international

Interviews de Terry Gilliam, réalisateur de L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE, ce mercredi soir en TV

Interviews de Terry Gilliam, réalisateur de L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE, ce mercredi soir en TV 512 371 Jean-Philippe Thiriart

Terry Gilliam arrive dans votre salon, ce mercredi soir à 20h40 sur La Trois (et jusqu’au 21 août sur Auvio), avec son dernier long-métrage : L’Homme qui tua Don Quichotte. Nous avons eu le bonheur de le rencontrer à deux reprises. Pour Proximus TV dans le cadre de la présentation en avant-première de son dernier bébé au Festival International du Film de Bruxelles (BRIFF). Et voici bientôt dix ans, en 2012, au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF).

Terry Gilliam est avant tout un réalisateur de talent, qui a pris place derrière la caméra voici plus d’un demi-siècle déjà ! On lui doit notamment Brazil, L’Armée des 12 singes, Las Vegas Parano ou encore Tideland. Voilà, en quelques films parmi d’autres, pour sa carrière de réalisateur en solo. Mais Terry Gilliam, c’est aussi un des six Monty Python. C’est en effet aux côtés de Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle, Terry Jones et Michael Palin que tout a véritablement commencé pour lui. En télévision d’abord, au cinéma ensuite. Seul membre américain de ce sextuor presqu’entièrement britannique, Terry Gilliam fait partie des grands de l’absurde, avec des films comme Monty Python : Sacré Graal et La Vie de Brian, entre autres.
Gilliam est aussi l’auteur de chacun de ses films. Il produit, monte et joue dans certains de ses films, dans ceux d’autres et dans les différents Monty Python. Et il a encore bien d’autres casquettes.

Interview de Terry Gilliam pour L’Homme qui tua Don Quichotte


Interview au BIFFF de Terry Gilliam, le Python surréaliste

Lors du trentième BIFFF, en 2012, Terry Gilliam était adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau. Il y présentait The Wholly Family, son dernier court-métrage en date, un film où les pasta permettaient au réalisateur de laisser libre court à son imagination. Monty Python à vie, l’Américain à la malchance légendaire est avant tout un des plus fameux réalisateurs surréalistes en activité. Retour sur cette rencontre.

Crédit photo : Cedric Arnold

Vous avez été fait Chevalier de l’Ordre du Corbeau. Qu’est-ce que cela fait d’être membre de cette communauté très particulière ?

C’est plus important que d’être un des Templiers. Je suppose qu’il y a beaucoup d’argent sous le beau bâtiment qui se trouve près de nous ! (NdA : Le BIFFF prenait cette année-là ses quartiers à Tour & Taxis pour la dernière fois, avant un déménagement vers BOZAR l’année suivante.) C’est un drôle d’honneur. C’est tout ce que je peux vous dire. Néanmoins, il me faudra probablement des années pour véritablement réaliser les complexités de la fonction. De nombreuses responsabilités sont sans doute inhérentes à cet honneur. Je devrai peut-être sauver des demoiselles des griffes de dragons ! (Il rit.)

Vous venez cette année au BIFFF pour présenter votre nouveau film, le court-métrage The Wholly Family, désigné l’an dernier Meilleur Court-Métrage aux Prix du Cinéma européen. J’ai cru comprendre que Garofalo, une société italienne de pâtes, a financé votre film. Quelles sont les origines de ce projet ?

C’est très simple en fait. Un homme est venu sonner à la porte de ma maison en Italie avec une énorme boîte de pâtes. Il m’a dit qu’elle m’était destinée. Et il a ajouté que Garofalo était prête à financer un de mes courts-métrages à partir du moment où il se déroulait à Naples. J’avais carte blanche. C’était aussi simple que ça.
La seule réponse que je pouvais donner était « oui ». (Il rit.) Comment aurais-je pu dire « non » ? Et à présent, je peux manger des pâtes jusqu’à la fin de ma vie !

Terry Gilliam lors du tournage de The Wholly Family

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur les Monty Python à présent ? Comment le succès est-il arrivé ? Au début, cela a dû s’avérer difficile de vous imposer. Les Monty Python, c’est un style forcément tout britannique alors que vous êtes… américain !

C’était très spécial. Je me suis toujours défini comme un anglophile convaincu. C’est en 1967 que je me suis rendu pour la première fois en Angleterre. J’ai eu un peu le sentiment de découvrir un public qui saisissait ce que j’essayais de faire tandis qu’aux États-Unis, personne ne me comprenait. J’ai toujours vu ça comme quelque chose de magique. J’ai rejoint cinq autres gars qui ont fait Oxbridge : Oxford et Cambridge. Des types avec lesquels je partageais la même vision du monde ! Nous faisons certes les choses de manière différente. Parmi eux, certains sont d’excellents acteurs, ce que je ne suis pas. Je peux faire dans le grotesque, contrairement à eux. Ils jonglent plus aisément que moi avec les mots. J’ai une meilleure approche des images qu’eux. Et il s’est avéré que ça marchait. Il faut dire aussi qu’à cette époque-là, la BBC nous a dit que nous pouvions commencer par faire sept émissions. Et si celles-ci fonctionnaient, la chaîne nous permettait d’en faire d’autres. C’était très simple. Nous avions donc entière carte blanche pour faire ce qui nous plaisait. Nous n’étions pas entourés de commerciaux, de managers ou d’agents nous disant de faire ceci ou cela. Nous étions juste six mecs occupés à faire ce qui les faisait marrer.

Gilliam (en bas à gauche), le seul Python américain, avec ses camarades de jeu

Je crois savoir que George Harrison a consenti une hypothèque afin que La Vie de Brian voit le jour, pour la bonne et simple raison qu’il voulait voir le film. Est-ce exact ?

Oui. George était un grand fan des Python. Il connaissait chaque sketch par cœur. Et lorsque EMI – le studio qui était sur le point de financer le film – s’est retiré en dernière minute, George a sauvé la situation. Ils ont hypothéqué leur grand immeuble de bureaux de Knightsbridge, à Londres. Il a donc rassemblé la somme d’argent nécessaire à la réalisation du film. Et… ça a marché !

Est-ce que vous êtes d’accord avec moi si je vous dis que vous avez pour habitude de casser les codes ? Le christianisme avec La Vie de Brian, bien sûr. La bureaucratie et l’économie avec Brazil

Ce n’est pas faux. En particulier la cause sainte : les choses que nous sommes supposés croire. J’estime que nous devons les déconstruire. Constamment.

Les contes, les rêves et l’imagination ont une grande place dans votre univers. Vous êtes un des rares réalisateurs surréalistes mondialement connus ?

Si ce n’était pas le cas, j’aurais probablement eu plus de succès auprès du grand public. Il y a cependant de nombreux réalisateurs qui font des films surréalistes, mais dont on n’entend jamais parler. J’ai juste la chance de pouvoir toucher Hollywood et des lieux semblables qui permettent à mes films d’être vus par davantage de gens.

Que pensez-vous du surréalisme belge ? Je pense à René Magritte, Christian Dotremont, Joseph Noiret…

La Belgique est au cœur du surréalisme, pas vrai ?

Tout à fait !

Je pense que tout a commencé avec Jérôme Bosch. Et Pieter Brueghel. Puis viennent Magritte et tous les autres. La Belgique est un drôle d’endroit. Je trouve que c’est un pays schizophrène parce qu’il est à la fois flamand et francophone. Et une certaine friction donne sans doute naissance à une série de choses. C’est ainsi qu’un feu démarre : en mélangeant deux choses.

C’est la quatrième fois que vous venez au BIFFF. Vous étiez notamment présent en 1996 pour présenter L’Armée des 12 singes. Que représentent la Belgique et, en particulier, Bruxelles, à vos yeux ? Est-ce que vous connaissez le cinéma belge et, si oui, y a-t-il un film issu de notre production nationale que vous affectionnez particulièrement ?

Le cinéma belge que j’aime depuis toujours est celui que l’on retrouve dans Toto le héros, de Jaco Van Dormael. J’ai adoré ce film ! « Qui est ce mec ? », me suis-je demandé. Il parvient, à mes yeux, à exprimer exactement ce qui constitue le surréalisme belge. Il y a une certaine magie. Il y a quelque chose de présent… Je ne sais pas de quoi il s’agit cependant. Je ne connais pas la Belgique. Un peu Bruxelles mais c’est tout. Je sais en tout cas que le meilleur musée au monde sur la bande dessinée se trouve sur votre territoire.

Toto le héros, un grand film surréaliste de l’avis de Terry Gilliam

Vous vous y êtes rendu hier, n’est-ce pas ?

Tout à fait ! Je ne saisis pas encore toutes les particularités de la ville mais je l’apprécie pour la bonne et simple raison qu’elle ne ressemble à aucune autre. Il y a un petit quelque chose qui se produit ici, que je ne suis pas à même de traduire avec des mots. Ça reste donc pour moi un mystère. Quelque chose d’intriguant.

Avez-vous vu Mr. Nobody, le dernier film de Jaco Van Dormael ?

Non. Est-ce qu’il est bon ?

Absolument !

Je dois me le procurer par ce qu’il n’est pas arrivé jusqu’en Angleterre. J’ai rencontré Jaco Van Dormael. Je ne me souviens plus de quand c’était. Il y a quelques années. Et c’est une crème. Il est terrible. François Schuiten a-t-il également œuvré sur ce film ?

Oui !

Je vous pose cette question parce que je trouve que Schuiten est extraordinaire. Je l’ai rencontré lors de ma dernière venue ici.
Mais c’est là un des points négatifs que de vivre à Londres : nous n’avons pas la possibilité d’y voir assez de films étrangers. Ceux d’Almodóvar arrivent jusque chez nous. C’est ridicule de faire partie de l’Europe et, en même temps, de faire comme si nous n’étions pas dedans.

François Schuiten et Jaco Van Dormael lors de leur venue au BIFFF, avant la finalisation de Mr. Nobody
Crédit photo : Maria Deiana pour le BIFFF

Parmi les différentes étapes qui jalonnent le processus d’élaboration d’un film, quelle est celle que vous affectionnez le plus ?

L’écriture est un chouette moment parce que c’est celui de tous les possibles : le rêve est là. Le tournage, c’est un cauchemar parce que chaque jour apporte son lot de déceptions, mais de surprises aussi. Puis vient le montage, lorsque vous ordonnez le tout. J’adore le montage parce qu’il impose certaines limites : voilà ce avec quoi nous devons travailler, voilà ce que nous avons tourné, ni plus ni moins. Comment allons-nous faire en sorte que ça marche ? Et, à nouveau, il s’agit quelque part d’une réécriture du scénario du film dans son ensemble à ce moment-là. Et ça, c’est super !

Que pensez-vous des changements que connaît aujourd’hui le cinéma ? Tout d’abord, considérez-vous le moindre usage de la pellicule en faveur du numérique comme un véritable progrès ?

Cela m’importe peu que le film soit tourné en numérique. Il faut juste savoir si vous êtes à même de créer une image suffisamment belle. Et à l’heure actuelle, la pellicule est encore et toujours plus subtile que le numérique. Elle permet de capturer un peu plus de détails. Mais il ne faudra qu’un an ou deux avant que le numérique ne dépasse la pellicule. Je travaille toujours avec le matériau le plus pratique et de la façon qui s’avère sans doute la moins onéreuse. Parce qu’il s’agit toujours d’économiser de l’argent afin que le message que vous souhaitez exprimer passe au mieux.

Qu’en est-il de la 3D ? Voyez-vous cela comme une révolution qui pourrait être comparée, dans un sens, à l’arrivée du cinéma parlant, ou comme un simple gadget ?

C’est un gadget ! La 3D n’a été pensée selon moi que pour vendre de nouveaux postes de télévision. Je pense vraiment que c’est l’idée de base. Je ne sais pas si ça va durer ou pas. Ça coûte plus d’argent. Et si ça coûte plus d’argent, ça vient sans doute limiter les idées que vous pouvez concrétiser à l’écran. Ça ne m’intéresse pas. Les paires de lunettes ne sont pas agréables à porter. J’estime que ce procédé sacrifie le contraste. Il n’y a donc aucun intérêt. Le contraste vous apporte de la profondeur. Il se trouve grandement diminué et puis vous mettez ces lunettes sur le nez et faites ce truc artificiel. Est-ce que ça en vaut la peine ? Je n’en suis pas convaincu.

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur les acteurs avec lesquels vous avez travaillé, de manière générale ? Et peut-être sur un d’entre eux en particulier : Johnny Depp. C’est, je crois, un de ceux avec lesquels vous avez préféré tourner…

En fait, j’ai eu la chance de travailler avec d’excellents acteurs. Tourner avec Johnny était pour moi une grande joie parce qu’il est à la fois très drôle et très vif. Il est très rapide. À de nombreux égards, c’était un peu comme si je travaillais à nouveau avec les Monty Pythons car il est extrêmement inventif. Il avait une idée, moi une autre… Il avait une idée, j’en avais une… Boum ! Ça se passait comme ça ! Mais il y a aussi des gens comme Jeff Bridges. J’adore Jeff ! Quelque part, il prenait un peu de ma folie pour lui donner une sorte de solidité et en faire quelque chose de vraiment concret. C’est magnifique de travailler avec ces acteurs. Je ne suis pas chanceux en fait : je fais très attention au moment de choisir les personnes avec lesquelles je travaille.

Quelques mots pour les visiteurs de « En Cinémascope » peut-être, à présent ?

Salut ! Vous êtes sur « En Cinémascope » ! Et vous êtes en train de regarder, quelque part, Terry Gilliam qui regarde des gens travaillant « En Cinémascope » ! Ce n’est pas en cinémascope ! C’est sur un petit écran. Vous lisez peut-être ça sur votre iPhone. Et vous devez regarder au-delà de votre iPhone parce qu’un monde entier vous attend. Mais quoi que vous fassiez, restez connecté à « En Cinémascope » ! Je serai là le restant de vos jours !

Jean-Philippe Thiriart

Le 39e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de films

Le 39e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de films 512 288 Jean-Philippe Thiriart

Tandis que le soleil n’avait pas encore laissé sa place aux ténèbres, le dimanche 18 avril dernier sur le coup de 18 heures, Guy Delmote, directeur du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF), est sur le point d’annoncer les noms des vainqueurs de cette pour le moins étrange 39e édition du Festival. Face à ce soleil qui brille encore bien haut dans le ciel, nous allons découvrir le palmarès de cette édition cent pour cent en ligne, chose qui eut été aussi inconcevable qu’inexplicable il y a encore quinze mois tant le BIFFF est un Festival qui se vit en présentiel, en « vrai ». Néanmoins, les organisateurs ont réussi un tour de force : celui de garder, treize jours durant, une très grande proximité avec les BIFFFeurs. Chapeau à eux !

Le palmarès Courts-métrages

C’est après la diffusion du fort décalé Hiroshima Mons-Namur, réalisé par le Magic Land Théâtre, que l’annonce du palmarès débute. Celui des films commence avec les Prix récompensant les courts-métrages programmés cette année. Le Prix du Public de la Compétition internationale va à Horrorscope, réalisé par l’Espagnol Pol Diggler. The Last Marriage, des Suédois Gustav Egerstedt et Johan Tappert, reçoit le Méliès d’Argent du Court-métrage. Et est, dès lors, nominé pour la Compétition du Méliès d’Or du Court où il représentera le BIFFF en octobre prochain à Sitges, en Catalogne.

Au sein de la Compétition nationale, un film rafle tout : Prix Jeunesse, Prix La Trois, Prix Be tv et Grand Prix du Festival. Son nom retentit dans notre casque tel l’indication de l’arrêt d’un cheval de Troie par notre antivirus informatico-covidien : T’es morte Hélène. Notons que le film de Michiel Blanchart avait déjà reçu le Grand Prix du Court-métrage à Gérardmer en début d’année.

Le palmarès Longs-métrages

Venons-en aux longs-métrages avant que le temps ne soit écourté de deux minutes pourtant bien indispensables à la lecture de ce qui suit.
Le Pégase, Prix du Public du BIFFF 2021, va à Vicious Fun, de l’Américain Cody Calahan. Le Prix du Public de l’édition fantôme du BIFFF 2020 est attribué à Bloody Hell, de l’Australien Alister Grierson.
Le Jury Presse décerne une Mention Spéciale à Caveat de Damian McCarthy et octroie son Prix de la Critique à Beyond the Infinite Two Minutes du Japonais Junta Yamaguchi.
Vous l’aurez compris : vous venez de rattraper les deux minutes de retard accumulées précédemment.

Le Jury de la Compétition 7e Parallèle attribue une Mention Spéciale au film canadien Violation de Madeleine Sims-Fewer et Dusty Mancinelli, et le White Raven à… Beyond the Infinite Two Minutes ! Quand nous vous disions que nous allions rattraper le temps perdu…
Le Jury de la Compétition européenne attribue ensuite une Mention Spéciale à Host de Rob Savage tandis que le Méliès d’Argent est attribué à Riders of Justice du Danois Anders Thomas Jensen, film de clôture du Festival.
Le Jury international remet ensuite les Corbeaux d’Argent à Son, de l’Irlandais Ivan Kavanagh et à The Closet, du Sud-Coréen Kwang-bin Kim. Enfin, ce même jury attribue le Corbeau d’Or, LE Grand Prix du BIFFF, à… Vicious Fun !

Encore félicitations aux gagnants de notre concours, organisé en partenariat avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles et vite l’an prochain pour fêter dignement le 40e anniversaire du BIFFF !

Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Critiques de films

Beyond the Infinite Two Minutes   ★★★★
Junta Yamaguchi (Japon)

À vrai dire, nous avions hésité à pointer ce film parmi ceux à regarder absolument. Amateur de films japonais, nous nous sommes laissé tenter. Finalement, septante minutes tout bonnement inimaginables !
Propriétaire de café, Kato réside juste au-dessus de son établissement. Un soir pareil à tous les autres, alors qu’il traine ses savates dans sa chambre, son ordinateur resté allumé l’interpelle soudainement. Pour son plus grand étonnement, il s’aperçoit à travers l’écran et discute tout à coup avec lui-même. L’homme face à lui dit alors : « je suis le futur toi, je suis toi dans deux minutes ». Débute alors une mise en abyme spatiotemporelle bougrement ingénieuse et, stylistiquement, proche de la perfection. Quand on tient une idée pareille, le résultat est aussi original que superbe. Ici, c’est indubitablement le cas !
Raphaël Pieters

Bring Me Home   ★★★★
Seung-woo Kim (Corée du Sud)

Plusieurs années après sa disparition, un enfant fait toujours l’objet d’intenses recherches par ses parents, qui n’ont jamais perdu espoir. Mais à la suite d’un canular de mauvais goût, un tragique accident de la route aura raison du père. Malgré cela, Jung-yeon, la mère, jettera ses dernières forces dans la bataille, se lançant seule sur une piste donnée par un coup de fil anonyme. Son fils aurait été vu servant de gamin à tout faire dans un village de pêcheurs vicelards sous la coupe d’un commandant de police loin d’être net.
Premier film écrit et réalisé… et premier petit chef-d’œuvre, tout simplement, pour le Coréen Seung-woo Kim. Le cinéaste semble même ne jamais avoir fait quoi que ce soit d’autre auparavant (ne pas confondre avec son homonyme, acteur durant les années 90 et 2000) et offre ici un long-métrage magnifiquement ficelé, d’une violence psychologique ahurissante, qui laisse place à l’émotion et à une certaine poésie sans toutefois tomber dans un pathos indigeste. Drame social et psychologique, Bring Me Home doit notamment sa qualité à l’interprétation du rôle principal par Lee-Yeong ae (Lady Vengeance), qui n’a aucunement perdu de sa force de jeu, ainsi qu’à un rythme narratif précisément dosé. Une pépite.
Guillaume Triplet

Hitman: Agent Jun   ★★
Won-sub Choi (Corée du Sud)

Le film raconte l’histoire de Jun, ancien tueur à gage passionné de bande dessinée. Lors d’une mission périlleuse, il simule sa propre mortpour pouvoir échapper aux services secrets et réaliser son rêve de faire de la BD.
Hitman: Agent Jun, c’est James Bond qui rencontre Jong-hui Lee, le scénariste de l’anime Tower of God. Dans ce mélange presque nanardesque d’action et de comédie, le réalisateur s’amuse des codes propres à chaque genre pour offrir un délire visuel burlesque qui fait mouche par moments.
L’esthétique est classique, à l’exception de certains passages assez surdynamiques, ce qui peut gêner le visionnage du film. Mention spéciale aux parties en animation qui sont de toute beauté.
S’ils surjouent parfois, les acteurs restent néanmoins parfaitement dans le ton de cette comédie barrée.
Maxence Debroux

Lips   ★★★
Nicole Tegelaar (Belgique) – court-métrage

L’histoire est celle de Lily, qui tente de remonter le fil de ce qui lui est arrivé après qu’elle s’est réveillée dans une clinique spécialisée dans les greffes de lèvres.
Après l’excellent Yummy de Lars Damoiseaux l’an dernier (programmé notamment au FIFF 2020), la Flandre nous sert une nouvelle histoire, en version courte cette fois-ci, dans le milieu de la chirurgie. Plus sérieux que le huis clos d’infectés précités, Lips (Lippen) bénéficie d’une esthétique léchée des plus agréables pour ce récit qui se veut à la fois angoissant et charnel. Une nouvelle preuve, au cas où certains en douteraient encore, que le nord de notre pays ne manque ni d’idées originales ni de talent pour les mettre en forme.
Guillaume Triplet

Migrations   ★
Jerome Peters (Belgique) – court-métrage

Une ferme reculée dans laquelle vit une famille de dégénérés alcooliques, bas du front et racistes de surcroit, est-elle le bon endroit pour un extraterrestre porteur a priori d’un message de paix ? Il y a de fortes chances que la réponse soit non.
Le second court de Jerome Peters aura laissé votre serviteur dans l’indifférence tant il n’y aura pas trouvé grand-chose à sauver. Humour potache, jeu d’acteurs proche du néant mais une photographie encore sympa sont ce qu’on en a retenu.
Guillaume Triplet

The Shift   ★★
Alessandro Tonda (Belgique, Italie)

Ce matin, dans l’école bruxelloise que nous découvrons dans ce film qui fut le film d’ouverture du Festival, la sonnette retentit comme de coutume. Les adolescents se dirigent vers leur classe respective. Soudain, dans l’entrée, des coups de feu résonnent et des corps s’effondrent les uns après les autres tandis que les cris des vivants se mêlent au sang des morts. Deux jeunes transformés en kamikazes décident alors de se faire exploser. La détonation retentit. Les secours se précipitent sur les lieux et s’organisent tant bien que mal. Un jeune adolescent blessé est pris en charge par Isabelle et Adamo, deux ambulanciers.
Le réalisateur nous présente ici plusieurs sujets très actuels. Son film, à suspense et plein d’audace, aborde l’immigration et la genèse de jeunes terroristes en manque de repères.
Raphaël Pieters

Slate   ★★
Ba-reun Jo (Corée du Sud)

Une jeune femme rêve de devenir une actrice reconnue. Mais elle ne parvient pas à boucler ses fins de mois sans l’aide de sa colocataire. Un beau matin, elle se réveille dans un monde fort différent de celui qu’elle connaît, dans lequel elle a l’habitude de devoir se justifier en permanence. Aura-t-elle l’occasion de prouver sa vraie valeur et de montrer à tous le courage qui l’anime ?
Ce film s’inspire librement de Kill Bill et de Army of Darkness mais fait aussi preuve de modernité avec ses références aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux. Quant à la musique du film, elle nous fait par moments penser à celle de westerns spaghettis bien connus. Chacun trouvera son compte avec ce film qui tente également avec plus ou moins de succès de faire preuve d’humour.
Raphaël Pieters

Vicious Fun   ★★★
Cody Calahan (États-Unis)

Nous avions coché ce film parmi ceux à voir absolument et le moins que l’on puisse écrire est que nous ne nous étions pas trompés puisqu’il s’agit ni plus ni moins que du lauréat du Grand Prix de cette 39e édition du BIFFF.
Joel est critique de film pour un magazine de films d’horreur. Bien malgré lui, il se retrouve au beau milieu d’une bande de tueurs en série. Il tente alors de les convaincre que, lui aussi, est un tueur-né. Parviendra-t-il à utiliser ses connaissances sur les films de genre pour se faire passer pour ce qu’il n’est pas ?
Ce film au scénario drôlement bien ficelé et aux scènes assez longues mais très prenantes est une superbe réussite. Les clins d’œil aux films de genre sont nombreux et son humour décalé et décapant est on ne peut plus appréciable.
Raphaël Pieters

The Weasels’Tale (El cuento de la comadrejas)   ★★★
Juan José Campanella (Argentine)

Un groupe de quatre vieux amis formé d’un réalisateur, d’un scénariste, d’une actrice et de son mari partage une ancienne et grande demeure à la campagne. C’est alors qu’un jeune couple menace leur bonne cohabitation en leur proposant de racheter la maison afin de pouvoir y développer leur propre projet. Très vite, une résistance farouche à ces deux jeunes plein d’ambition s’organise.
The Weasels’Tale est un film qui vaut le détour pour ses dialogues très construits et truculents. L’humour est une des pierres angulaires de ce métrage. Les conflits intergénérationnels sont aussi évoqués avec tout le cynisme nécessaire. Ce film nous a par moments fait penser à ceux de Quentin Tarantino. Un conseil ? Méfiez-vous des apparences…
Raphaël Pieters

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Fantastique, le 39e BIFFF démarre ce mardi avec 10 séances à gagner !

Fantastique, le 39e BIFFF démarre ce mardi avec 10 séances à gagner ! 1307 735 Jean-Philippe Thiriart

Le BIFFF ? Présent !

Le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) aura bel et bien lieu cette année. Dès ce mardi 6 avril et jusqu’au dimanche 18. Avec une animation de la Twice Agency le 6 avril à 19h et une autre, du Magic Land Théâtre, le 18 à 19h. Fantastique, pas vrai ? En effet puisque les organisateurs du BIFFF ont tout mis en en œuvre pour que les festivaliers vivent cet événement dans des conditions optimales, depuis chez eux. Cette année, damoiselles et damoiseaux, si le mot « cauchemar » n’est pas encore derrière nous quand il est associé au coronavirus, il sera bel et bien présent sur les écrans des BIFFFeurs, pour leur plus grand plaisir cette fois. De nombreux films au menu des amateurs de cinéma de genre devraient en effet s’avérer délicieux et ce n’est pas le réalisateur de Yummy, le Belge Lars… Damoiseaux, membre du jury de la compétition 7e Parallèle qui devrait dire le contraire.

Flute alors, on va encore devoir rester à la maison… Certes, mais cette 39e édition sera l’occasion d’offrir non pas une flute, mais bien une parenthèse enchantée longue de 13 jours à tous les amateurs de films de fantasy, de films fantastiques, de thrillers, de films de science-fiction (le BIFFF, c’est tout ça !) et on en passe tant le film de genre est multiple. Vous l’aurez compris : le BIFFF 2021 se tiendra donc intégralement en ligne.

Les films

Le Festival s’ouvrira avec The Shift, claque belgo-italienne sur un attentat terroriste dans une école bruxelloise. Un film qui est, d’après les organisateurs du Festival, « dédié à tous les soldats sans arme qui se battent pour nous au quotidien. » Ils estiment ainsi que « c’était la moindre des choses de leur rendre cet hommage ».
Quant au film de clôture, il s’agira de Riders of Justice, thriller drolatique danois très remarqué. Le synopsis : Markus, militaire danois déployé dans une zone de combat, rentre chez lui après le décès de sa femme dans un accident de train. Il doit s’occuper de leur fille, Mathilde. Mais il a tôt fait de découvrir que le déraillement de train qui a coûté la vie à sa femme n’est peut-être pas accidentel. Et à partir de là, forcément, ça va faire mal !
Parmi les longs-métrages à découvrir : trois avant-premières mondiales, neuf avant-premières internationales et quatre avant-premières européennes. Ce BIFFF 2021 proposera aussi 63 courts-métrages belges, européens et internationaux.

Cette année, les programmateurs ont choisi de nous présenter une « section infectée », soit un florilège des films qui auraient dû faire partie de l’édition 2020 du Festival. Y figurent notamment les deux films coréens pour lesquels nous vous faisons remporter des séances cette année. Il s’agit de Bring Me Home et de Hitman: Agent Jun et c’est à la fin de cet article que ça se passe !
Les films présents dans la compétition 7e Parallèle seront au nombre de sept, justement : Beyond the Infinite Two Minutes, Barcelona Vampires, Honeydew, Hotel Poseidon, King Car et Violation.
En compétition européenne, six films : Post Mortem, Host, Caveat, Meander, The Guest Room et Riders of Justice.
Enfin, les longs-métrages présents en compétition internationale seront Vicious Fun, Son, The Closet, Sound of Violence et Superdeep.

Édition en ligne oblige, les organisateurs ont dû faire des choix. Il n’y aura ainsi malheureusement pas de compétition thriller cette année. Bien que moins copieuse, la cuvée 2021 s’annonce déjà bien sanguine. Voici, pèle-mêle, quelques films à ne pas manquer : le très attendu Psycho Goreman, Cyst, Possessor – deuxième long-métrage du fiston Cronenberg -, le fort surprenant Keeping Company, Aporia – film qui nous vient tout droit du désert et des steppes d’Azerbaïdjan -, Vicious Fun ou encore Bloody Hell.

L’atmosphère du BIFFF… à la maison

Mais le BIFFF, ce n’est pas qu’une détonante sélection de films, c’est aussi une ambiance complétement dingue. Et un des gros défis pour les organisateurs cette année est d’amener l’ambiance du Festival chez vous, autant que faire se peut, grâce à la BIFFF Zone (direction bifff.net) et son contenu exclusif. Y figureront classiques revisités, Q&A avec les invités, événements (Nuit Fantastique, Bal des Vampires…) concours et défis, chatrooms, chansons, bien sûr, et d’autres surprises.
En outre, le Festival proposera des BIFFF Packs permettant de vivre ce BIFFF à la maison : anti-BIFFF blues, rations de survie, affiches et sérigraphies, de quoi occuper les gamins et bien plus encore !

En pratique

L’addition ne s’annoncera donc pas trop salée puisque chaque long-métrage est proposé au prix de trois euros, tarif qui s’applique à chaque séance de courts-métrages dans son entièreté. Tous les films de l’édition 2021 seront disponibles du mardi 6 avril, à 19h, au dimanche 18 avril. À l’exception de deux films : Riders of Justice, uniquement accessible le soir de la clôture, à partir de 19h, et Seobok, à découvrir sur la plateforme du Festival du 15 au 18 avril.
Comment rejoindre cet univers ? En vous rendant sur bifff.net, pour accéder ensuite à la plateforme BIFFF online, tout simplement. Une fois commandé, chaque film est alors visionnable pendant 48 heures.

Concours Corée : 10 séances à gagner !

En partenariat avec le Centre Culturel Coréen de Bruxelles, nous vous proposons cette année de remporter, via notre concours Facebook, 5 x 2 séances pour des films coréens annoncés comme de belles réussites.

Pour chaque gagnant(e) : un accès à l’uppercut Bring Me Home ou au feel good movie Hitman: Agent Jun. Et un deuxième accès à l’autre film de ce chouette duo de longs-métrages, pour la personne de son choix !

Comment faire ? Direction la page Facebook de « En Cinémascope ».
1) Aimez la page Facebook de « En Cinémascope ».
2) Aimez et partagez notre publication sur Facebook en mode public.
3) Identifiez votre ami(e) en commentaire de la publication.

Début du concours : lundi 5 avril à midi
Clôture du concours et tirage au sort : vendredi 9 avril à midi.
Annonce du nom des gagnants, sur notre page Facebook toujours : vendredi 9 avril à 15h.

Les gagnant(e)s et la personne qu’ils/elles auront choisie recevront alors par mail le code d’accès à leur film.

Ajoutons que trois autres films coréens font partie de la programmation. Il s’agit de Seobok, présenté comme un mix entre The Transporter et The Island, donné à voir quelques heures seulement après sa première mondiale. De Slate, annoncé comme le trait d’union entre le troisième volet de Evil Dead et Kill Bill.Enfin, un film « Rétro Corée du Sud » sera aussi de la partie : Il Mare de Hyun Seung Lee. Empreint de romance fantastique, ce film avait déjà marqué bon nombre de spectateurs présents lors de l’édition 2001 du Festival.

Excellent BIFFF à toutes et tous !

Jean-Philippe Thiriart et Raphaël Pieters

Guillaume Senez

NOS BATAILLES, ce soir en TV et en DVD : interviews du réalisateur et regards croisés

NOS BATAILLES, ce soir en TV et en DVD : interviews du réalisateur et regards croisés 667 1000 Jean-Philippe Thiriart

Diffusé ce dimanche 7 février à 20h35 sur La Trois en clôture de la belle semaine que la RTBF consacre au cinéma belge, le film Nos batailles fait aujourd’hui, sur « En Cinémascope », l’objet d’un dossier consacré au film et au DVD du métrage, sorti chez Cinéart.

Nous vous proposons ainsi de découvrir les interviews du réalisateur du film, Guillaume Senez, après le succès remporté par le film à Cannes et, plus récemment, lors de la présence du cinéaste belge au dernier Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) en tant que membre du Jury Longs Métrages. Il présente le film et décrit sa belle aventure cannoise à la Semaine de la critique.

Et n’hésitez pas à visionner la conférence de presse du film au FIFF !

Regards croisés

Nos batailles

Réalisé par Guillaume Senez
Avec Romain Duris, Laetitia Dosch, Lucie Debay, Laure Calamy, Dominique Valadié, Lena Girard Voss, Basile Grunberger

Drame
1h38

Le regard de Raphaël Pieters sur le film

★★

Nos batailles est le deuxième long métrage du réalisateur belge Guillaume Senez, après Keeper en 2015. Keeper avait notamment reçu le Prix de la critique au FIFF et le Prix du Meilleur premier film lors de la septième cérémonie des Magritte du Cinéma.

Romain Duris interprète dans Nos batailles un père qui va devoir apprendre à jouer le rôle d’une mère qui a disparu. Cette mère, c’est l’actrice belge Lucie Debay (Magritte du Meilleur espoir féminin en 2016 pour son rôle dans Melody). L’histoire débute dans une petite ville du nord de la France. Olivier (Romain Duris) est contremaître dans un entrepôt de vente en ligne. Alors qu’il enchaine les heures de travail sans compter, sa femme s’occupe des enfants le soir et est vendeuse dans une boutique de vêtements la journée. Mais après une journée éprouvante au boulot, Laura disparait sans mot dire. La suite sera un combat emprunt de débrouillardise pour organiser une vie familiale fort chamboulée.

Le statut de père débrouillard convient assez bien à Romais Duris, arrivé aujourd’hui à un âge qui lui permet de jouer ce genre de personnages. Il est évident qu’il possédait bel et bien la maturité nécessaire pour cet exercice. La comédienne Laetitia Dosch joue le rôle d’une tante attentionnée et sensible pour les enfants, Laure Calamy celui d’une collègue de travail en manque de repères familiaux et Dominique Valadié celui d’une grand-mère qui doit tout à coup revenir aux affaires.

Le thème du film est connu, plusieurs films ayant déjà traité de la disparition brutale d’un parent et des difficultés à surmonter pour l’autre partent, qui se retrouve seul à gérer vie professionnelle et vie familiale. Ce qui ressort dans ce film, c’est le poids des non-dits, des difficultés de communication entre les membres d’une même famille lors d’un tel événement. Nos batailles est surtout intéressant en ce sens. Le film montre également la précarisation des familles monoparentales. Ce problème de société se devait d’apparaitre enfin plus précisément à l’écran même si ce sont d’abord et avant tout les femmes sui sont touchées par ce phénomène.

Si la question du manque dans une famille monoparentale est ainsi abordée de manière assez fine et émouvante, celle de l’injustice sociale l’est également. Ce traitement permet à Nos batailles de garder une certaine cohérence de bout en bout.

Le regard de Guillaume Triplet sur le film et le DVD

Le film

★★★

Olivier (Romain Duris) travaille dans une usine. Il est chef d’équipe et, en bon syndicaliste qu’il est, met un point d’honneur à défendre ses collègues vis-à-vis d’une direction parfois oppressante. Mais Olivier est aussi père de deux enfants qu’il voit difficilement grandir et qui est forcé de prendre ses responsabilités lorsque sa femme Laura (Lucie Debay) décide de quitter la maison.

Prenant, puissant et mené par des acteurs aussi justes que leurs personnages sont attachants, il n’est pas difficile de comprendre la raison pour laquelle le deuxième film de Guillaume Senez a été autant récompensé (NDLR : le film a remporté cinq Magritte du Cinéma en 2019, dont ceux du Meilleur film et de la Meilleure réalisation). Le metteur en scène laisse une grande spontanéité à ses interprètes. Ce qui, au final, sert admirablement le propos.

Nos batailles est un film social parfois rugueux, mais souvent tendre, qui accroche le spectateur de bout en bout sans tomber dans la pleurnicherie, et est agrémenté d’une profonde réflexion sur le sens des priorités. Une bien belle réussite.

Le DVD

★★

Le DVD distribué par Cinéart fait le boulot, en proposant, en bonus, scènes-clés et scènes coupées commentées par le réalisateur, ainsi que son court métrage U.H.T., qui s’inscrit dans la droite lignée de son film mais en version fermière.

Un dossier préparé par Jean-Philippe Thiriart, Raphaël Pieters et Guillaume Triplet

Captations : Mazin Mhamad et Mourad Khlifi.
Montages : Mourad Khlifi et Jean-Philippe Thiriart
Crédit photo : Nicolas Simoens

Bonne année 2021 et excellents Magritte du Cinéma !

Bonne année 2021 et excellents Magritte du Cinéma ! 1920 1080 Jean-Philippe Thiriart

Bonne année 2021 avec « En Cinémascope » !

Toute l’équipe de « En Cinémascope » se joint à nous pour vous souhaiter une année 2021 cinémagique ! Notre vœu le plus cher ? Que le cinéma revienne, habité par la vie, en cette année nouvelle ! Pour pouvoir continuer à le fêter ensemble. Pour les passionnés que vous êtes, par les passionnés que nous sommes.
Merci à Timothy Byrne pour ce détournement de l’affiche du film The Revenant !

Et excellents Magritte du Cinéma jusqu’au 7 février sur la RTBF ! …

S’il n’y aura, cette année, pas de cérémonie de remise des Magritte du Cinéma, l’Académie André Delvaux, organisatrice de l’événement, et la RTBF ont néanmoins décidé de mettre le cinéma belge à l’honneur.
Tapis bleu pour les Magritte du Cinéma donc, avec un programme événementiel concocté avec la complicité des acteurs de notre cinéma ! Jusqu’au dimanche 7 février, tous les médias de la RTBF célébreront notre septième art. À travers la diffusion de longs métrages notamment.
Nous avons choisi de vous présenter plusieurs films projetés cette semaine via les interviews que nous avons publiées autour de ces œuvres.

Découvrez ainsi :

Nos neuf interviews de l’équipe de Duelles (ce lundi 1er février à 20h35 sur La Une) aux Magritte 2020 : Giordano Gederlini et Olivier Masset-Depasse (Meilleur scénario original ou adaptation), Veerle Baetens (Meilleure actrice), Damien Keyeux (Meilleur montage), Hichame Alaouie (Meilleure image), Frédéric Vercheval (Meilleure musique), et Marc Bastien, Héléna Réveillère et Olivier Struye (Meilleur son).

Notre interview du duo d’acteurs principaux de Noces, de Stephan Streker (ce jeudi 4 février à 21h05 sur La Trois) aux Magritte 2018 : les très complices Lina El Arabi et Sébastien Houbani. Une interview réalisée pour Proximus TV.

Nos interviews de François Damiens (coscénariste, réalisateur et acteur principal du film) et de cinq des acteurs de Mon Ket (ce vendredi 5 février à 20h45 sur La Une), ainsi que les interviews de cinq de ses invités à l’avant-première du film à l’UGC De Brouckère : Jaco Van Dormael, Alice on the Roof, Kody, Jean-Jacques Rausin et Pierre Kroll.

Notre captation de la conférence de presse de Nos Batailles (ce dimanche 7 février à 20h35 sur La Trois), en présence notamment de son réalisateur Guillaume Senez et de son acteur principal Romain Duris, film qui a été le grand gagnant des Magritte 2019 et qui a ouvert le Festival de Namur (FIFF) en 2018.

… Et jusqu’au 14 février en VOD !

Les plateformes VOD de Proximus, Sooner et VOO mettront, elles-aussi, notre cinéma en avant via une programmation spéciale commune de neuf films belges éligibles cette année mais qui seront en lice pour l’édition 2022 des Magritte : Adorables, Adoration, Bigfoot Family, Filles de joie, La forêt de mon père, Jumbo, Losers Revolution, Lucky, Noura rêve, et Pompéi).

Cerise sur le gâteau : la RTBF lance la page Auvio « Belgorama »

Vitrine de la belgitude, cette nouvelle page thématique dédiée à la création belge dans tous ses formats – longs métrages, courts métrages, documentaires, séries, podcasts et fictions digitales – célébrera, promouvra et mettra en valeur celles et ceux qui donnent au secteur audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles toute sa force.
Olivier Masset-Depasse et François Damiens seront les premiers à être mis à l’honneur. Ainsi que le documentaire multi-primé Mon nom est clitoris.

Plus d’infos sur la sélection de films et de documentaires programmés sur la RTBF dans le cadre de ces Magritte particuliers ? C’est par ici !
Et pour en savoir plus sur les émissions consacrées à la Belgique dans ce cadre, c’est par là !

Jean-Philippe Thiriart

Interview de Denis Villeneuve, réalisateur de INCENDIES, disponible sur MUBI !

Interview de Denis Villeneuve, réalisateur de INCENDIES, disponible sur MUBI ! 1656 1060 Jean-Philippe Thiriart

Un Incendies qui a enflammé nos cœurs !

Incendies

Réalisé par Denis Villeneuve (2010)
Avec Lubna Azabal, Rémy Girard, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Abdelghafour Elaaziz

Drame
2h06

★★★★

Il y a presque dix ans jour pour jour que nous nous sommes entretenus avec Denis Villeneuve, le metteur en scène d’Incendies (distribué dans les salles belges par Cinéart). Une très belle rencontre pour évoquer avec le réalisateur de Prisoners, Sicario, Blade Runner 2049 et Dune (sur nos écrans en septembre prochain) notamment, un film qui nous a énormément touchés. Pour la force de son scénario ainsi que pour l’incroyable interprétation de l’actrice principale du film, la Belge Lubna Azabal, d’abord. Mais aussi pour la construction du film. Cette dernière s’avère en effet elle aussi très intéressante dans la mesure où Denis Villeneuve parvient à nous faire sans cesse voyager dans les différents temps de l’histoire de cette famille dont le spectateur découvrira les passé, présent et futur en même temps que les deux enfants du personnage central du film, Nawal Marwan (Lubna Azabal).

Multi-primé, Incendies avait remporté le Prix du Public lors de l’édition 2010 du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) et allait représenter, quelques mois plus tard, le Canada aux Oscars. Le film est diffusé depuis une semaine sur le service de streaming MUBI, qui y voit « La percée de Denis Villeneuve ».

MUBI se définit à la fois comme un programmateur, une compagnie de production, un distributeur et un passionné de cinéma. Des nouveaux réalisateurs aux cinéastes maintes fois récompensés. Ce service donne à voir des films « beaux, passionnants et incroyables, en provenance des quatre coins du monde ».

Rencontre

Comment définiriez-vous votre film ?

C’est un passage à l’âge adulte. C’est l’histoire de jumeaux qui, à la mort de leur mère, décident de remonter son histoire pour découvrir un père et un frère dont ils ignoraient l’existence.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter Incendies au cinéma, au départ l’œuvre du dramaturge libanais Wajdi Mouawad ?

J’ai eu un énorme coup de foudre pour la pièce. J’ai été époustouflé, ébahi par la beauté et la force, la puissance du texte. C’est un texte qui parle de l’intimité. Ce qui m’a bouleversé dans ce texte, c’est le discours que Wajdi portait sur la colère, comment la colère voyage de génération en génération dans une même famille, dans un même peuple. J’ai trouvé ça extrêmement pertinent et puissant comme thème. Ça a été instantané : on appelle donc ça un… coup de foudre !

Quel a été l’apport de Wajdi Mouawad, lors des différentes phases de la création du film ?

Wajdi m’a donné carte blanche. Quand je l’ai approché, il a été touché mais il n’était pas sûr que c’était une bonne idée d’adapter Incendies pour l’écran parce qu’il venait d’adapter Littoral, sa pièce précédente. Je crois qu’il avait trouvé le cinéma assez lourd. Il était lui-même en train d’écrire une nouvelle pièce – Forêts – qui le happait complètement. Il m’a donné les droits d’Incendies mais en me disant que j’allais le faire seul, que j’allais être obligé de remonter l’histoire, d’effectuer le même chemin que lui. Il est parti à Paris et puis il m’a laissé travailler sur Incendies. C’est un immense cadeau parce que je n’avais pas le poids de son regard derrière moi. Il m’a permis de faire des erreurs. Je dirais donc que sa participation à l’écriture du scénario s’est faite principalement au début du processus parce qu’il me donnait des pistes : certains photographes, certains textes, certains passages de la bible… C’était très excitant pour moi parce qu’il m’ouvrait l’atelier initial, l’atelier de genèse d’Incendies. C’est vrai qu’il m’a donné les clés de base : tout ce qu’il avait espéré au départ. C’est un cadeau énorme ! Il m’a vraiment donné son access, son intimité créatrice. Puis il m’a laissé avec cela et je me suis débrouillé. Je ne savais pas faire autrement de toute façon !

Sur quels points rejoignez-vous Wajdi Mouawad en matière de mise en scène et en quoi vous êtes-vous éloigné de la sienne ?

C’est une très bonne question ! Je dirais que Wajdi avait créé, dans sa mise en scène, des images d’une très grande force, une force très théâtrale, qui n’étaient pas adaptables au cinéma dans un cadre naturaliste. Cela n’aurait pas du tout fonctionné. C’était très important pour moi de respecter les thèmes et la structure dramatique, que je trouvais très belle, et que j’ai modifiée par rapport au temps et à l’espace pour modeler le scénario, le film. Je suis resté le plus proche possible de la quête du personnage de Nawal. La quête de Nawal était la référence de départ parce que c’était le personnage de base. Et la bible, je la traînais quotidiennement avec moi sur le plateau. Ça a été ma référence tout au long du processus de fabrication du film. La pièce et le film sont complètement différents. Je me suis complètement approprié la pièce. J’ai carrément bousillé la poésie de Wajdi, un texte absolument magnifique que j’ai volontairement massacré pour arriver à en extirper des images et puis à faire du cinéma ! Ce qui est lié, ce sont vraiment les personnages principaux et puis les thèmes de base. La pièce était beaucoup plus touffue. Elle contenait beaucoup plus de violence. Il y avait nombre d’événements supplémentaires. Le film est plus concis et peut-être plus simple que la pièce. J’ai parfois résumé quatre pages de texte en une image.

Êtes-vous d’accord avec moi si je vous dis que les mots « traumatisme » et « thérapie » sont, parmi d’autres bien sûr, deux mots-clés du film ?

Ça me fait extrêmement plaisir de vous entendre dire cela ! Je pense que c’est la première fois qu’un journaliste me parle de « thérapie ». C’est tout à fait le cas ! C’est un texte qui parle de guerre, du Moyen-Orient et de conflits qui me sont très éloignés. Mais il parle aussi de la famille. Et c’est par l’angle de la famille, par l’angle de l’intimité dans une famille, que j’ai pu aborder ce texte. Dès lors, j’ai accentué ce thème dans le film. Il y a un rapport à la thérapie. Pour moi, un des premiers pas, en thérapie, consiste à retourner aux origines de la colère. L’idée, c’est de se dégager de ces colères névrotiques qui viennent en soi entraver la véritable liberté, qui nous empêchent d’être de véritables adultes. Et je trouve que ces thèmes sont très présents dans le cinéma d’une manière ou d’une autre. Dans Incendies, ces thèmes étaient vraiment bien articulés. Et moi, ça m’a profondément touché. Je rajouterais que Wajdi m’avait dit que pour être capable d’adapter la pièce, il fallait que je fasse un travail d’introspection important pour être capable de transposer le théâtre au cinéma. Et ne fût-ce qu’entrer en relation avec le texte sous le bon angle, ça m’a pris des mois.

Quelles options principales avez-vous délibérément choisies à l’heure de scénariser et puis de réaliser Incendies ?

Il y a un point très important. La pièce se déroulait dans un Liban imaginaire. Tout le monde devinait que c’était le Liban parce que Wajdi est d’origine libanaise. Mais le Liban n’était jamais nommé. Tous les lieux sont des lieux inventés. Les événements sont une très grande transposition de la réalité. À un moment, j’ai été très tenté de « marier » l’histoire, l’histoire du Liban. J’ai eu très envie d’incarner le film dans Beyrouth. J’allais me casser la gueule pour plusieurs raisons et j’ai eu de l’aide, des conseils de mes amis libanais et de Wajdi. J’ai réopté pour l’imaginaire, pour des régions imaginaires. C’est la grande question qui s’est posée dans la scénarisation.

Pouvez-vous nous parler de la manière dont vous avez structuré votre récit, en y imbriquant une série de sous-récits ?

La structure de la pièce travaille sur deux présents : le présent des jeunes et le présent de la mère. Personnellement, je n’aime pas les flashbacks au cinéma. Mais ici, je trouvais que les choses étaient vraiment bien articulées. J’ai trouvé cette structure dramatique vraiment en accord. Elle est originale parce que si l’on observe bien les choses, on constate quelque chose de particulier à ce niveau-là dans la pièce, que j’ai essayé de restituer dans le film. On suit le parcours de la fille et puis on la quitte. On entre alors en relation avec la mère dans le même état émotif que dans celui dans lequel on a quitté la fille. On suit un parcours avec la mère, qui nous amène au prochain état de la fille. Il y a une espèce de dialogue, de réciprocité, d’échange dramatique et émotif entre les deux temps. J’ai essayé de conserver ça le plus possible. J’ai été obligé de modifier cette structure mais cette idée, cette manière de raconter l’histoire, était à l’origine dans la pièce.

Vous avez conquis un public assez large là où le film a été présenté. Estimez-vous que le sujet que vous traitez dans Incendies est universel et si oui, en quoi ?

C’est une bonne question. Je pense que les idées de Wajdi sont déjà très fortes à la base. Son théâtre voyage beaucoup. Je ne peux pas m’approprier cela. Il faut rendre à César ce qui appartient à César ! Le film fonctionne grâce à la beauté des idées de Wajdi Mouawad. Si le film est vendu partout dans le monde, c’est grâce à ses idées à lui. Ce sont elles qui font que le film a ce succès. Je pense que cela touche toutes les personnes, qu’elles soient de n’importe quel peuple. À l’intérieur-même d’une famille, le rapport entre le parent et l’enfant est toujours à la base de la construction d’un être humain. C’est tellement universel comme propos, le rapport entre l’enfant et son parent, la colère qui est engendrée chez l’enfant par le comportement de l’adulte, le silence, l’absence de l’adulte… C’est quelque chose qui voyage partout. Ce que je trouve assez admirable, c’est que Wajdi était capable d’en parler, que ce soit dans l’intimité, comme je le disais plus tout, mais aussi de l’illustrer, de travailler dans un espace beaucoup plus large qu’une région ou un pays en conflit, de parler de cette idée de colère, qui hante une société mais aussi un individu.

Quelques mots sur deux de vos acteurs à présent, si vous le voulez bien.
Pourriez-vous d’abord nous parler de la façon dont vous avez travaillé avec votre actrice principale, la Belge Lubna Azabal, et nous expliquer pourquoi vous l’avez choisie, elle, pour interpréter le rôle de Nawal Marwan ?

En réalité, j’ai fait du casting à Paris et c’est Constance Demontoy, la directrice de casting à Paris, qui m’a donné la clé. Je donne son nom parce que ces gens-là ne sont jamais nommés. C’est elle qui m’a dit qu’elle allait, certes, me faire rencontrer une série de comédiens. Mais elle m’a surtout très clairement fait comprendre que Nawal Marwan, c’était Lubna Azabal. Il était impératif, pour elle, que je rencontre Lubna. J’ai eu un entretien avec elle et j’ai été très impressionné par sa présence et par ce qu’elle dégageait. On a parlé de la pièce de théâtre de Wajdi et on a fait un bout d’essai. On dit souvent que « Casting is everything! » mais je pense que c’est vrai ! Quatre-vingt-quinze pourcent de la direction de comédiens, c’est le casting au départ. Et Lubna Azabal avait cette force intérieure, ce feu. Elle a quelque chose de gitan. En anglais, on dit une « drive ». Au-delà du fait que c’est une excellente comédienne, c’est quelqu’un qui est capable de faire passer beaucoup avec juste un regard. Pour moi, c’est très important. À l’écran, elle dégageait quelque chose de très fort. Il est important qu’on puisse croire que ce personnage-là traverse la guerre et est issu d’un village modeste à la campagne sur une frontière au Moyen-Orient. Quelqu’un qui subit une grande violence et est capable d’avoir un écho de résilience par rapport à cette violence-là. On sent qu’il y a derrière la comédienne une force, une capacité d’adaptation. Je sentais ça chez Lubna. Et j’estime que les gens qui ont vu la pièce et qui vont voir le film vont nécessairement avoir des déceptions parce que ce sont deux objets complètement différents. Ils vont avoir des deuils. Mais il y a un deuil qu’ils n’auront pas, et c’est ma grande fierté dans le film, c’est que Nawal Marwan, c’est Lubna Azabal. J’en suis intimement convaincu. C’est très touchant parce qu’à la première du film, à Montréal, la femme qui a créé Nawal Marwan au théâtre était là et elle a trouvé Lubna extraordinaire. Elle a trouvé que c’était vraiment l’incarnation de Nawal, qu’on ne s’était pas trompé du tout.

L’intuition joue un grand rôle à l’heure de choisir un comédien. Par la suite, pour le travail avec le comédien, j’aime beaucoup répéter. Mais ce qui est essentiel à mes yeux, c’est d’entrer en relation avec la personne, comprendre la tête qui est devant moi, comprendre quel genre de vocabulaire je dois utiliser pour aller rejoindre cette personne et pour créer une certaine complicité. Il faut que j’acquière la confiance de l’autre. Je dois être en lien avec cette personne pour être capable de la diriger. Tous les acteurs sont différents. On n’avait pas tout l’argent du monde pour faire le film et on a souvent manqué de temps. Plusieurs scènes ont été tournées à une vitesse incroyable puisqu’on faisait parfois une ou deux prises seulement. Et Lubna s’est montrée très engagée et très combative. Comme une parachutiste, elle ne pose pas de questions, elle saute dans le vide et puis elle atterrit. C’est une actrice très intuitive. Il faut que tout l’aspect cérébral soit fait pendant la préparation. Il ne faut ensuite plus poser de questions. Il faut agir. Il faut vivre.

Dans Incendies, vous dirigez également Rémy Girard…

Rémy, j’avais pensé à lui dès l’écriture du scénario, pour le rôle du notaire Lebel. C’était le seul que j’avais choisi en écrivant le scénario. J’avais deux noms en tête pour faire ce personnage : Rémy et Roman Polanski. Je trouvais que Roman Polanski avait, comme Rémy, les qualités pour jouer le notaire Lebel. Mais pour des raisons évidentes (Il rit.), il ne pouvait pas venir en Amérique. De toute façon, Rémy était parfait. J’étais très heureux qu’il accepte le rôle. C’est un comédien très connu chez nous.

Un véritable monstre sacré du cinéma québécois !

Oui, c’est ça ! C’est un habitué des grands rôles. Et puis il s’est complètement donné, dans une grande générosité, avec une énorme présence ! J’ai adoré travailler avec lui. On m’avait mis en garde en me disant qu’il pouvait être redoutable et puis il s’est avéré être un ange sur le plateau. C’était très touchant pour moi parce qu’il faut savoir que le notaire Lebel est un personnage qui m’est très cher pour toute une série de raisons. Une d’entre elles est que mon grand-père était notaire. Son frère était notaire. Mon père était notaire. Mes oncles sont notaires. Ma tante a marié un notaire. Bref, je suis entouré de notaires ! Mon frère est avocat… Je suis entouré d’un monde que je connais fort bien. Je me souviens que quelqu’un m’avait dit dans une salle l’autre jour que le personnage incarné par Rémy Girard était très… notaire ! Presqu’un peu trop, presque caricatural. Mais j’ai tout de suite répondu à cette personne que c’était tout le portrait de mon père. Que si mon père descendait dans un camp de réfugiés au Moyen-Orient, il aurait sa cravate ! (Il rit.) C’est vraiment un personnage qui m’est très cher.

N’hésitez pas à découvrir notre critique du dernier film de Denis Villeneuve sorti sur nos écrans – Blade Runner 2049 – et du Blu-ray 4K Ultra HD du film, sorti chez Sony Pictures, ainsi que notre retour sur le Blade Runner de Ridley Scott.

Pour découvrir Incendies sur MUBI, c’est par ici !

Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Retour sur le FIFF 2020 avec En Cinémascope sur RCF Radio

Retour sur le FIFF 2020 avec En Cinémascope sur RCF Radio 1000 667 Jean-Philippe Thiriart

C’est à l’invitation de Charles Declercq que Guillaume Triplet, Raphaël Pieters et moi-même – tous trois chroniqueurs pour En Cinémascope – sommes revenus sur l’édition 2020 du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF). Cela dans l’émission cinéma que Charles présente sur RCF Radio : Les 4 sans coups. L’émission a été diffusée sept fois sur les antennes de RCF Bruxelles et Liège.

Soit une heure pour évoquer ensemble le 35e Festival de Namur et mettre le focus sur une série de films.
Plus longuement sur trois films, d’abord, que tant Guillaume, Raphaël et moi-même avons eu le plaisir de découvrir dans le cadre du FIFF :
– le film d’ouverture Une vie démente des Belges Ann Sirot et Raphaël Balboni, bientôt sur nos écrans,
– le film de clôture Un Triomphe du Français Emmanuel Courdol, lauréat du Prix Be tv, et
Yummy du Belge Lars Damoiseaux, que le FIFF a projeté dans le cadre de la carte blanche accordée à un festival ami : le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF).

Et plus brièvement sur d’autres métrages, ensuite : le documentaire Petit samedi, Bayard d’Or du Meilleur film notamment, réalisé par la Belge Paloma Sermon-Daï, La Déesse des mouches à feu de la Québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette, et les quatre courts métrages de La Belge Collection : Mieux que les rois et la gloire de Guillaume Senez, Rien Lâcher de Laura Petrone et Guillaume Kerbusch, Des Choses en commun de Ann Sirot et Raphaël Balboni et Sprötch de Xavier Seron.

Bonne écoute !

Jean-Philippe Thiriart

Clap de fin pour le 35e FIFF !

Clap de fin pour le 35e FIFF ! 1000 667 Jean-Philippe Thiriart

Ce vendredi 9 octobre, peu avant 17 heures, les rues de Namur étaient bien remplies. Comme lors d’une fin de semaine habituelle somme toute. Les enfants riaient à la sortie des écoles tandis que certains adolescents semblaient avoir oublié de porter leur masque, laissant apercevoir leur joie de profiter de cette fin de journée annonciatrice du week-end. Et depuis quelques heures, la pluie de la nuit avait laissé place aux éclaircies. Le samedi s’annonçait ensoleillé. Fallait-il y voir un indice quant au palmarès de cette 35e édition du Festival de Namur ? Nous allions bientôt avoir réponse à cette question.

Les cinéphiles commençaient à pousser les portes du cinéma Caméo. À l’intérieur, la file pour assister au palmarès était assez courte. La salle 4 n’étant pas extensible à souhait, seul un nombre limité de festivaliers allait assister à la remise des Prix. Mais d’autres amoureux du cinéma entraient par dizaines pour assister au film projeté salle 1. Nous n’y avons pas réellement prêté attention. Sans doute aurions-nous dû…
Les portes de la salle s’ouvrirent. L’annonce du palmarès pouvait débuter.

Le Prix BeTV soutenant la diffusion et la promotion du cinéma francophone fut décerné à Un Triomphe d’Emmanuel Courcol, qui remercia BeTV, Namur et la Belgique avec une grande humilité, sans oublier de déclarer « merde au Covid ! ».
Le Prix du Public Documentaire est allé à China Dream de Hugo Brilmaker et Thomas Licata. Non sans humour, les deux réalisateurs ont profité du temps de parole qui leur était octroyé pour se remercier l’un l’autre.
Le Prix du Public Long métrage fiction récompensa Adieu les cons d’Albert Dupontel.
Une Mention spéciale fut décernée à La Nuit des rois de Philippe Lacôte, une autre à Si le vent tombe de Nora Martirosyan.
Le Prix Agnès, récompensant un film mettant en avant l’égalité homme-femme fut attribué à Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï. La jeune réalisatrice remercia sa maman et son frère, sans qui ce film n’aurait pas été possible.

Attablés dans un coin de la salle, les Bayard attendaient patiemment leur tour. Celui-ci venu, le Bayard de la Meilleure interprétation récompensa le jeu de Virginie Efira pour son rôle dans Adieu les cons. Depuis la Bretagne où elle tourne actuellement, elle remercia, outre son réalisateur Albert Dupontel, les metteurs en scène qui l’ont menée jusqu’à cette rencontre.
Le Bayard de la Meilleure photographie fut attribué à Yann Maritaud pour Slalom de Charlène Favier. C’est à lui aussi que l’on doit la photo de Un Triomphe.
Le Bayard du Meilleur scénario fut ensuite remis à Antoaneta Opris et Alexander Nanau pour Collective tandis que le Bayard spécial du Jury était décerné au film d’animation Josep d’Aurel. Dans un message enregistré depuis sa chambre d’hôtel à la tapisserie fleurie, comme il l’a si bien fait remarquer, le réalisateur, connu entre autres pour ses dessins de presse dans Le Canard Enchainé déclara notamment que c’était : « très encourageant à quelques jours de la sortie belge du film ». (NDLR : le film sort ce 18 novembre dans nos salles).

Le Bayard d’Or pouvait enfin être décerné. Le réalisateur français Samuel Benchetrit, président du Jury Officiel Longs Métrages de ce 35e FIFF remit le Bayard le plus convoité à Paloma Sermon-Daï pour son film Petit Samedi. La réalisatrice profita de sa seconde prise de parole de ce début de soirée pour étoffer ses remerciements à l’adresse de ses proches.

Le vendredi touchait à sa fin. Si le samedi était petit, l’avenir s’écrira sans doute en lettres capitales pour cette jeune cinéaste belge.
Le film projeté dans la salle 1 lors de notre arrivée au Caméo ? Un certain Petit Samedi !

Le palmarès de la Compétition Courts Métrages est à découvrir ici.

Raphaël Pieters et Jean-Philippe Thiriart

Crédit photo : Nicolas Simoens

Interview des six réalisateurs de LA BELGE COLLECTION, projetée ce soir au 35e FIFF

Interview des six réalisateurs de LA BELGE COLLECTION, projetée ce soir au 35e FIFF 1380 920 Jean-Philippe Thiriart

Voici un peu moins d’un mois, nous avons eu le plaisir d’interviewer au Festival International du Film de Bruxelles (BRIFF) les six réalisateurs des courts métrages du premier volume de La Belge Collection : Guillaume Senez (Mieux que les rois et la gloire), Laura Petrone et Guillaume Kerbusch (Rien Lâcher), Ann Sirot et Raphaël Balboni (Des Choses en commun), et Xavier Seron (Sprötch).

Ces quatre courts métrages 100% belges seront projetés aujourd’hui, dimanche 4 octobre à 20h30 au Delta en clôture du week-end du court du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF).

Quatre films parrainés – ou plutôt marrainés – par la comédienne belge Émilie Dequenne, réalisés à Bruxelles, et qui font la part belle au jeu dans des univers singuliers, donnant à des acteurs émergents l’opportunité de se révéler.

Bonne écoute et excellente suite de Festival !

Jean-Philippe Thiriart

Crédit photo : Claire Zombas pour le BRIFF

Avec la fine équipe de réalisateurs de La Belge Collection – Crédit photo : Claire Zombas pour le BRIFF

Le 35e FIFF démarre ce soir à Namur !

Le 35e FIFF démarre ce soir à Namur ! 480 480 Jean-Philippe Thiriart

À partir d’aujourd’hui, vendredi 2 octobre, et jusqu’à vendredi prochain, le 9, le Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) est de retour pour continuer de nous bousculer dans ce monde que certains croient sans lendemain et que d’autres imaginent à partir de presque rien.
Le monde change aujourd’hui plus vite que jamais. Dans cette nécessité d’évolution, le FIFF s’écrit encore en lettres capitales dans la capitale wallonne ! Alors qu’au Rwanda, les collines parlent et n’ont pas encore fini de parler, que certains avouent encore en plein regain égalitaire entre les hommes et les femmes : J’ai tué ma mère, que la première Tempête automnale a déjà touché la Belgique cette année et que les écologistes se mobilisent aux quatre coins de l’Europe et du monde, que certains s’interrogent : Et maintenant on va où ?, que le temps de Chien est de retour après un été très chaud et ensoleillé, il apparait de plus en plus nécessaire de connaître, de comprendre et d’analyser posément nos erreurs passées pour influer positivement sur notre avenir. Qui succédera à Arnaud Desplechin et à son film Roubaix, une lumière, Bayard d’Or 2019 ? Il est évidemment trop tôt pour le dire mais il est temps de vous présenter cette nouvelle édition du FIFF, la 35e du nom.

Cette année, les spectateurs auront droit à plusieurs innovations forcées par la crise sanitaire du Covid-19. A l’heure où il est bon de se retrouver mais aussi de se protéger, les organisateurs et les autorités compétentes ont décidé qu’il n’y aurait pas de chapiteau. Qu’importe, les endroits où il sera possible de boire un verre restent nombreux et les tenanciers des différents acteurs du secteur de l’Horeca namurois seront heureux de vous accueillir après des mois assez compliqués.
Le film d’ouverture, Une vie démente, est le premier long-métrage de fiction du tandem Ann Sirot-Raphaël Balboni, déjà auteur de plusieurs courts-métrages dont Avec Thelma, Magritte du Meilleur court métrage de fiction en 2018. Le projet a obtenu l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les films à conditions de production légères. Le tournage a eu lieu en juillet 2019 à Bruxelles, dans le quartier des Marolles, et dans le Brabant Wallon.
Le film de clôture sera Un triomphe du Français Emmanuel Courcol, déjà présent l’année passée en compétition avec Au nom de la Terre, dont il cosignait le scénario.

Lors de cette 35e édition, le FIFF octroiera une carte blanche au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF), dont l’édition 2020 n’a pu se tenir en avril. Le film de zombies Yummy de Lars Damoiseaux, précédé du court métrage horrifique Julia de Vincent Smitz seront ainsi présentés à Namur.
Le FIFF Campus sera toujours bien un élément clé du festival. Tant les élèves du primaire que ceux du secondaire ont en effet reçu le feu vert pour pouvoir assister aux séances conçues pour eux.
En lieu et place de l’habituel chapiteau érigé Place d’Armes, un jardin solidaire sera alimenté au fil des jours par les festivaliers désireux de faire une fleur à la nature. À la fin du Festival, ceux qui auront planté une fleur pourront en récupérer une et l’offrir à la personne de leur choix.
En compétition, vingt et un courts métrages, des pépites, ainsi bien sûr qu’une compétition officielle très hétéroclite mais a priori fort intéressante.
Niveau invités, le FIFF aura le plaisir d’accueillir Albert Dupontel avec son nouveau film, Adieu les cons, qui a déjà marqué l’équipe d’En Cinémascope. Vous aurez l’opportunité de visualiser ce film parmi ceux en compétition officielle. Laurent Lafitte et Hélène Vincent seront également présents.

Enfin, nous vous invitons à nous rejoindre sur les réseaux sociaux pour suivre le Festival au plus près, sur Instagram, Facebook, YouTube et Twitter !

Plus d’infos : fiff.be

Excellent Festival !

Raphaël Pieters et Jean-Philippe Thiriart

Retour sur le FIFF 2019 avec les lauréats du Bayard de la Meilleure interprétation : Thomas Gioria et Fantine Harduin