le prochain film de Fabrice Du Welz), Peter Van den Begin, Laurent Lucas, Jean-Luc Couchard, Renaud Rutten, et Pierre Nisse.
Quant à la très belle bande originale du film, elle est signée Vincent Cahay.

Notez que l’affiche de Adoration est l’œuvre du talentueux artiste belge Laurent Durieux, qui expose au MIMA jusqu’au 9 janvier prochain dans le cadre d’un double bill. Ce dernier comprend, outre « Drama, the art of Laurent Durieux », l’expo « The ABC of Porn Cinema », consacrée quant à elle au cinéma ABC, dernier cinéma porno de Bruxelles.

Jean-Philippe Thiriart

Crédit photo : Kris Dewitte

La trilogie ardennaise

Calvaire   ★★★★
Alléluia   ★★★
Adoration   ★★★

☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

ADIEU LES CONS : Albert Dupontel, roi de l’absurde enivré d’empathie

ADIEU LES CONS : Albert Dupontel, roi de l’absurde enivré d’empathie 2560 1707 Jean-Philippe Thiriart

Réalisé par Albert Dupontel
Avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Jackie Berroyer, Bouli Lanners

Tragi-comédie
1h27

★★★

Albert Dupontel est de retour, trois ans après avoir réalisé Au Revoir Là-haut, film qui avait empilé pas moins de cinq César en 2018 !
Le réalisateur français a entièrement écrit l’histoire d’Adieu les cons alors qu’il avait adapté l’histoire du Prix Goncourt de Pierre Lemaître pour réaliser son précédent opus. Et le moins qu’on puisse écrire est qu’Albert Dupontel a trouvé son style. Il a en effet choisi, une nouvelle fois, de mettre au centre de son récit des personnages en quête d’humanité dans un monde qui en manque cruellement.

Tout commence par une rencontre : celle de Suze et JB. Elle est coiffeuse et apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable ne lui laissant que quelques jours à vivre. Lui est fonctionnaire et mal dans sa peau. Il décide de mettre fin à ses jours quand son patron lui annonce qu’il va être remplacé par un employé non pas plus qualifié que lui, mais simplement plus jeune. Suze, de son côté, décide de retrouver son fils, qu’elle ne connait pas. Tombée enceinte alors qu’elle était encore adolescente, elle avait été forcée par ses parents d’accoucher sous X. Leur histoire respective bascule lorsque Suze décide d’accélérer ses recherches pour retrouver son fils et que JB s’apprête, au même moment, à commettre l’irréparable.

Albert Dupontel nous emmène dans un voyage mêlant absurde et poésie. Il plonge ses personnages, tous plus attachants les uns que les autres, dans un monde qui ne leur convient pas. Un monde où tout semble aller à l’encontre de la nécessité d’humanité de Suze et JB.
Les acteurs sont excellents, à commencer par Albert Dupontel lui-même, qui incarne JB. Son personnage aux multiples facettes, doté d’une compréhension du monde aussi pessimiste que réaliste et altruiste, est bluffant. On retrouve aussi à l’écran Virginie Efira, qui possède la justesse et l’empathie nécessaire au rôle d’une mère à la recherche de son fils inconnu. Ainsi que Nicolas Marié (99 francs, 9 mois ferme) dans le rôle d’un archiviste aveugle surprenant, aussi serviable que drôle par son côté Mr. Bean. Les références au burlesque des Monty Python sont de la partie, Terry Gilliam effectuant d’ailleurs une apparition clin d’œil, comme dans les précédentes réalisations de Dupontel.

Adieu les cons tombe à pic dans ce monde en plein bouleversement. Alors pourquoi ne pas vous offrir une escapade vitale dans la noirceur tragicomique d’une salle obscure ?

Raphaël Pieters

Nos cotes :
☆                    Stérile
★                    Optionnel
★★                 Convaincant
★★★              Remarquable
★★★★           Impératif

Avec le MR. NOBODY de Jaco Van Dormael – ce soir à 22h15 sur RTL TVI – tout reste possible !

Avec le MR. NOBODY de Jaco Van Dormael – ce soir à 22h15 sur RTL TVI – tout reste possible ! 1280 720 Jean-Philippe Thiriart

En ce jour de fête nationale belge, RTL TVI met notre cinéma à l’honneur en diffusant deux films majeurs d’un de ses plus grands ambassadeurs : Jaco Van Dormael. Place d’abord au film Le Huitième Jour à 20h10, puis à Mr. Nobody à 22h15. C’est ce dernier que nous avons choisi de vous présenter aujourd’hui.

« Quand on doit faire un choix, il n’y a jamais seulement deux options possibles mais une infinité qui découlent des deux premières. » Jaco Van Dormael

Mr. Nobody

Réalisé par Jaco Van Dormael
Avec Jared Leto, Diane Kruger, Sarah Polley, Linh-Dan Pham

Science-fiction, drame
2h21

★★★★

Le synopsis

Un enfant sur le quai d’une gare. Le train va partir. Doit-il monter avec sa mère ou rester avec son père ? Une multitude de vies possibles découlent de ce choix. Tant qu’il n’a pas choisi, tout reste possible.
Toutes les vies méritent d’être vécues.

Un coup de cœur énorme

Parmi les films que nous avons eu tantôt le bonheur, tantôt le déplaisir de visionner, figurent au top cinq de ceux qui nous ont le plus touché Le Grand Bleu, Le Temps des gitans, Old Boy, Le Premier jour du reste de ta vie… et, depuis le 20 novembre 2009 et sa découverte en vision de presse, Mr. Nobody. L’avant-dernier film de Jaco Van Dormael, Mr. Nobody, est depuis devenu notre film de chevet.
Le moins que l’on puisse écrire est que Jaco Van Dormael a su se faire rare. Voilà treize ans qu’on attendait alors la sortie du dernier bébé de ce perfectionniste : le complètement fou Mr. Nobody, film sur la vie, sur le doute, mais avant tout sur les choix et leur complexité.
Le film a été boudé par les Festivals majeurs puisqu’il n’a pas fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2009 et n’a remporté qu’un seul prix à la 66e Mostra de Venise : celui de la meilleure contribution technique et artistique pour les décors, qui est venu récompenser le travail de la décoratrice française Sylvie Olivé. Budgété à 50 millions d’euros, le film en aura finalement coûté un peu plus de 30. Il a été tourné en six mois, d’abord en Belgique, puis en Angleterre et au Canada et, enfin, en Allemagne. Un an de montage a ensuite été nécessaire pour finaliser l’œuvre.
Nous rejoignions entièrement Philippe Godeau, le producteur de Jaco Van Dormael depuis Toto le héros, lorsqu’il dit que son ami est d’abord un poète, avant d’être un metteur en scène : « Jaco ne fait pas de discours mais nous fait sentir, vivre et revivre. C’est un tour de force. ». Le cinéma étant l’art de montrer et non de dire, nous ne pouvons qu’abonder dans son sens. Les larmes viennent à plusieurs reprises lors du visionnage de Mr. Nobody. Nous avons tenté de les retenir, en vain…

Les acteurs

« C’est un cadeau merveilleux d’avoir été invité dans cette famille [qu’est l’équipe de Jaco] pour vivre cette aventure. » Jared Leto

L’interprétation des acteurs est très juste. À commencer par celle de Jared Leto, qui a mis à profit la fatigue pour réussir à atteindre ce moment de grâce où il perd le contrôle pour devenir son (ses) personnage(s), celui de Nemo Nobody. Mr. Nobody a été pour lui le personnage le plus complexe à jouer. Sarah Polley est, elle, plus que crédible en mère dépressive. Très enthousiaste, elle dit n’avoir jamais été aussi heureuse sur un plateau que sur celui de Mr. Nobody alors qu’elle pleure lors de pas mal de ses passages à l’écran. Quant à Diane Kruger, c’était la deuxième fois qu’elle interprétait un rôle de mère, après celui qu’elle avait incarné dans Pour elle, du Français Fred Cavayé.

« C’est dans ces moments-là que le métier d’actrice devient le plus beau métier du monde. » Sarah Polley

Sans oublier Linh Dan Pham, dont le personnage est, comme le dit Jaco Van Dormael, sans doute le plus dramatique du film. Soulignons enfin le jeu tout en retenu des jeunes Toby Regbo et Juno Temple, qui interprètent les rôles d’Anna et de Nemo quand ceux-ci sont âgés d’une quinzaine d’années.

La musique

« Le son s’adresse à l’inconscient, il change l’image et laisse imaginer tout ce qu’on ne voit pas. » Jaco Van Dormael

La musique originale du film a été composée par le frère de Jaco Van Dormael, qui n’est autre que le grand jazzman Pierre Van Dormael. Décédé peu avant la finalisation du film, Pierre Van Dormael est l’orchestrateur de la musique des trois premiers longs métrages de son frère. Il a su apporter au film un savant mélange de simplicité et de complexité. Deux morceaux reviennent à plusieurs reprises, interprétés par des musiciens différents : Mr. Sandman et la Pavane op. 50. Si Mr. Sandman était présent dès l’écriture du scénario, la majorité des autres morceaux du film sont venus s’ajouter par après.

L’image

Le film, qui a bénéficié d’un montage qui aura duré un an, est littéralement époustouflant au niveau visuel. Avec Mr. Nobody, Jaco Van Dormael réinvente le terme « flash-back ». Nous avons été frappés par les très beaux procédés filmiques auxquels le réalisateur a eu recours dans cette petite merveille pour les yeux. Jaco Van Dormael a tout pensé avec une précision incroyable : une vie filmée de façon à obtenir à l’écran une fusion de deux charges amoureuses, une dans laquelle on joue sur la distance, une maniant avec efficacité la technique du hors-champs, une entièrement floue ou encore une où tout est net. Jaco Van Dormael est en outre parvenu à proposer un futur très crédible. Pour ce faire, il a surtout pu compter sur l’aide de trois personnes-clés : la décoratrice Sylvie Olivé, le dessinateur François Schuiten, qui a imaginé ce futur, et Louis Morin, responsable des effets spéciaux et réalisateur deuxième équipe.

L’anglais

Un travail important a été effectué au point de vue de la traduction du scénario et des dialogues du film. Celui-ci semble en effet avoir été écrit et dialogué directement en anglais alors que Jaco Van Dormael a écrit le film en français, sauf quand certaines idées ou certains dialogues lui venaient directement en anglais.

« Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix mais seulement la manière de les vivre. » Jaco Van Dormael

Laissez la magie opérer !

Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

LE MIROIR – version restaurée – et ANDREI TARKOVSKY. A CINEMA PRAYER : une quête de sens toujours d’actualité

LE MIROIR – version restaurée – et ANDREI TARKOVSKY. A CINEMA PRAYER : une quête de sens toujours d’actualité 1278 719 Jean-Philippe Thiriart

La version restaurée du film Le Miroir de Andrei Tarkovsky entame sa deuxième semaine dans les salles belges. Nous avons choisi de vous proposer aujourd’hui une critique du film, mais aussi du documentaire réalisé par le fils de Tarkovsky : Andrei Tarkovsky. A Cinema Prayer, disponible en VoD Premium sur cinechezvous.be.

LE MIROIR

Réalisé par Andrei Tarkovsky

Avec Margarita Terekhova, Oleg Yankovskiy, Filipp Yankovskiy, Ignat Daniltsev

Drame
1h47

★★★★

Andrei Tarkovsky nous invite à un voyage contrasté entre les soucis de la ville, du monde, et la « passivité » vécue dans les campagnes ; certes parfois chamboulé par l’un ou l’autre évènement comme, par exemple, l’arrivée d’un étranger qui cherche son chemin. Peut-être son destin ? Un voyage dont le fil conducteur se perd au début, avec des scènes en apparence non liées, mais qui trouvent leur sens avec le temps qui coule, parfois en avant, parfois en arrière, toujours avec fluidité.

L’histoire se déroule en parallèle à une série d’évènements qui ont marqué l’ex-URSS durant le XXe siècle. Des liens sont ainsi établis avec l’Espagne de la guerre civile, la Chine de Mao et la Russie post-révolution. Avec un impact sur la destinée de millions des gens, de familles, d’enfants, dont certaines histoires sont subtilement dépeintes dans le film. Ce temps discontinu, comme s’il n’avait pas de direction précise, est toujours finement traduit dans la douceur des transitions et les changements de direction.

Dommage de devoir détourner le regard des beaux cadres du film pour lire les sous-titres français. En ce sens, un doublage de qualité serait profitable au spectateur, pour ainsi mieux apprécier la beauté des plans, des jeux des lumières, et des couleurs passant du noir et blanc-satin vers des couleurs parfois opaques, parfois vivantes. Comme si les moments, les états d’âme pouvaient se traduire dans ces couleurs, dans ces déplacements d’images, dans ce vent qui souffle, dans ces personnages.

Le film est rythmé par des poèmes à la fois mélancoliques et plein d’espoir reflétant peut-être la mentalité d’une époque, d’un pays, d’une culture. Des questionnements existentiels sur soi, sur les autres, en nous regardant, en se regardant, en les regardant comme à travers un « miroir ».

Un exercice de style peut être tolstoïen, en images changeantes, mouvantes et parlantes. Ça vaut le détour !

Les différentes séances du film en Belgique, c’est par ici !


ANDREI TARKOVSKY. A CINEMA PRAYER

Réalisé par Andrey A. Tarkovsky

Documentaire
1h37

★★★

Ce documentaire offre une mise en contexte intime de Tarkovsky, pour mieux apprécier et comprendre son héritage.
Un fils qui parle de l’œuvre de son père, un père en quête du sens de la vie, cette recherche qui inspire son art ; un art reflétant l’espoir, la spiritualité, comme un dérivé de nos propres questionnements existentiels.

Andrei Tarkovsky. A Cinema Prayer nous montre un cinéaste qui pousse ses acteurs et ses personnages jusqu’aux limites, « là où les choses se passent », pour tirer le meilleur d’eux-mêmes et ainsi raconter des histoires de manière plus profonde, tout en donnant de la liberté sous certaines conditions.
Sont parcourues les relations, parfois ambiguës, que le réalisateur entretient avec la « flèche du temps », les paysages, la nature, les couleurs, la spiritualité, tout en mettant en contexte sa vie, ses œuvres, et chaque œuvre d’art. Ces œuvres d’art, peu importe le domaine auquel elles appartiennent, sont perçues comme des poèmes, comme s’il s’agissait de « prières à la vie ».
L‘analyse philosophique que Tarkovsky fait de l’humanité, formulée il y a déjà plus de 40 ans, est plus que jamais d’actualité. Le mal est plutôt défini comme « l’absence de bien », notre vie trouvant davantage de sens dans la lutte intérieure contre le mal que l’on a en soi, que contre celui perçu auprès des autres.

Nous sommes ici en présence d’un magnifique documentaire qui met en perspective, de manière très intime et familiale, la vie et l’œuvre d’un poète, d’un artiste, d’un « fou » de l’humanité, permettant ainsi de mieux comprendre et de mieux apprécier l’œuvre derrière le personnage, le monde derrière l’homme, le réalisateur derrière la caméra.

Gabriel Van Dyck, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★           Convaincant
★★★         Remarquable
★★★★       Impératif

Sortie Blu-ray et DVD : LE CAS RICHARD JEWELL, de Clint Eastwood

Sortie Blu-ray et DVD : LE CAS RICHARD JEWELL, de Clint Eastwood 1458 1937 Guillaume Triplet

Réalisé par Clint Eastwood
Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, Jon Hamm

Drame
2h11

Une sortie Warner Home Video

Le film   ★★★

Clint Eastwood ne s’éloigne jamais longtemps de la caméra, que ce soit en tant que réalisateur, acteur ou les deux en même temps. Il est d’ailleurs impressionnant de voir que ce monument du cinéma américain, malgré ses 90 printemps cette année, enchaîne toujours les films à un rythme effréné. Mais le plus surprenant est que, sauf quelques rares erreurs de parcours, les œuvres eastwoodiennes ont très souvent rencontré un succès aussi bien public que critique. Le bonhomme a le don de mettre en scène mais aussi de raconter des histoires parfois dérangeantes, souvent touchantes. Le Cas Richard Jewell s’inscrit d’ailleurs assez bien dans cette dernière catégorie.

Basé sur une histoire vraie, le film relate une partie de la vie d’un homme en surpoids vivant toujours chez sa mère et dont le rêve est de devenir policier. À défaut d’y parvenir, il s’investit dans son métier de vigile avec un grand sens du devoir. Nous sommes en 1996 et lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, Richard Jewell travaille dans l’une des équipes chargées d’assurer la sécurité de l’évènement. Un soir, lors d’un concert en plein air, il découvre un sac à dos sous un banc, qu’il soupçonne être un colis suspect. Il applique donc le protocole adéquat en avertissant les forces de police et en faisant évacuer le public. La bombe contenue dans le sac finira par exploser et le professionnalisme de Jewell aura sauvé de nombreuses vies. Mais si dès le lendemain, le simple agent de sécurité est élevé au rang de héros national, il subira tout aussi rapidement une véritable descente aux enfers suite à l’obstination du FBI qui voit en lui le suspect idéal et ces accusations de s’accompagner d’un véritable acharnement de la presse à son égard.

Le Cas Richard Jewell impressionne par sa maîtrise et sa justesse. L’acteur interprétant le rôle-titre, Paul Walter Hauser, y est assurément pour beaucoup tant il incarne son personnage avec la bonhomie nécessaire pour le rendre d’autant plus attachant. Des qualités qui se retourneront d’ailleurs contre lui au fur et à mesure de l’histoire tant son respect pour les forces de l’ordre le poussera à vouloir simplement aider mais, a contrario, le fera s’engouffrer dans une spirale d’accusations, au grand dam de son avocat, campé par l’excellent Sam Rockwell.

En plus de rendre hommage et justice à l’homme, le film se présente également comme une critique de la toute-puissance des médias. Ceux-ci ayant l’effrayant pouvoir, en un mot ou une image, de briser un destin sans même parfois avoir ne serait-ce qu’une infime partie de vérité. Le Cas Richard Jewell peut donc être vu tout aussi bien avec un regard tourné vers le passé qu’avec un œil sur le présent. L’une de ses thématiques n’aura peut-être jamais été aussi actuelle tant le flux d’informations auquel nous sommes soumis en permanence obstrue une vision critique pourtant nécessaire.

Le Blu-ray   ★

Côté bonus, l’édition Blu-ray de la Warner n’en propose pas un florilège mais a le mérite d’aller à l’essentiel avec deux séquences d’un peu plus de six minutes chacune. D’une part, un making-of dans lequel figurent quelques rapides explications sur l’impressionnante reconstitution de la scène au Centennial Park d’Atlanta et quelques anecdotes de tournage. D’autre part, une séquence sur la véritable histoire de Richard Jewell (décédé en 2007) racontée en grande partie par l’équipe du film et par sa mère.

Guillaume Triplet

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★   Impératif