L’ENNEMI sort en salles : critique du film et retour sur NOCES, le film précédent de Stephan Strekerhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2022/01/J.-Renier-et-Jod.jpg800300Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Aujourd’hui, sort en salles le nouveau film de Stephan Streker : L’Ennemi. Nous vous proposons, avant une présentation de celui-ci, un retour sur son film précédent : Noces.
Avant L’Ennemi, Streker faisait déjà strike avec un film qui marque… au fer rouge !
Noces
Réalisé par Stephan Streker Avec Lina El Arabi, Sébastien Houbani, Olivier Gourmet, Zacharie Chasseriaud
Drame 1h38
★★★
Ce n’est pas tous les jours qu’un film dramatique est réalisé par un des visages bien connus du football belge : un certain Stephan Streker. Noces est un film poignant et prenant qui traite d’un sujet aussi délicat que controversé. L’intrigue ne s’arrête jamais, il n’y a aucun temps mort et la mi-temps habituelle n’aura pas lieu.
Le thème est particulièrement grave puisque des dizaines de jeunes filles sont forcées au mariage chaque année sous nos latitudes. Les plaintes pour mariage forcé sont rares car elles mènent au déshonneur d’une famille entière, qui n’osera plus rentrer au pays de peur d’être jugée par toute une communauté. La nécessité d’un tel film est une évidence mais ne faudrait-il pas en faire la promotion dans les milieux concernés par les mariages forcés ?
Streker nous propose également l’avis de musulmans pakistanais sur certaines de nos propres habitudes. Si pas mal de non-musulmans cultivent des stéréotypes sur les musulmans, ces derniers ont parfois, eux-aussi, une vision tronquée de la manière dont les premiers voient les choses. Ces stéréotypes, bien que caricaturaux, peuvent nous servir également à nous remettre en question lorsque cela est nécessaire. Ce film belgo-franco-pakistano-luxembourgeois met aussi en lumière les difficultés de compréhension de l’autre lorsqu’il n’a pas les mêmes coutumes ou la même religion.
Que dire des acteurs ? La jeune actrice Lina El Arabi crève l’écran ! Il est rare de voir un regard aussi profond au cinéma. De plus, jouer la détresse n’est jamais évident et elle le fait avec une justesse remarquable. Sébastien Houbani, son frère à l’écran, doit, lui, jouer un personnage à deux visages. Il le fait d’une manière assez convaincante même si la rupture aurait sans doute pu être encore plus marquée. On notera aussi la qualité des interprétations d’un Olivier Gourmet brillant comme de coutume et de Zacharie Chasseriaud dans le rôle de l’amoureux transi ne comprenant pas une situation qui ne lui est pas expliquée et qui, même si elle l’était, n’aurait sans doute pas de sens pour lui.
Mettons enfin en avant que la mise en scène de Streker est d’une justesse remarquable avec un rouge présent tout au long du film, des sièges du bus aux pétales du mariage.
L’Ennemi : une affaire judiciaire subtilement mise en lumière
L’Ennemi
Réalisé par Stephan Streker Avec Jérémie Renier, Alma Jodorowsky, Emmanuelle Bercot, Peter Van den Begin
Drame 1h45
★★
L’Ennemi reprend librement les événements tragiques de l’affaire Wesphael et plus précisément les événements qui se sont déroulés à Ostende à la fin du mois d’octobre 2013.
Soupçonné d’avoir assassiné son épouse, Véronique Pirotton, dans un hôtel d’Ostende, Bernard Wesphael est arrêté le 1er novembre 2013 et est placé sous mandat d’arrêt par un juge d’instruction de Bruges. Trois jours après son arrestation, il passe devant la Chambre du conseil, qui décide de le maintenir en détention préventive. Selon Bernard Wesphael, qui a trouvé sa femme inanimée dans la salle de bain, elle se serait suicidée en se plaçant un sac en plastique sur la tête. Véronique Pirotton avait des antécédents en matière de tentatives de suicide.
Le film laisse amplement la place aux interprétations des spectateurs, qui se retrouvent confrontés à leurs propres sentiments et à leurs propres choix. Ils et elles se poseront certainement les mêmes questions que celles que se sont posé les enquêteurs chargés de faire la lumière sur les événements tragiques qui ont mené à la mort de Véronique Pirotton.
Les acteurs ont, comme c’était déjà le cas dans Noces, à nouveau fort à faire dans ce film, qui nous emmène dans un véritable tourbillon. Jérémie Renier joue le rôle de Louis Durieux, personnage multiple inspiré de Bernard Wesphael. De son côté, en parfaite adéquation avec le rôle de l’acteur belge, la jeune Alma Jodorowsky joue son épouse, Maeva Durieux, basée quant à elle, vous l’aurez compris, sur la personne de Véronique Pirotton.
La réussite de ce film tient certainement dans la capacité qu’a eu Streker de faire de cette affaire complexe un film dont la conclusion finale apparait comme moins importante que le déroulement raffiné des événements.
LE FABULEUX DESTIN D’AMÉLIE POULAIN a 20 ans et ressort en salles : critique du film et interview de Jean-Pierre Jeunethttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/12/001.jpg1600900Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
La critique ★★★
Réalisé par Jean-Pierre Jeunet Avec Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Jamel Debbouze, Yolande Moreau, André Dussollier
Romance teintée de comédie 2h
Avons-nous encore besoin de voir ou de lire des contes aujourd’hui ? Il semble que poser la question, c’est aussi y répondre. Alors que Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain sortait sur les écrans au mois d’avril 2001 – il y a 20 ans déjà – le film est resté à la page. Si les DVD, les smartphones et les PC portables ont remplacé les cassettes VHS, les gros téléphones portables sans 4G et les ordinateurs avec tours ; l’être humain, de son côté, a toujours besoin de tendresse et de mystère.
De l’eau a coulé sous le Pont des Arts ou sous le Pont des Invalides depuis le début des années deux mille, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain n’en reste pas moins un film d’actualité. Depuis lors, le cinéma français a réservé d’autres superbes films aux émotifs. On pense à Intouchables ou à Au revoir là-haut pour n’en citer que deux. Mais le film de Jean-Pierre Jeunet reste un incontournable, un chef-d’œuvre cinématographique. Combien sont aujourd’hui les jeunes qui n’osent pas déclarer leur flamme à un être aimé qui leur ressemble pourtant ? Combien sont-ils ces jeunes dépassés par les événements d’une époque qui nous dépasse toutes et tous ? Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain est un film rempli d’espoir et de rêve pour toutes celles et ceux qui en ont besoin et même pour celles et ceux qui n’en manquent pas mais ne savent pas toujours où continuer à trouver des raisons d’espérer.
Amélie Poulin est une jeune Parisienne de 23 ans qui a grandi isolée des autres enfants car son père lui a diagnostiqué, à tort, une maladie cardiaque qui l’empêche de fréquenter l’école. Sa mère est décédée accidentellement alors qu’Amélie était encore enfant. Mais, alors qu’elle ne croit plus à l’amour, elle découvre en apprenant le décès de la princesse Diana, le 31 août 1997, une boite métallique cachée derrière une plinthe descellée de sa salle de bain. Cette boite est remplie des souvenirs de l’enfant qui occupait jadis cet appartement. Elle se met alors à sa recherche en passant un pacte avec elle-même : si elle le retrouve et qu’il est heureux de retrouver sa boite, elle consacrera sa vie à aider les autres. Sinon, tant pis.
Si ce film vaut bien plus que le détour par son aspect féérique et son histoire attendrissante et parfois amusante, il vaut également pour son casting impressionnant. Dans le rôle d’Amélie Poulain, Audrey Tautou, révélée en 1999 par Vénus Beauté (Institut) mais qui accéda à une notoriété internationale grâce au film de Jeunet. À ses côtés, Mathieu Kassovitz, qui reçut le César du Meilleur espoir masculin en 1995 pour sa performance dans Regarde les hommes tomber. À leurs côtés, le jeune Jamel Debbouze, Yolande Moreau, Isabelle Nanty et le regretté Serge Merlin complètent un casting de haut vol.
Mais que faire en attendant de découvrir cette version numérisée, me direz-vous ? Amélie Poulain a sans doute la réponse : « En attendant, mieux vaut se consacrer aux autres qu’à un nain de jardin. »
Raphaël Pieters
L’interview du réalisateur
En 2014, Jean-Pierre Jeunet était présent au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) pour y donner une masterclass – « L’élixir de Jeunet » – et être adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau. Nous l’avions interviewé, conjointement avec Loïc Smars, fondateur et rédacteur-en-chef du Suricate Magazine.
Vous venez d’être prévenu que vous allez être fait Chevalier de l’Ordre du Corbeau ce soir. Qu’est-ce que cela représente à vos yeux ?
Je panique parce que je n’ai encore rien préparé. Il faut trouver quelque chose à dire et je n’ai pas beaucoup de temps pour trouver une connerie à faire.
Avez-vous déjà un peu entendu parler de l’ambiance particulière du BIFFF ? Pourquoi avoir accepté une masterclass alors que vous n’êtes pas en tournée promotionnelle ?
Déjà, le BIFFF, je ne connais pas. Pour les masterclass, je viens d’en faire par exemple six au Brésil. Je fais ça volontiers car j’aime le contact avec le public. Autant ça m’emmerde de parler avec des journalistes comme vous, autant avec le public, c’est sympa. Au Brésil, c’était incroyable, d’une densité, d’une chaleur… Cela durait deux heures ; j’en sortais rincé. Ils étaient passionnés et posaient des questions originales. On refusait des centaines de personnes à l’entrée.
Vous avez un énorme public au Brésil ?
C’était surtout des jeunes, des étudiants. Il y a aussi le côté un peu midinettes de celles qui adorent Amélie. Il y en a une qui est tombée dans les pommes, une qui a un tatouage Amélie, etc. Je ne pouvais pas le croire. Il y en a une, j’ai signé de mon nom et le soir même elle se le faisait tatouer et m’envoyait la photo. Ça fout un peu les jetons. Il y a même aussi une boutique « Je m’appelle Amélie ».
Vous êtes fidèle à vos comédiens et avez ainsi tourné à plusieurs reprises avec Rufus, Ticky Holgado, André Dussollier ou encore Jean-Claude Dreyfus. Mais votre acteur fétiche, c’est Dominique Pinon. Qu’est-ce que cet acteur a de magique à vos yeux ?
Tout d’abord, il me surprend à chaque fois donc je ne vois pas pourquoi je m’en passerais ! Ensuite, il a vraiment une tronche ! C’est un peu pour moi le comédien parfait. Au tout début de ma carrière, j’aurais dû tourner un téléfilm avec lui et ça ne s’est pas fait pour des questions idiotes. Ensuite, il a été dans mon premier court métrage et après, c’est devenu une tradition de l’avoir à chaque fois avec moi.
Vous vous entourez aussi souvent des mêmes personnes, tant au niveau de l’équipe technique que des comédiens. Vous avez aussi d’autres fidèles qui sont des « tronches », comme Rufus ou Ron Perlman.
En fait, j’aurais adoré travailler avec les acteurs d’après-guerre. Je suis un grand fan de Prévert, Julien Carette, Louis Jouvet… Et mes acteurs fétiches sont les équivalents de ceux-là. De temps en temps, j’en trouve des nouveaux mais je reprends avec plaisir les mêmes.
Et c’est un besoin de s’entourer de sa famille de cinéma ?
C’est plus pour l’équipe artistique. Mais malgré que j’aie travaillé avec plusieurs directeurs photos, il y a une continuité dans la lumière, ce qui prouve bien que c’est moi qui donne la direction.
Vous avez dit dans une interview que T.S. Spivet, c’est vous. Est-ce que vous amenez toujours un peu de vous dans un des personnages de chacun de vos films ?
T.S. Spivet, c’est effectivement un peu moi. Il fait ses dessins dans sa ferme comme moi dans ma maison à la campagne. Il gagne un prix comme j’en gagne parfois. Bon, il prend le train et moi plutôt l’avion. (il rit)
Votre rêve serait de retourner à la campagne, hors du circuit médiatique ?
Je suis très bien en Provence dans ma maison au milieu de la campagne.
L’animation et les dessins, ce sont vos premières amours. Vous avez envie d’y retourner ?
Le réalisateur français qui a gagné l’Oscar cette année pour Monsieur Hublot, un court métrage, m’a contacté pour travailler ensemble. Alors on va voir ce que l’on peut faire tous les deux.
D’ailleurs, Monsieur Hublot est inspiré d’un personnage belge fait par un sculpteur belge.
Je ne savais pas !
L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est votre deuxième expérience américaine…
Attention ! C’est un faux film américain, c’est un film franco-canadien, supposé être américain mais tourné au Canada. D’ailleurs, le seul Américain, c’est l’acteur qui joue le gamin. Je n’ai jamais mis les pieds aux USA pendant le tournage. Pendant les repérages à la frontière, j’ai juste mis le pied de l’autre côté. Tout cela m’a permis de garder une certaine liberté, d’avoir le final cut.
Justement, le final cut, vous l’avez eu sur Alien, la résurrection ?
Évidemment que non ! Mais je me suis débrouillé et me suis bien entendu avec eux. Aux visions-tests, on a appris, par indiscrétion, que dans la salle il y avait le monteur de Star Wars. Donc ils engagent des monteurs à la retraite qui voient tout de suite ce qui ne va pas. Nous, on était flatté et on a essayé de le joindre et il a été assez embêté qu’on ait tenté de le contacter. Mais parfois, les remarques étaient intelligentes. On a aussi appris à écouter.
Et avec Sigourney Weaver, avez-vous appris quelque chose ?
Elle m’a dit une phrase que j’ai retenue : « Les problèmes d’argent, tu en entends parler pour le moment. Mais tout ce que tu fais est gravé pour l’éternité. » Et donc cela voulait dire : « Ne te laisse pas faire par les questions d’argent car si tu bâcles ou que tu ne fais pas bien les choses, tu le regretteras toute ta vie car ce sera dans le film. » J’avais donc une grande liberté artistique mais une grande pression financière. Alors qu’à la base, je pensais le contraire.
Il y a une grande nouveauté dans votre dernier film, c’est l’utilisation de la 3D. Quel est votre sentiment par rapport à cette technique ?
C’est la dernière fois car c’est en train de décliner. Ils ne font plus que de mauvaises conversions, d’ailleurs la société de Cameron ne travaille quasi plus qu’en Chine. Plus personne ne tourne en 3D alors que cela coûte moins cher que la conversion.
Mais pour ce film, vous êtes content du résultat ?
Oui ! Artistiquement, j’adore. Le problème c’est que c’est compliqué et mal montré dans les salles. L’idéal, ce sont les lunettes actives et maintenant ils préfèrent les passives, car les autres coûtent chères à l’entretien et qu’ils les vendent. Mais c’est de la merde. Pourtant, pour Spivet, on a fait un truc nickel : on a tout corrigé en postproduction. Le moindre défaut. Parce que quand ça tape dans un seul œil, c’est là où le cerveau explose, que c’est pénible.
Depuis 2001 et Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, vous êtes aussi le producteur de vos films. En quoi ce rôle consiste-t-il exactement pour vous et quel plus cela apporte-t-il dans la concrétisation de vos projets ?
Quelque part, j’ai toujours été producteur. Je me suis toujours investi dans tous les domaines, y compris la fabrication. Seulement avant, ça ne me rapportait rien et maintenant je vois revenir de l’argent quand le film en gagne.
Dans plusieurs de vos films, les héros ont des petites lubies, des petits moments de bonheur, aiment des petits riens qui embellissent l’existence. Pourquoi ? Est-ce que cela vient de vous ?
Parce que si tu regardes les infos à la télé, tu te jettes par la fenêtre ! La vie et le monde ne sont pas toujours très drôles. On va donc se réfugier, trouver du bonheur dans ces petites choses, un rayon de soleil, etc. Sinon, tout cela c’est aussi un jeu que j’avais pratiqué dans Foutaises, un de mes courts métrages, que je suppose vous n’avez pas vu. Regardez-le. Sur YouTube, il y en a au moins 15 copies. Le jeu, c’était « J’aime » / « J’aime pas ». C’est d’ailleurs Dominique Pinon qui récite. Ensuite, c’est un ami, Jean-Jacques Zilbermann (NdA : le réalisateur du film Les Fautes d’orthographe en 2004) qui m’a demandé pourquoi je ne présentais pas mes personnages d’Amélie Poulain comme je l’avais fait avec Foutaises. C’est un très bon conseil vu que peu de monde avait vu mon court.
Pour terminer, avez-vous déjà des projets dont vous pouvez nous parler ?
On en est aux prémices, donc je ne peux pas en dire grand-chose. On a quelque chose qui tourne autour de l’intelligence artificielle mais je ne peux pas en dire plus.
Jean-Philippe Thiriart
Crédits photos de l’interview : Simon Van Cauteren pour En Cinémascope
CRUELLE EST LA NUIT : critiques du film et du DVD et interview du réalisateurhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/12/001-cover.jpg800533Guillaume TripletGuillaume Triplethttps://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Alan Deprez Avec Kevin Dudjasienski, Bertrand Leplae, Arnaud Bronsart, Pascal Gruselle, Sabrina Sweet, Evangelyn Sougen, Michel Angély, Pierre Nisse, Damien Marchal
Une sortie DVD Chriskepolis et Zeno Pictures Thriller érotico nihiliste 21 minutes
Récemment sélectionné dans deux festivals turcs (The Gladiator Film Festival et les Golden Wheat Awards) – il sera de ce fait diffusé à Istanbul le 31 décembre prochain -, le court métrage d’Alan Deprez Cruelle est la nuit sera aussi projeté ce 17 décembre à Bourg-en-Bresse dans le cadre du ZOOM et d’une programmation de courts-métrages trash.
En 2020, le film bénéficiait d’une sortie DVD digne de ce nom via les excellentes boîtes Chriskepolis et Zeno Pictures. L’occasion nous est donnée ici de revenir sur cette bande qui s’était déjà fait attendre en 2017 tant sa conception et sa sortie furent repoussées.
Une affiche signée Gilles Vranckx
Le film ★★★
Retour donc sur un film qui met en avant la créativité dont la Belgique peut encore déborder et l’indépendance de ses créateurs, pour qui le mot « limite » n’a peut-être pas le même sens que pour le commun des mortels. Un condensé de violence, de poitrines opulentes, de révolte et d’humour noir. Voilà ce qui pourrait donner une idée somme toute exhaustive de la vingtaine de minutes que représente Cruelle est la nuit.
Un soir, Kel, Arno et Sid du collectif Aetna préparent batte de base-ball et flingues pour une expédition punitive. Le but : éliminer le politicien véreux Hein Stavros. Mais à leur arrivée, les trois « activistes » se retrouvent en pleine partie fine, ce qui va quelque peu les contraindre à adapter leur plan. Dotée de personnages singuliers, Cruelle est la nuit est le genre de bande soignée tant au niveau du scénario que de la réalisation. En effet, si le concept de base surfe sur quelques poncifs presque obligatoires du genre, il n’en est pas moins original. Loin de l’histoire basique du cassage de gueules simpliste, le contexte sociopolitique a son rôle à jouer et la morale de la vanité de la révolte apporte une symbolique réfléchie sans non plus tomber dans l’intello.
Le film doit tenir le spectateur jusqu’au bout et ses concepteurs l’ont parfaitement assimilé, au point d’offrir son lot de démonstration des plaisirs de la chair et d’exagération des scènes gores. À ce propos, on ne peut que saluer les qualités formelles de la réalisation, qui opte pour des cadrages et une photographie apportant de la classe dans le trash, comme si Gaspar Noé ou Jess Franco étaient passés par là pour chacun apporter leur petite touche. La scène de l’orgie en est une preuve, au même titre que celle de la fellation avortée par éventration. Un des autres points forts est sans nulle doute la musique, qui participe à l’assombrissement du propos et à la tension du film grâce à des rythmiques industrielles du meilleur effet.
Le réalisateur Alan Deprez s’est fait plaisir en mêlant ses différentes influences esthétiques et cinématographiques, tout en insufflant une vision pour le moins nihiliste de l’existence. Mais il évite la complainte en choisissant un traitement des personnages qui permet de jouer subtilement la carte de l’ambiguïté tant le spectateur n’est pas pris par la main et guidé par une sorte de manichéisme démagogique. Life is a bitch.
Le DVD et ses bonus ★★★
En termes de suppléments, Zeno Pictures propose quelque chose de sobre mais bougrement instructif. Si le making of de 23 minutes décortique la conception des scènes phares du film, il laisse également la parole à certains des acteurs et met en avant l’incroyable travail de l’équipe technique, du cadreur à la maquilleuse, pour percer quelques-uns des secrets de fabrication du court métrage. On déplorera par contre l’absence d’intervention de la part du réalisateur, dont la vision artistique aurait sans doute été digne d’intérêt. Nous vous renvoyons pour cela à l’interview d’Alan Deprez, réalisée au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) et que vous retrouverez ci-dessous.
La suite se compose de deux interviews réalisées lors du Retro Wizard Day 2018. Des interviews très intéressantes puisqu’elles donnent la parole aux encyclopédies vivantes que sont David Didelot (Vidéotopsie) et Didier Lefèvre (Médusa Fanzine) d’une part, et à Damien Granger (ex-rédac chef de Mad Movies et auteur des divers volumes de B-Movie Posters et de Horror Porn : La fesse cachée du cinéma d’exploitation), d’autre part, qui apportent chacun leur analyse éclairée du film. L’occasion de mettre en évidence les multiples références, volontaires ou involontaires, que contient Cruelle est la nuit ou encore sa portée symbolique.
Enfin, le tout est accompagné d’un petit livret de 20 pages présenté comme un manifeste dans lequel l’éminent journaliste Pascal Françaix (La Septième Obsession, entre autres, et l’auteur de Torture Porn : L’horreur postmoderne, Teen Horror : De Scream à It Follows et Camp ! vol. 1 : Horreur et Exploitation) décortique à son tour le film d’Alan Deprez. Notez que le texte de ce livret, rédigé en français, est aussi disponible en anglais. Les anglophones n’ont décidément pas été oubliés puisque des sous-titres anglais sont également disponibles pour les bonus du DVD. Quant au film en lui-même, il peut être visionné avec des sous-titres optionnels anglais, néerlandais, français (sourds et malentendants), allemands, espagnols et italiens.
Rencontré à Bruxelles à l’occasion du BIFFF 2017, Alan Deprez a décortiqué avec nous la conception de son film et les enjeux de celui-ci. Mais ce fut également l’occasion de simplement parler cinéma et d’entendre son avis sur la situation. Entre coups de gueule, coups de cœur et débat sur le genre, voici l’entretien pour le moins conséquent que nous avons eu avec lui.
Crédit photo : Charles Six
Cruelle est la nuit est un court métrage qui renferme de nombreux concepts : une espèce de révolte politique qui part ensuite dans tous les sens (sado-masochisme, violence graphique…). Peux-tu nous expliquer ton idée de départ ? C’est assez compliqué en fait. Je ne voulais surtout pas faire une œuvre hyper référentielle ou trop consciente de ses références, parce que c’est quelque chose qui m’insupporte de plus en plus. Je ne supporte plus tous ces « jeunes » réalisateurs d’une première œuvre ou de premières œuvres qui, constamment, font des clins d’œil à des œuvres ayant marqué leur cinéphilie et qui se complaisent, d’une certaine façon, dans cet art de la référence. J’en ai un peu marre du recyclage. Curieusement, je ne sais plus d’où m’est réellement venue cette idée de personnages étrangers à un milieu et qui débarquent dans une partie fine. La post-production a aussi été interminable car au départ, le film devait être prêt pour 2016. Mais comme à chaque fois, je veux faire simple et, finalement, je fais plus compliqué ! Je m’étais dit qu’on allait faire un huis clos pour ne pas être tributaire des extérieurs. La première vision que j’ai eue était ces mecs qui partent en mission dans le but d’assassiner une personnalité influente et sont un peu pris au dépourvu puisqu’ils débarquent en pleine partouze. Ensuite, la nature très noire et nihiliste du film existe car, en cours d’écriture, j’ai perdu deux personnes qui comptaient énormément pour moi, à savoir ma grand-mère et mon cousin ; ce qui m’a fait traverser une période assez douloureuse. D’ailleurs, Cruelle est la nuit leur est dédié. Il y a donc une dimension très personnelle dans le projet et l’humour qu’on peut retrouver dans le film n’est arrivé que plus tard. Il y a un peu de moi dans chaque personnage car, même si je me considère comme apolitique, j’ai mes idées et c’est clair que parfois, je pense qu’il est préférable de tout « brûler » pour repartir sur des bases saines. C’est ce que le personnage de Kel fait dans le film, même s’il s’inscrit dans une démarche tout autre.
Tu parles d’une post-production qui a été tirée en longueur. Dans quelle mesure cela a-t-il joué sur le retard du projet ?
Il y a plusieurs choses qui sont entrées en ligne de compte. Il faut savoir qu’au départ, le court métrage devait être réalisé pour le « CollectIFFF 2 » (NdA : le CollectIFFF est un groupe de réalisateurs de courts métrages dont les œuvres sont soutenues par le BIFFF et diffusées lors d’une édition précise du festival – le premier CollectIFFF a eu lieu en 2012). On a tourné trop tard par rapport à la diffusion prévue pour le BIFFF 2016 et on ne s’en est rendu compte qu’en cours de tournage. Par ailleurs, le monteur ne pouvait pas débloquer tout son temps pour travailler sur le film et en assimiler toute la matière dans un délai si court. La post-production a duré presque dix mois. On a donc monté une bande-annonce, diffusée dans deux festivals mais pas au BIFFF. La projeter au BIFFF aurait pu s’avérer étrange par rapport aux autres films du CollectIFFF, dûment finalisés. C’est vrai qu’on a pris le temps de bien faire les choses, en se disant qu’on avait entre les mains un film très atypique et singulier, à plus forte raison au sein du paysage cinématographique franco-belge et dans le domaine du court métrage. Pour nous, c’était une grande délivrance lorsqu’on a assisté à la première privée du film le 1er novembre 2016 au Cinéma Galeries, à Bruxelles.
Parle-nous un peu de la direction photo. Parce que ton court métrage comporte, comme on le disait, une dimension nihiliste complètement assumée, mais son esthétique est très léchée. C’est sombre mais soigné. Quels étaient tes choix artistiques à ce niveau-là ?
Tout d’abord, cela fait un certain temps que je travaille avec le même chef op, Nicolaos Zafiriou. C’est une vraie collaboration artistique et je ne serais rien sans lui. Si je fais le compte, je crois qu’on a dû bosser sur une trentaine de projets ensemble, même si beaucoup d’entre eux n’ont pas abouti. Il a éclairé mes trois courts métrages, ainsi que trois ou quatre clips, plus d’autres choses. Il faut savoir que je suis quelqu’un qui accorde beaucoup d’importance à l’esthétisme, même parfois un peu plus qu’au scénario ou au récit en lui-même. Certes, le scénario est fondamental, mais en tant que spectateur, je peux être séduit par un film qui aurait des carences scénaristiques, mais qui, visuellement, serait sublime. Par exemple, si on s’attarde sur Suspiria de Dario Argento, ce n’est pas un modèle de construction scénaristique : ce qui fait qu’on reste accroché est en grande partie dû à la direction photo de Luciano Tovoli. Je fonctionne comme ça et c’est ainsi qu’on a fonctionné sur Cruelle est la nuit. « Zaf » (Nicolaos Zafiriou) et moi avons défini une esthétique. Nous voulions une caméra qui avait une bonne sensibilité pour le grain de la peau. Pour parler un peu technique, nous avions opté pour une caméra assez rare : l’Ikonoskop, une caméra suédoise dont la licence a été rachetée par une boîte belge, qui, par la suite, a directement fait faillite. On a vite compris pourquoi (rires), puisqu’elle était très « prototype » et nous a créé les pires emmerdes sur le tournage. Elle surchauffait tout le temps et causait parfois pas mal de problèmes au niveau de l’enregistrement des rushes (on s’est retrouvés avec des rushes inutilisables, altérés par de fines trames rappelant l’image d’une VHS usée). Mais on l’avait choisie parce que c’était une des caméras qui imitait le mieux le grain du 16 mm. On avait aussi deux autres caméras : une pour les plans un peu plus « clippés » et tournés de nuit, l’autre destinée à servir de deuxième caméra (NdA : respectivement une Sony Alpha 7S et une Pocket Black Magic, qui « matche » plutôt bien avec l’image de l’Ikonoskop). Il est vrai que pour nous, l’esthétique était super importante.
Tu mentionnais ton choix de caméra qui rendait bien le grain de la peau et tu nous parlais de Suspiria… On aurait envie de faire un parallèle avec David Lynch (NdA :Alan nous avait déjà expliqué auparavant être un grand fan de ce réalisateur). Est-ce un réalisateur qui t’influence dans tes créations ?
Peut-être bien. En tout cas il a eu un aspect fondateur pour moi parce qu’à la base, je suis un simple fan, mais c’est en découvrant Blue Velvet que j’ai voulu devenir réalisateur. Pour moi, il y a vraiment eu un avant et un après Blue Velvet. Par contre, je suis moins fan de ce qu’il a fait « récemment », comme ses travaux vidéo ou encore Inland Empire(son dernier long-métrage, datant de 2006), qui m’a un peu horripilé. David Lynch est un réalisateur purement « sensoriel », qui sait faire fi de toutes les conventions scénaristiques encore de mises dans le métier, afin d’emmener le spectateur vers l’émotion pure.
Et le giallo ? C’est un style qui t’a aussi marqué dans ton parcours cinématographique ?
J’aime beaucoup les gialli, même si je trouve qu’en ce moment, certains éditeurs en sortent un peu trop. Il y a donc une certaine overdose de gialli et c’est un peu dommage car, par exemple, pour parler d’œuvres bis, il n’y a pas que le cinéma bis italien, mais des « films d’exploitation » partout dans le monde. Il y a certains films bis grecs ou encore indonésiens qui ne sont pas exploités chez nous et heureusement qu’il y a des éditeurs comme Mondo Macabro aux États-Unis pour s’occuper de ça. Mais pour en revenir aux gialli, c’est clair que j’aime beaucoup la sensualité qui s’en dégage. Leur côté sensuel et charnel aussi, puisque c’est quelque chose qui me touche. Il y a pas mal de gialli que j’aime beaucoup comme Mais qu’avez-vous fait à Solange ?, qui est génial, ou encore certains films de Sergio Martino avec Edwige Fenech, qui est une actrice magnifique dont je tombe amoureux à chaque film (rires). Toutes les Couleurs du Vice n’est pas forcément cité par tout le monde mais il est génial, tout comme Le Venin de la Peur de Lucio Fulci, qui se situe presque par moments entre le giallo et le film psychédélique. Mais il y en a tellement… J’aime aussi beaucoup les gialli prenant racine à Venise, comme Terreur sur la Lagune. Ils ont vraiment capté cette atmosphère de décrépitude propre à Venise, décelable par ailleurs dans La Clé de Tinto Brass, un cinéaste que j’adore. De ce réalisateur, j’apprécie beaucoup Caligula, même si le film a été truffé de plans hards retournés par le grand patron de Penthouse à l’époque, Bob Guccione. Il est évident que je suis sensible à la « recherche de sensualité » qui caractérise ce genre de films. Je pense que c’est le genre de bandes qui nécessite de savoir se déconnecter et de ne pas intellectualiser ce qu’on voit pour l’apprécier pleinement. La symbolique est très forte aussi et ça, c’est quelque chose qui me parle. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans mes films.
Justement, le spectateur peut pointer différentes symboliques dans Cruelle est la nuit. Comme au niveau esthétique, tu as des influences qui se ressentent clairement. Si cette esthétique va de pair avec la symbolique, peux-tu nous expliquer celle-ci par rapport à ton court métrage ?
Ce qui serait intéressant serait que toi, tu me dises ce que tu y as décelé.
La première chose qui m’a frappé dans ton film au niveau symbolique, c’est le nihilisme. Il est très présent. Ensuite, il y a des phrases qui sont énoncées par tes personnages comme, par exemple, celle qu’on pouvait déjà entendre dans le trailer de Cruelle est la nuit qui est « Au final, l’issue sera la même pour tout le monde. » Elle montre bien la vanité de la révolte. On se révolte, OK, mais finalement, comme le fait comprendre ton personnage principal, c’est un peu comme pisser dans un violon…
C’est marrant, car j’en parlais il n’y a pas si longtemps que ça avec Pascal Françaix, journaliste et essayiste, qui, l’an dernier, a écrit un brillant ouvrage sur le torture porn (Torture porn : L’horreur postmoderne). Nous étions invités dans la même émission de radio. Il m’a soufflé que, pour lui, Cruelle est la nuit est un film postmoderne qui a su digérer pas mal d’éléments d’œuvres antérieures et dans lequel, surtout, on ne prenait parti pour aucun camp. Il y a une sorte de « pourriture généralisée ». Dans le camp des assaillants, il y a un discours très marqué, mais leur idéologie n’est pas plus défendable que les petits intérêts de l’homme politique à qui ils en veulent, qui est complètement véreux et organise des parties fines chez lui. À côté de ça, la dimension nihiliste, comme on l’a dit plus tôt, me touchait beaucoup. Je pense qu’on est dans une époque un peu artificielle, un peu « fake » et surconnectée, où les gens ont perdu le contact avec les choses et se sentent obligés de donner un avis sur tout – d’avoir tout vu, tout lu, tout entendu, alors que c’est impossible. Je crois qu’il faut savoir se « reconnecter » aux choses. Nous sommes allés trop loin… Nous nous trouvons dans une époque complètement désenchantée, que l’on traverse avec la peur au ventre, provoquée notamment par les divers actes terroristes qui ont émaillé ces dernières années. J’espère que les gens qui verront notre film pourront y déceler cela, parce que c’est clairement sur cette base qu’il a été conçu : cette peur et cette façon d’insuffler la terreur dans l’inconscient des gens. Maintenant, des personnes redoutent de sortir de chez elles, d’aller à des concerts, de prendre les transports en commun…. Le film renvoie un peu en creux cette image-là.
Sans tomber dans la métaphysique, est-ce que tu voulais faire émerger une espèce de réflexion sur l’existence à travers Cruelle est la nuit et peut-être faire réfléchir les gens sur le fait qu’il existe des valeurs auxquelles on peut encore se raccrocher ?
Il y a pas mal de choses qui sont dénoncées dans le film. Si on s’attarde sur Kel (incarné avec intensité par Kevin Dudjasienski), il s’agit d’un personnage qui est complètement déconnecté de la réalité et qui a perdu le contact avec son prochain. Pour lui, les personnes qui l’accompagnent ne sont même pas des frères d’armes, mais simplement de la chair à canon. Ça vient renforcer cet angle nihiliste car quand on regarde l’itinéraire de Kel, c’est une sorte d’itinéraire vers un suicide… C’est quelqu’un qui veut mourir mais ne veut pas « mourir de sa propre mort ». Il se construit donc une espèce de quête presque mystique avec pour apothéose l’assassinat d’un homme politique (Stavros, joué par Pascal Gruselle). C’est une manière de planter le couteau dans le dos de toute cette petite bourgeoisie, bien que ça n’ait plus beaucoup de sens… C’est aussi pour ça que dans le film, Stavros lui affirme que la lutte des classes est terminée. À l’heure actuelle, on est bien au-delà de ça. Cette guerre, on l’a perdue depuis longtemps. Nous vivons maintenant dans un monde où tout est contrôlé par tous ces grands conglomérats et les multinationales. À titre d’exemple, toute cette mode du véganisme part d’une bonne intention, mais même si on paie bien cher nos produits bio – ce que je fais souvent -, le sol est tout de même pollué et la plupart du temps, on ne sait même pas lorsqu’on ingère des OGM ou d’autres produits nocifs. Sinon, pour en revenir au film, il y a surtout un côté très désenchanté. Pour traiter d’un autre personnage, Sid (Bertrand Leplae), est simplement quant à lui dans une quête de virilité : c’est un faux dur et il surjoue ce côté « brut ». Sa batte de baseball est un peu l’extension de sa virilité. Et a contrario, le personnage d’Arnaud (Arnaud Bronsart) est un peu une façon de stigmatiser une partie de cette jeune génération qui ne partage plus les mêmes valeurs que nous. De vrais « branleurs » ! (rires) Ça m’insupporte, ces nouvelles générations qui n’ont plus le respect des aînés, ne prennent même plus la peine de prouver des choses par leur travail ou par leurs actes, et qui pensent que tout leur est acquis. Le personnage d’Arnaud représente quelqu’un dont la vie est un peu vide de sens et qui tente de lui en donner un en participant à cette mission, mais il y va un peu « comme s’il allait à Walibi » (NdA : Walibi est un parc d’attraction belge). C’est Arnaud qui m’avait soufflé ça durant une lecture du scénario. Il y va pour les sensations fortes mais toute la dimension politique insufflée par le personnage de Kel lui est complètement étrangère. Il y a des tas de choses dans Cruelle est la nuit. Ce n’est absolument pas humble de dire cela, alors que pour moi l’humilité est hyper importante, mais j’avais envie de donner un grand coup dans la fourmilière avec ce film car, comme je te le disais plus tôt, j’en ai vraiment marre de toute cette mouvance de courts métrages qui ont une approche condescendante vis-à-vis du genre, qui se complaisent dans les clins d’œil et uniquement dans ceux-ci. Ils balancent simplement toutes leurs références à l’écran et voilà…
C’est limite parodique pour toi ?
Oui, c’est parodique et j’en ai un peu ma claque. J’en ai vraiment marre de ce côté ricaneur où on adresse systématiquement des clins d’œil aux spectateurs. Par exemple, je n’ai rien contre les films de la Troma et j’en apprécie même certains, mais je suis passé à autre chose. Comme je te l’ai dit plus tôt, il y a des évènements intimes qui m’ont fait changer. Mes envies de cinéma ne sont plus les mêmes qu’avant. J’ai envie de tenter une greffe de différents genres dans mes courts et qu’il y ait des variations « tonales », comme passer d’une facette crue, charnelle ou sexualisée à un aspect plus drôle. Qu’il y ait vraiment un melting-pot de tout cela.
Crédit photo : Ketchup Book
Mais, en fait, ce que tu expliques là, ce sont différents côtés du cinéma dont tu es issu, quand on sait ce que tu fais. Quand on te lit dans la presse (CinémagFantastique, Mad Movies…), on perçoit ta culture cinéma en général, mais aussi et surtout celle qui concerne le cinéma de genre, le cinéma asiatique ou encore le cinéma porno. Tu avais envie de mélanger un peu tout cela avec Cruelle est la nuit ?
Oui, voilà. Et de nouveau, ça va paraître con ce que je vais dire, mais insérer des scènes de sexe non simulé dans un format de court métrage, je n’ai pas l’impression que ça ait déjà été fait ou du moins, pas de cette façon-là. Désolé, mais il fallait des couilles pour oser le faire… Je trouvais ça interpellant. Le fait aussi de réunir un casting hétéroclite, où on associe une ex-star du porno (la ravissante Sabrina Sweet) avec des acteurs « traditionnels » comme Damien Marchal ou Bertrand Leplae, qui se retrouvent au beau milieu de vrais libertins, donc d’actes sexuels non simulés. Ça m’intéressait beaucoup. J’aimais beaucoup également le fait d’y introduire un acteur comme Pierre Nisse, qui a énormément de génie dans sa folie. Pour l’équipe technique, c’était assez nouveau car si, pour ma part, j’avais déjà eu l’occasion de tourner des reportages sur des plateaux de John B. Root (réalisateur œuvrant dans le porno) pour Hot Vidéo TV, la grande majorité des techniciens de Cruelle est la nuit n’avaient jamais cadré, éclairé ou maquillé des acteurs impliqués dans des séquences « hard ». Ça leur a sans doute fait bizarre au début, mais très vite, leur professionnalisme a repris le dessus. Parfois, c’était même étrange pour moi parce que même si j’avais déjà filmé des reportages de ce genre, ce n’était jamais sur mes propres plateaux. Donc là, je devais choisir les positions des figurants (libertins), composer les couples… C’était particulier d’être à la lisière du hard. Cela dit, j’insiste sur le fait que ce n’est pas un porno et que ça reste un film de genre. Beaucoup de gens ne veulent pas le comprendre et disent que c’est du porno, souvent sans avoir visionné le film. Il faut dire que, depuis que j’ai été salarié chez Hot Vidéo (ça fait bientôt 4 ans que cette époque est révolue), il y a encore pas mal de personnes qui disent que je fais du porno ou que je suis dans le milieu. Mais c’est totalement faux, même si j’ai pu écrire des articles sur ce sujet. Cruelle est la nuit n’est pas pornographique. C’est un court métrage de genre avec du sexe non simulé comme il pourrait y en avoir dans les films de Gaspar Noé, par exemple.
Est-ce qu’avec Cruelle est la nuit, vous avez pu faire passer tout ce que vous vouliez, ton équipe et toi ? Avez-vous été totalement libres en termes de création ou y a-t-il encore eu des limites qu’on vous aurait imposées ?
Pas vraiment. Les limites qu’on a pu rencontrer sont les limites de chaque court métrage. C’est-à-dire des limites budgétaires, puisque le film n’a pas un budget faramineux et que les inscriptions en festival continuent de coûter très cher. Il y avait aussi des limites de temps parce que ce qu’on a tourné en cinq jours aurait normalement dû nous en prendre dix. On subissait un rythme infernal, surtout concernant les trois jours pendant lesquels on a tourné dans la villa. On tournait tous les jours de 9 heures du matin jusqu’à facilement 3 ou 4 heures du matin le jour suivant… Au bout d’un moment, l’équipe technique avait envie de me tuer. Il a fallu nous forcer – le cadreur (Benjamin Liberda), le chef op (Nicolaos Zafiriou) et moi – à descendre en régie pour nous alimenter, parce qu’on ne mangeait même plus. On courait après notre vision, plus précisément après la mienne, car toute l’équipe était derrière moi. De toute évidence, il y a toujours un peu de frustration, mais il s’agit certainement, de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, du résultat le plus fidèle par rapport à ce que j’avais couché sur papier. Cela étant, on a quand même dû laisser tomber une quarantaine ou une cinquantaine de plans ; ce qui nous a parfois compliqué la vie au montage. Ça ne me déplait pas du tout mais arrivés à un certain stade, pour certaines scènes, nous avons quasiment été forcés de partir sur quelque chose d’encore plus conceptuel ou de plus minimaliste.
Pour clôturer l’entretien, tu peux nous dire un peu quelles sont globalement les réactions et les échos que tu as déjà pu avoir par rapport à Cruelle est la nuit, puisqu’il a déjà été projeté à différents endroits et festivals ?
Globalement, les échos sont positifs ou même parfois très bons.
S’il y avait une critique négative que tu devais retenir, ce serait laquelle ?
C’est assez difficile à dire. Je suis prêt à prendre en compte n’importe quelle remarque à partir du moment où elle est constructive. Je peux comprendre que certaines personnes aient un problème avec notre film, avec ses plans explicites ou d’autres éléments subversifs. Tu vois, par exemple, une personne m’a reproché que pour elle, Cruelle est la nuit était « gratuit ». Alors qu’au final, tu te rends compte que cette personne n’avait pas du tout fait gaffe aux dialogues ou surtout, aux voix off en début de film. Sans cela, il n’a plus de sens… Ce n’est pas un film mainstream ni un grand film fédérateur, mais il n’a pas été pensé pour être tiède : soit tu y adhères complètement, soit tu le rejettes en bloc. Tant qu’il ne laisse pas les gens de marbre !
ADORATION, ce soir en TV et sur Auvio : interviews de l’équipe du film et retour sur la trilogie ardennaise de Fabrice Du Welzhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/12/adoration.jpg1020681Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Le dernier film sorti en salles de l’enfant terrible du cinéma belge Fabrice Du Welz est diffusé ce soir à 21h50 sur La Trois et est également disponible sur RTBF Auvio pendant un mois. Le réalisateur de cinéma de genre ô combien cinéphile, clôture avec Adoration sa trilogie ardennaise. Un triptyque initié par Calvaire voici plus de quinze ans, suivi de Alléluia en 2014. C’est l’occasion pour nous de revenir sur cette œuvre.
Et, enfin, une présentation deCalvaire, sous forme de critique cette fois.
Aux côtés des jeunes acteurs Fantine Harduin et Thomas Gioria, on retrouve notamment Benoît Poelvoorde (bientôt à l’affiche de Inexorable, le prochain film de Fabrice Du Welz), Peter Van den Begin, Laurent Lucas, Jean-Luc Couchard, Renaud Rutten, et Pierre Nisse. Quant à la très belle bande originale du film, elle est signée Vincent Cahay.
Notez que l’affiche de Adoration est l’œuvre du talentueux artiste belge Laurent Durieux, qui expose au MIMA jusqu’au 9 janvier prochain dans le cadre d’un double bill. Ce dernier comprend, outre « Drama, the art of Laurent Durieux », l’expo « The ABC of Porn Cinema », consacrée quant à elle au cinéma ABC, dernier cinéma porno de Bruxelles.
LES OLYMPIADES nous en fait voir de toutes les couleurs… en noir et blanc !https://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/11/les-olympiades.jpg1382922Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Jacques Audiard Avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant, Jehnny Beth
Comédie dramatique 1h46
★★★
Si on ne présente plus Jacques Audiard, rappelons simplement que c’est en 1993 qu’il a réalisé son premier long métrage : Regarde les hommes tomber. Et qu’il a reçu différentes statuettes aux César et récolté plusieurs Prix au Festival de Cannes : César du Meilleur scénario avec Un héros très discret en 1996, Grand Prix du Jury à Cannes avec Un prophète en 2009 et enfin, le Graal : la Palme d’Or pour Dheepan en 2015. Présenté lui aussi à Cannes en compétition, lors de la dernière édition du Festival, son dernier film, Les Olympiades, sort en salles ce 3 novembre.
Quatre trentenaires vivent dans le quartier parisien très cosmopolite des Olympiades, dans le treizième arrondissement. Emilie rencontre Camille, jeune professeur de lettres. Ce dernier est attiré par Nora qui, elle-même, a récemment rencontré Amber Sweet sur internet. Ce quatuor amoureux pourra-t-il trouver un équilibre ? Les quatre protagonistes majeurs du film sont très différents. Emilie est franco-chinoise. Camille, lui, est noir, issu d’une famille d’intellectuels et rechigne à s’engager dans une vraie vie de couple. Nora est quant à elle une provinciale qui a tout pour elle mais est persuadée du contraire. Enfin, de son côté, Amber Sweet est franche, libre et sait ce qu’elle veut. Mais tous quatre ont au moins un point commun : ils sont toutes et tous trentenaires dans le monde d’aujourd’hui, un monde ultra-connecté, un monde dans lequel personne ne sait plus dire « je t’aime ».
Des quatre comédiens et comédiennes interprétant les rôles principaux dans Les Olympiades, la plus connue est, à n’en pas douter, Noémie Merlant, qui interprète Nora. Cette jeune comédienne de 32 ans prend une place de plus en plus importante dans le cinéma français. Elle joue à merveille dans Les Olympiades. Lucie Zhang, l’interprète d’Emilie, est une belle découverte à l’écran. Jehnny Beth, qui campe Amber Sweet, n’est pas une inconnue des amateurs de de musique rock de la scène anglo-saxonne. Quant à Makita Samba, l’interprète de Camille, il avait déjà joué un premier rôle dans Angelo, un film sorti directement en e-cinéma début 2019. Si les acteurs de Jacques Audiard sont si justes dans son dernier film, c’est grandement dû à une décision capitale prise en amont du tournage : l’organisation, trois jours avant le début de celui-ci, d’un filage sans interruption de l’intégralité de la continuité dialoguée sur la scène d’un théâtre parisien. Nul doute que cela a permis aux acteurs de jouer avec une grande confiance en eux une fois le début du tournage venu.
Ajoutons enfin que la photographie du film est de très grande qualité, avec le choix de filmer en noir et blanc un quartier des Olympiades qui possède une esthétique particulière et inégalée dans la capitale française. C’est la première fois que Jacques Audiard travaillait avec le directeur de la photographie Paul Guilhaume. Une des deux coscénaristes d’Audiard avec Céline Sciamma, Léa Mysius est sans doute pour quelque chose dans ce choix : Paul Guilhaume était son directeur photo dans Ava, son premier long métrage en tant que réalisatrice. Une fonction qu’il exerce aussi dans Les Cinq Diables, qui sortira bientôt.
Dans Les Olympiades, Jacques Audiard montre, à sa manière, la modification des rapports interpersonnels depuis l’émergence des nouveaux moyens de communication. Avec succès.
LES INTRANQUILLES : interview du réalisateur Joachim Lafossehttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/10/Les-Intranquilles-1.jpg18671024Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Présenté en Compétition officielle lors de la dernière édition du Festival de Cannes, Les Intranquilles aborde un sujet peu traité au cinéma : la bipolarité. Mais comme le dit très justement son réalisateur, le Belge Joachim Lafosse, qui signe ici son – déjà – neuvième long métrage, le film raconte avant tout une histoire d’amour et montre jusqu’où on peut aller par amour.
Un film fort, servi par un trio d’acteurs principaux au sommet de leur art : le couple formé à l’écran par Damien Bonnard et Leïla Bekhti et celui qui joue ici leur fils : Gabriel Merz Chammah. Sans oublier le magnifique Patrick Descamps.
Les Intranquilles a ouvert vendredi dernier le 36e Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) avec trois salles combles. Après un excellent démarrage en France la semaine dernière, le film sort aujourd’hui dans les salles belges. À découvrir au plus vite !
NO TIME TO DIE : Dernier smoking en demi-teintehttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/09/No-Time-To-Die-02.jpg1080720Guillaume TripletGuillaume Triplethttps://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Cary Joji Fukunaga Avec Daniel Craig, Rami Malek, Léa Seydoux, Ben Whishaw, Christoph Waltz, Ralph Fiennes
Action, thriller, espionnage 2h43
★
Mourir peut attendre… le spectateur aussi ! Si ce genre de maxime a déjà pu être lue ou entendue, c’est qu’elle résume assez bien le destin de No Time To Die, 25e volet de la saga James Bond mais surtout cinquième et dernier chapitre avec celui qui a incarné 007 ces 15 dernières années : Daniel Craig. Le film sort dans nos salles ce jeudi 30 septembre.
Crise sanitaire oblige, No Time To Die aura eu des petits airs d’arlésienne puisque la sortie initialement prévue en avril 2020 se sera vue finalement reportée à plusieurs reprises pour au final débarquer un an et demi après avec des scènes qui auront été tournées à nouveau pour cause notamment de placements de produits. Mais en remontant le temps encore un peu, on constate que ce dernier chapitre aura eu, à plusieurs égards, d’entrée de jeu une réputation de film maudit avec le départ de son réalisateur initial Danny Boyle, remplacé par Cary Joji Fukunaga, une vilaine blessure à la cheville de son acteur principal sur le tournage ou encore un incident au studio Pinewood ayant touché l’un des techniciens. Tout cela mis ensemble faisait beaucoup pour une telle grosse production que la MGM avait même un temps envisagé de revendre à une plateforme de streaming, et donc d’éluder sa sortie en salle. Qu’à cela ne tienne, le dernier Bond incarné par Craig arrive sur grand écran. Reste à savoir si les attentes engendrées auront pu être comblées.
NTTD reprend les choses en quelque sorte là où Spectre les avait laissées et c’est après une première (très) longue séquence pré-générique, qui pourrait s’apparenter à un film dans le film, que le spectateur comprend que certains des personnages-clés des volets précédents ainsi que leur passé seront déterminants. Et si ces références ont été l’une des marques de fabrique de l’ère Daniel Craig, au contraire des volets précédents beaucoup plus indépendants narrativement les uns des autres, elles atteignent, ici, une sorte de paroxysme. On retrouve donc un Bond hors-circuit coulant des jours heureux avec Madeleine Swann. Mais il ne faudra pas attendre trop longtemps avant qu’un évènement fâcheux vienne gâcher cette tranquillité et mettre à mal l’idylle soi-disant anonyme. Cinq ans plus tard, Bond se remet en selle en aidant un ami américain qui lui demande de retrouver un scientifique ayant travaillé sur une arme bactériologique redoutable. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre que le plus célèbre agent secret au monde reprendra du service dans la foulée et que cela ne se fera pas sans peine.
Si le plaisir de se prendre en pleine face une bonne fournée de scènes d’action ainsi que de poursuites en tous genres est bien présent et que les idées qui ont servi de base au scénario semblent loin d’être mauvaises, force est de constater qu’une certaine perplexité peut nous gagner à la sortie de la projection. À trop vouloir montrer, le film ne se perdrait-il pas en chemin ? Certes, l’histoire regorge d’éléments charnières mais le traitement de ceux-ci nous semble parfois inégal au point de desservir d’un côté le rythme du métrage et de l’autre sa compréhension. De fait, si certains aspects sautent aux yeux bien avant qu’ils ne soient dévoilés, d’autres restent flous pour cause de passage en surface ou d’explications accélérées. Bien sûr, les failles de 007 continuent d’être exploitées, voire mises à nu, comme depuis Casino Royale en 2006, mais celles-ci touchent moins que dans Skyfall (2012). La faute à un jeu d’acteurs et des dialogues qui semblent manquer d’incarnation. Là aussi, on ne peut que le déplorer tant le potentiel de certaines séquences était énorme. Un bémol notamment pour Fukunaga, lui qui avait réalisé et marqué d’une empreinte si forte les épisodes de l’excellente première saison de la série True Detective (2014).
On reste donc sur notre faim et très mitigé par rapport au fait que Daniel Craig, qui a littéralement habité James Bond durant 15 ans (à la grande surprise de beaucoup dès le départ d’ailleurs), ait tiré sa révérence de cette manière.
UNE VIE DÉMENTE : Interviews de l’équipe du film et critiquehttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/09/Une-vie-demente.jpg1366905Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Interviews de l’équipe
C’est lors de la dernière édition du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) que nous avons rencontré l’équipe du film Une vie démente, la sortie belge francophone de cette semaine cinéma. Le film avait ouvert le Festival la veille de nos interviews. Trois entretiens figuraient à notre programme : avec les réalisateurs Ann Sirot et Raphaël Balboni d’abord, avec le couple à l’écran Lucie Debay – Jean Le Peltier ensuite, pour terminer avec le duo composé de Jo Deseure et Gilles Remiche.
Dans l’interview ci-dessous, Ann Sirot et Raphaël Balboni nous parlent de la première rencontre du film avec le public à Namur, de leurs comédiens et de la collaboration avec les membres de leur équipe technique, entre autres. Ils insistent aussi sur l’importance des répétions dans leur cinéma, sans oublier de parler de musique métal et de… Carglass !
Lucie Debay et Jean Le Peltier reviennent ensuite sur la façon dont leurs réalisateurs leur ont présenté l’histoire et leurs rôles, ainsi que sur la manière dont ils ont abordé ces derniers. Ils font également part de leur enthousiasme pour le dernier court-métrage de Ann Sirot et Raphaël Balboni : Des choses en commun.
Enfin, Jo Deseure et Gilles Remiche racontent d’abord comment l’aventure de Une vie démente a démarré pour eux. Jo Deseure aborde ensuite le thème de la démence sémantique, maladie dont souffre le personnage qu’elle interprète à l’écran. Finalement, les deux acteurs se livrent sur la manière dont ils ont préparé les différentes scènes du film.
Crédits interview Journaliste : Jean-Philippe Thiriart Image : Mazin Mhamad
Crédit photo Lola De Tournay
Critique du film
Une vie démente ★★★
Réalisé par Ann Sirot et Raphaël Balboni Avec Jo Deseure, Jean Le Peltier, Lucie Debay, Gilles Remiche
Comédie dramatique 1h27
Couple de trentenaires, Alex et Noémie (les convaincants Jean Le Peltier et Lucie Debay) souhaitent avoir un enfant. Mais leur programme va être chamboulé lorsque la mère d’Alex tombe progressivement dans une démence qui va l’amener à de grosses pertes de mémoire, à des pertes d’argent et à des cafouillages dans sa vie privée. S’en suivent tout un tas d’incertitudes, de questionnements par rapport au traitement de la maladie. Cette mère, c’est Suzanne. Elle est interprétée par Jo Deseure, qui offre une performance absolument… démente, justement ! Que va faire Alex ? Sa mère n’a plus que lui. La placer ? Non, mais bien lui trouver une sorte d’assistant personnel, un aide à domicile. Ce sera le sympathique Kevin (le touchant Gilles Remiche).
Une vie démente raconte une fort belle histoire, un drame où l’humour n’est pas en reste. On passe par toutes les émotions. Et par des moments tantôt durs, tantôt drôles, tantôt absurdes. Une belle performance donc pour un premier long après pas moins de sept courts, dont Avec Thelma, Magritte 2018 du Meilleur court-métrage de fiction, et Des choses en commun, film issu du premier volume de La Belge Collection. Quand le film démarre, un certain malaise est susceptible d’envahir le spectateur, qui ne sait pas s’il peut rire ou pas. Mais l’humour, qualifiable de belge car bien décalé, mais noir aussi parfois, est présent tout au long du film. Nous sommes en présence d’un film nécessaire car la maladie qu’est la démence sémantique se doit d’être abordée. Un thème rarement traité au cinéma, que les réalisateurs mettent en avant de manière tendre et touchante.
L’image revêt une place importante dans le film, de même que le travail sur le son. Leur film ayant été réalisé dans le cadre de l’aide aux productions légères du Centre du cinéma, Ann Sirot et Raphaël Balboni ont dû compter avec un budget très limité, par rapport à un long métrage belge classique, s’entend. En seulement 20 jours de tournage, ils ont réussi la gageure d’offrir quelque chose de beau, de très beau même. Cette contrainte budgétaire leur a notamment imposé des limites en matière de décors et c’est pour éviter la création d’une série d’endroits additionnels qu’ils ont préféré se focaliser sur quelque chose d’assez simple mais qui place directement le spectateur dans les lieux des rendez-vous auxquels prennent part les personnages de Alex, Noémie et Suzanne.
L’actrice Jo Deseure donne pour le moins de sa personne dans Une vie démente. Si le cinéma l’a découverte chez Jaco Van Dormael en 1990 dans Toto le héros, film dans lequel elle avait un petit rôle, c’est sur les planches qu’on a pu principalement la voir. Les relations qu’elle a tissées entre son personnage et ceux de son fils et de sa belle-fille à l’écran, mais aussi de l’aide-soignant qui vient à sa rescousse, sont très intéressantes. Plus généralement, c’est le quatuor d’acteurs principaux qui s’avère efficace, lui qui contribuer à imprimer au film un vrai sens du rythme.
Guillaume Triplet, Raphaël Pieters et Jean-Philippe Thiriart, sur la base notamment d’un passage dans l’émission Les quatre sans coups, animée par Charles De Clercq sur RCF Radio
CHINA DREAM : Interview des réalisateurs et critique du filmhttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/08/Hugo-Brilmaker-et-Thomas-Licata.jpg6671000Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
L’interview
C’est lors de la dernière édition du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) que nous avons rencontré Hugo Brilmaker et Thomas Licata, réalisateurs de China Dream. Ils y avaient remporté le Prix du Public Documentaire.
China Dream sort en salles ce mercredi 25 août, au Cinéma Palace à Bruxelles, et le 9 septembre au Quai10 à Charleroi. Le film sortira également bientôt à Liège, Namur et Mons, notamment.
Interview : Jean-Philippe Thiriart Image : Mazin Mhamad
Le film ★★★
China Dream : Se résigner, obéir et progresser
Réalisé par Hugo Brilmaker et Thomas Licata Image : Hugo Brilmaker Son : Thomas Licata
China Dream dresse un portrait de la métamorphose que subit la Chine depuis des décennies et ces dernières années en particulier. C’est de manière très sobre que certains des protagonistes sont présentés comme d’éventuelles victimes du « progrès ». Le spectateur découvre les nombreux contrastes qui existent entre les nouveaux chantiers et les vieilles maisons délabrées. Dans cette histoire, sont aussi présentés quelques « récalcitrants », qui refusent d’abandonner leur habitat ou, du moins, s’interrogent sur leur avenir, incertain, dans un environnement qui avance sans merci, sans les attendre.
La génération plus âgée n’a plus d’autre choix que de se résigner et d’accepter ce qui leur est imposé : perdre leur maison au détriment de l’inconnu tandis que les jeunes, eux, regardent le progrès avec l’espoir d’une future amélioration pour eux et pour leur pays, sans trop savoir quoi attendre exactement mais en sachant que cela devrait aller mieux, au vu des avancées déjà observées jusque-là.
China Dream nous présente des citoyens de plusieurs générations, qui ont appris à obéir sans vraiment avoir le droit de questionner, devant faire des sacrifices durant des années, bien souvent durant toute une vie, pour le « bien commun », pour la prospérité future. Le contrôle omniprésent et l’acceptation du mode de vie actuel ou la résignation face à celui-ci y sont bien reflétés.
Les couleurs vives sont nuancées par la pollution de l’environnement et les cadres imposants contrastent avec la présentation en avant-plan des protagonistes du film.
Mais une question fondamentale se pose : la modernité, oui, mais à quel prix ? Et avec quelles conséquences pour la génération plus âgée, la jeune génération et celles à venir ?
Gabo, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart
Photo d’illustration de l’article : Nicolas Simoens
Sortie Blu-ray : WONDER WOMAN 1984 en envoie… un peu trophttps://encinemascope.be/wp-content/uploads/2021/06/Wonder-Woman-1984.jpeg18002205Jean-Philippe ThiriartJean-Philippe Thiriarthttps://secure.gravatar.com/avatar/a20c3a64d03a2ac6494a2cd113aa13ec?s=96&d=mm&r=g
Réalisé par Patty Jenkins Avec Gal Gadot, Chris Pine, Kristen Wiig, Pedro Pascal, Connie Nielsen, Lilly Aspell
Action, fantastique 2h31
Une sortie Warner Home Video
Le film ★★
Wonder Woman 1984 – ou WW84, c’est selon – nous emmène d’abord sur l’île de Themyscira, où la jeune Diana Prince, alias Wonder Woman, vit avec ses sœurs Amazones. Cette entrée en matière de qualité aurait gagné à être davantage développée car c’est trop rapidement que nous plongeons en 1984 – rien à voir avec le roman de George Orwell -, où la super-héroïne DC Comics devra faire face à deux nouveaux ennemis.
Les scénaristes de cette suite du film de 2017 parviennent à développer de façon relativement convaincante trois des quatre personnages principaux : le duo Diana Prince – Steve Trevor (déjà présent dans le premier opus du reboot) et la maladroite Barbara Minerva (Kristen Wiig, très convaincante). C’est moins vrai pour l’homme d’affaires raté Max Lord (Pedro Pascal, qui en fait beaucoup trop). Également une des coproductrices du film, l’actrice israélienne Gal Gadot (Wonder Woman) propose un jeu de grande qualité. Si son personnage, précédemment interprété par Lynda Carter dans les années 1970, s’avère intéressant, c’est notamment parce qu’il propose plusieurs niveaux de lecture.
Tandis que le premier film de cette nouvelle saga permettait de connaitre les origines de Wonder Woman et de présenter son personnage, ici, nous découvrons ce qu’elle est devenue, le temps d’un nouveau voyage dans le temps. La reproduction de l’ambiance des eighties est une des grandes réussites du métrage et c’est avec bonheur que nous avons opéré, grâce au film, un retour vers le passé de plus de 35 ans. Si le film a quelques longueurs, hormis lors de la dernière partie du film, WW84 propose ce qu’il faut d’effets spéciaux.
Ah oui, nous allions oublier : Si nous vivons dans un monde de besoins inconsidérés qui ne sont en rien nécessaires, « Greatness is not what [so many – too many – people] think it is. » (« L’excellence, ce n’est pas ce que [tant – trop – de gens] pensent. »)
Le Combo 4K Ultra HD + Blu-ray 3D + Blu-ray ★★★
Les bonus du film sont divisés en trois parties.
« Scene Studies: The Mall et The Open Road », d’abord. Soit deux retours sur autant de scènes-clés du film.
« The Making of Wonder Woman 1984 », ensuite. « Expanding the Wonder » permet d’aller plus loin que le film avec les principaux acteurs qui ont participé à la réussite de WW84, parmi lesquels, naturellement, Patty Jenkins, réalisatrice, coscénariste et coproductrice du film. Figure entre autres, dans « Small But Mighty », l’audition de Lilly Aspell, qui joue avec talent Diana enfant. Nous y apprenons notamment qu’elle n’a pas été doublée une seule fois et découvrons sa complicité avec l’actrice danoise Connie Nielsen (Gladiator, L’Associé du diable). Dans « Meet the Amazons », nous rencontrons les actrices qui interprètent les Amazones participant aux Jeux du même nom que l’on découvre au début du film, huit jeunes femmes venues d’horizons très différents. « Gag Reel » propose le tout aussi classique qu’immanquable bêtisier du film. « Black Gold Infomercial » reprend la fausse pub pour la Black Gold Cooperative de l’homme d’affaires à la dérive Max Lord. On retrouve aussi dans cette partie du Blu-ray le sympathique « WONDER WOMAN 1984 Retro Remix ».
Enfin, parmi les bonus du Blu-ray dédié, on peut découvrir la partie « GAL & KRISTEN ». Deux éléments, ici : « Friends Forever » et « Gal & Krissy Having Fun », clip mettant en avant la complicité entre les actrices Gal Gadot et Kristen Wiig.
Rendez-vous en 2022 pour le troisième volet des aventures de la super-héroïne au lasso de vérité !
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