Yakari, la grande aventure
Réalisé par Xavier Giacometti et Toby Genkel
D’après la bande dessinée Yakari de Derib et Job parue aux éditions Le Lombard
Avec les voix de Aloïs Agaësse-Mahieu, Arielle Vaubien, Hannah Vaubien
Animation, aventure
1h20
★★★
Yakari est, à l’origine, une série de bande dessinée jeunesse suisse créée en 1969 par le scénariste André Jobin et le dessinateur Claude de Ribaupierre dans l’hebdomadaire romand Le Crapaud à Lunettes. C’est aujourd’hui sous la forme d’une adaptation cinématographique que nous retrouvons le jeune Indien sioux de la tribu Iakota. Yakari est à présent un film d’animation du réalisateur français Xavier Giacometti, déjà auteur de la série Yakari chez Ellipse Film.
Yakari vit entouré de sa tribu sioux dans une vallée paisible au centre de l’Amérique. La saison des tornades approche et les chefs de la tribu se réunissent pour décider du moment auquel la migration débutera afin de rejoindre une région plus à l’abri des dangers naturels. C’est à ce moment que Yakari décide de partir sur les traces d’un cheval sauvage de la race des mustangs, qui refuse toute tentative d’approche de la part d’un humain et que les indiens de sa tribu ont baptisé Petit-Tonnerre. Lors de son périple, il rencontrera son ami totem, Grand Aigle. Ce dernier lui lèguera un don unique : le pouvoir de parler à tous les animaux. Ce don d’une valeur inestimable lui permettra de nouer des liens amicaux très précieux avec plusieurs animaux habitant dans son beau pays. Mais Yakari n’est encore qu’un enfant et les tornades se rapprochent au fur et à mesure qu’il s’éloigne de sa tribu et arrive près des territoires des terribles chasseurs à peau de puma. Au fil du temps, ses parents seront de plus en plus inquiets de ne pas le voir rentrer.
Ce dessin animé tout public nous conte un parcours initiatique parsemé de belles rencontres. Les personnages sont plein de stéréotypes tous plus drôles les uns que les autres. Oreille Tombante, le chien de la Tribu et ami de Yakari est assez peureux mais est aussi très fidèle à son maître. Tilleul, un jeune castor paresseux, préfère faire la sieste qu’aider ses parents à la construction de barrages pourtant indispensables à la rivière et à sa famille. Il reflète assez bien ces jeunes au début de l’adolescence qui préfèrent dormir que d’écouter leurs parents qui leur suggèrent d’étudier pour assurer leur avenir. Quant à Petit-Tonnerre, il est plutôt du genre rebelle au grand cœur et sera d’une aide très précieuse au jeune Sioux.
Le dessin animé conscientisera également petits et grands à la nécessité de protéger la nature dans laquelle nous vivons tout en étant bien conscients de ses dangers. L’humour de ce dessin animé accessible à toutes et tous est également un de ses principaux atouts. Il convient aussi de souligner la qualité de l’esthétique générale des dessins représentant les paysages et le ciel du désert américain. On peut enfin remarquer la justesse avec laquelle les couleurs du ciel évoluent au fil de l’histoire et à mesure que le danger de la saison des tornades se rapproche.
Hormis la bande annonce du film, le DVD sorti chez Cinéart ne compte pas de bonus.
Ce dessin animé ravira petits et grands pour son esthétique, ses messages de respect de la nature et de partage des connaissances ou encore pour son humour simple mais efficace. Alors pourquoi ne pas en profiter pour s’évader en famille au beau milieu du grand ouest américain le temps d’un film ?
Raphaël Pieters
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Un Incendies qui a enflammé nos cœurs !
Incendies
Réalisé par Denis Villeneuve (2010)
Avec Lubna Azabal, Rémy Girard, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Abdelghafour Elaaziz
Drame
2h06
★★★★
Il y a presque dix ans jour pour jour que nous nous sommes entretenus avec Denis Villeneuve, le metteur en scène d’Incendies (distribué dans les salles belges par Cinéart). Une très belle rencontre pour évoquer avec le réalisateur de Prisoners, Sicario, Blade Runner 2049 et Dune (sur nos écrans en septembre prochain) notamment, un film qui nous a énormément touchés. Pour la force de son scénario ainsi que pour l’incroyable interprétation de l’actrice principale du film, la Belge Lubna Azabal, d’abord. Mais aussi pour la construction du film. Cette dernière s’avère en effet elle aussi très intéressante dans la mesure où Denis Villeneuve parvient à nous faire sans cesse voyager dans les différents temps de l’histoire de cette famille dont le spectateur découvrira les passé, présent et futur en même temps que les deux enfants du personnage central du film, Nawal Marwan (Lubna Azabal).
Multi-primé, Incendies avait remporté le Prix du Public lors de l’édition 2010 du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) et allait représenter, quelques mois plus tard, le Canada aux Oscars. Le film est diffusé depuis une semaine sur le service de streaming MUBI, qui y voit « La percée de Denis Villeneuve ».
MUBI se définit à la fois comme un programmateur, une compagnie de production, un distributeur et un passionné de cinéma. Des nouveaux réalisateurs aux cinéastes maintes fois récompensés. Ce service donne à voir des films « beaux, passionnants et incroyables, en provenance des quatre coins du monde ».
Rencontre
Comment définiriez-vous votre film ?
C’est un passage à l’âge adulte. C’est l’histoire de jumeaux qui, à la mort de leur mère, décident de remonter son histoire pour découvrir un père et un frère dont ils ignoraient l’existence.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter Incendies au cinéma, au départ l’œuvre du dramaturge libanais Wajdi Mouawad ?
J’ai eu un énorme coup de foudre pour la pièce. J’ai été époustouflé, ébahi par la beauté et la force, la puissance du texte. C’est un texte qui parle de l’intimité. Ce qui m’a bouleversé dans ce texte, c’est le discours que Wajdi portait sur la colère, comment la colère voyage de génération en génération dans une même famille, dans un même peuple. J’ai trouvé ça extrêmement pertinent et puissant comme thème. Ça a été instantané : on appelle donc ça un… coup de foudre !
Quel a été l’apport de Wajdi Mouawad, lors des différentes phases de la création du film ?
Wajdi m’a donné carte blanche. Quand je l’ai approché, il a été touché mais il n’était pas sûr que c’était une bonne idée d’adapter Incendies pour l’écran parce qu’il venait d’adapter Littoral, sa pièce précédente. Je crois qu’il avait trouvé le cinéma assez lourd. Il était lui-même en train d’écrire une nouvelle pièce – Forêts – qui le happait complètement. Il m’a donné les droits d’Incendies mais en me disant que j’allais le faire seul, que j’allais être obligé de remonter l’histoire, d’effectuer le même chemin que lui. Il est parti à Paris et puis il m’a laissé travailler sur Incendies. C’est un immense cadeau parce que je n’avais pas le poids de son regard derrière moi. Il m’a permis de faire des erreurs. Je dirais donc que sa participation à l’écriture du scénario s’est faite principalement au début du processus parce qu’il me donnait des pistes : certains photographes, certains textes, certains passages de la bible… C’était très excitant pour moi parce qu’il m’ouvrait l’atelier initial, l’atelier de genèse d’Incendies. C’est vrai qu’il m’a donné les clés de base : tout ce qu’il avait espéré au départ. C’est un cadeau énorme ! Il m’a vraiment donné son access, son intimité créatrice. Puis il m’a laissé avec cela et je me suis débrouillé. Je ne savais pas faire autrement de toute façon !
Sur quels points rejoignez-vous Wajdi Mouawad en matière de mise en scène et en quoi vous êtes-vous éloigné de la sienne ?
C’est une très bonne question ! Je dirais que Wajdi avait créé, dans sa mise en scène, des images d’une très grande force, une force très théâtrale, qui n’étaient pas adaptables au cinéma dans un cadre naturaliste. Cela n’aurait pas du tout fonctionné. C’était très important pour moi de respecter les thèmes et la structure dramatique, que je trouvais très belle, et que j’ai modifiée par rapport au temps et à l’espace pour modeler le scénario, le film. Je suis resté le plus proche possible de la quête du personnage de Nawal. La quête de Nawal était la référence de départ parce que c’était le personnage de base. Et la bible, je la traînais quotidiennement avec moi sur le plateau. Ça a été ma référence tout au long du processus de fabrication du film. La pièce et le film sont complètement différents. Je me suis complètement approprié la pièce. J’ai carrément bousillé la poésie de Wajdi, un texte absolument magnifique que j’ai volontairement massacré pour arriver à en extirper des images et puis à faire du cinéma ! Ce qui est lié, ce sont vraiment les personnages principaux et puis les thèmes de base. La pièce était beaucoup plus touffue. Elle contenait beaucoup plus de violence. Il y avait nombre d’événements supplémentaires. Le film est plus concis et peut-être plus simple que la pièce. J’ai parfois résumé quatre pages de texte en une image.
Êtes-vous d’accord avec moi si je vous dis que les mots « traumatisme » et « thérapie » sont, parmi d’autres bien sûr, deux mots-clés du film ?
Ça me fait extrêmement plaisir de vous entendre dire cela ! Je pense que c’est la première fois qu’un journaliste me parle de « thérapie ». C’est tout à fait le cas ! C’est un texte qui parle de guerre, du Moyen-Orient et de conflits qui me sont très éloignés. Mais il parle aussi de la famille. Et c’est par l’angle de la famille, par l’angle de l’intimité dans une famille, que j’ai pu aborder ce texte. Dès lors, j’ai accentué ce thème dans le film. Il y a un rapport à la thérapie. Pour moi, un des premiers pas, en thérapie, consiste à retourner aux origines de la colère. L’idée, c’est de se dégager de ces colères névrotiques qui viennent en soi entraver la véritable liberté, qui nous empêchent d’être de véritables adultes. Et je trouve que ces thèmes sont très présents dans le cinéma d’une manière ou d’une autre. Dans Incendies, ces thèmes étaient vraiment bien articulés. Et moi, ça m’a profondément touché. Je rajouterais que Wajdi m’avait dit que pour être capable d’adapter la pièce, il fallait que je fasse un travail d’introspection important pour être capable de transposer le théâtre au cinéma. Et ne fût-ce qu’entrer en relation avec le texte sous le bon angle, ça m’a pris des mois.
Quelles options principales avez-vous délibérément choisies à l’heure de scénariser et puis de réaliser Incendies ?
Il y a un point très important. La pièce se déroulait dans un Liban imaginaire. Tout le monde devinait que c’était le Liban parce que Wajdi est d’origine libanaise. Mais le Liban n’était jamais nommé. Tous les lieux sont des lieux inventés. Les événements sont une très grande transposition de la réalité. À un moment, j’ai été très tenté de « marier » l’histoire, l’histoire du Liban. J’ai eu très envie d’incarner le film dans Beyrouth. J’allais me casser la gueule pour plusieurs raisons et j’ai eu de l’aide, des conseils de mes amis libanais et de Wajdi. J’ai réopté pour l’imaginaire, pour des régions imaginaires. C’est la grande question qui s’est posée dans la scénarisation.
Pouvez-vous nous parler de la manière dont vous avez structuré votre récit, en y imbriquant une série de sous-récits ?
La structure de la pièce travaille sur deux présents : le présent des jeunes et le présent de la mère. Personnellement, je n’aime pas les flashbacks au cinéma. Mais ici, je trouvais que les choses étaient vraiment bien articulées. J’ai trouvé cette structure dramatique vraiment en accord. Elle est originale parce que si l’on observe bien les choses, on constate quelque chose de particulier à ce niveau-là dans la pièce, que j’ai essayé de restituer dans le film. On suit le parcours de la fille et puis on la quitte. On entre alors en relation avec la mère dans le même état émotif que dans celui dans lequel on a quitté la fille. On suit un parcours avec la mère, qui nous amène au prochain état de la fille. Il y a une espèce de dialogue, de réciprocité, d’échange dramatique et émotif entre les deux temps. J’ai essayé de conserver ça le plus possible. J’ai été obligé de modifier cette structure mais cette idée, cette manière de raconter l’histoire, était à l’origine dans la pièce.
Vous avez conquis un public assez large là où le film a été présenté. Estimez-vous que le sujet que vous traitez dans Incendies est universel et si oui, en quoi ?
C’est une bonne question. Je pense que les idées de Wajdi sont déjà très fortes à la base. Son théâtre voyage beaucoup. Je ne peux pas m’approprier cela. Il faut rendre à César ce qui appartient à César ! Le film fonctionne grâce à la beauté des idées de Wajdi Mouawad. Si le film est vendu partout dans le monde, c’est grâce à ses idées à lui. Ce sont elles qui font que le film a ce succès. Je pense que cela touche toutes les personnes, qu’elles soient de n’importe quel peuple. À l’intérieur-même d’une famille, le rapport entre le parent et l’enfant est toujours à la base de la construction d’un être humain. C’est tellement universel comme propos, le rapport entre l’enfant et son parent, la colère qui est engendrée chez l’enfant par le comportement de l’adulte, le silence, l’absence de l’adulte… C’est quelque chose qui voyage partout. Ce que je trouve assez admirable, c’est que Wajdi était capable d’en parler, que ce soit dans l’intimité, comme je le disais plus tout, mais aussi de l’illustrer, de travailler dans un espace beaucoup plus large qu’une région ou un pays en conflit, de parler de cette idée de colère, qui hante une société mais aussi un individu.
Quelques mots sur deux de vos acteurs à présent, si vous le voulez bien.
Pourriez-vous d’abord nous parler de la façon dont vous avez travaillé avec votre actrice principale, la Belge Lubna Azabal, et nous expliquer pourquoi vous l’avez choisie, elle, pour interpréter le rôle de Nawal Marwan ?
En réalité, j’ai fait du casting à Paris et c’est Constance Demontoy, la directrice de casting à Paris, qui m’a donné la clé. Je donne son nom parce que ces gens-là ne sont jamais nommés. C’est elle qui m’a dit qu’elle allait, certes, me faire rencontrer une série de comédiens. Mais elle m’a surtout très clairement fait comprendre que Nawal Marwan, c’était Lubna Azabal. Il était impératif, pour elle, que je rencontre Lubna. J’ai eu un entretien avec elle et j’ai été très impressionné par sa présence et par ce qu’elle dégageait. On a parlé de la pièce de théâtre de Wajdi et on a fait un bout d’essai. On dit souvent que « Casting is everything! » mais je pense que c’est vrai ! Quatre-vingt-quinze pourcent de la direction de comédiens, c’est le casting au départ. Et Lubna Azabal avait cette force intérieure, ce feu. Elle a quelque chose de gitan. En anglais, on dit une « drive ». Au-delà du fait que c’est une excellente comédienne, c’est quelqu’un qui est capable de faire passer beaucoup avec juste un regard. Pour moi, c’est très important. À l’écran, elle dégageait quelque chose de très fort. Il est important qu’on puisse croire que ce personnage-là traverse la guerre et est issu d’un village modeste à la campagne sur une frontière au Moyen-Orient. Quelqu’un qui subit une grande violence et est capable d’avoir un écho de résilience par rapport à cette violence-là. On sent qu’il y a derrière la comédienne une force, une capacité d’adaptation. Je sentais ça chez Lubna. Et j’estime que les gens qui ont vu la pièce et qui vont voir le film vont nécessairement avoir des déceptions parce que ce sont deux objets complètement différents. Ils vont avoir des deuils. Mais il y a un deuil qu’ils n’auront pas, et c’est ma grande fierté dans le film, c’est que Nawal Marwan, c’est Lubna Azabal. J’en suis intimement convaincu. C’est très touchant parce qu’à la première du film, à Montréal, la femme qui a créé Nawal Marwan au théâtre était là et elle a trouvé Lubna extraordinaire. Elle a trouvé que c’était vraiment l’incarnation de Nawal, qu’on ne s’était pas trompé du tout.
L’intuition joue un grand rôle à l’heure de choisir un comédien. Par la suite, pour le travail avec le comédien, j’aime beaucoup répéter. Mais ce qui est essentiel à mes yeux, c’est d’entrer en relation avec la personne, comprendre la tête qui est devant moi, comprendre quel genre de vocabulaire je dois utiliser pour aller rejoindre cette personne et pour créer une certaine complicité. Il faut que j’acquière la confiance de l’autre. Je dois être en lien avec cette personne pour être capable de la diriger. Tous les acteurs sont différents. On n’avait pas tout l’argent du monde pour faire le film et on a souvent manqué de temps. Plusieurs scènes ont été tournées à une vitesse incroyable puisqu’on faisait parfois une ou deux prises seulement. Et Lubna s’est montrée très engagée et très combative. Comme une parachutiste, elle ne pose pas de questions, elle saute dans le vide et puis elle atterrit. C’est une actrice très intuitive. Il faut que tout l’aspect cérébral soit fait pendant la préparation. Il ne faut ensuite plus poser de questions. Il faut agir. Il faut vivre.
Dans Incendies, vous dirigez également Rémy Girard…
Rémy, j’avais pensé à lui dès l’écriture du scénario, pour le rôle du notaire Lebel. C’était le seul que j’avais choisi en écrivant le scénario. J’avais deux noms en tête pour faire ce personnage : Rémy et Roman Polanski. Je trouvais que Roman Polanski avait, comme Rémy, les qualités pour jouer le notaire Lebel. Mais pour des raisons évidentes (Il rit.), il ne pouvait pas venir en Amérique. De toute façon, Rémy était parfait. J’étais très heureux qu’il accepte le rôle. C’est un comédien très connu chez nous.
Un véritable monstre sacré du cinéma québécois !
Oui, c’est ça ! C’est un habitué des grands rôles. Et puis il s’est complètement donné, dans une grande générosité, avec une énorme présence ! J’ai adoré travailler avec lui. On m’avait mis en garde en me disant qu’il pouvait être redoutable et puis il s’est avéré être un ange sur le plateau. C’était très touchant pour moi parce qu’il faut savoir que le notaire Lebel est un personnage qui m’est très cher pour toute une série de raisons. Une d’entre elles est que mon grand-père était notaire. Son frère était notaire. Mon père était notaire. Mes oncles sont notaires. Ma tante a marié un notaire. Bref, je suis entouré de notaires ! Mon frère est avocat… Je suis entouré d’un monde que je connais fort bien. Je me souviens que quelqu’un m’avait dit dans une salle l’autre jour que le personnage incarné par Rémy Girard était très… notaire ! Presqu’un peu trop, presque caricatural. Mais j’ai tout de suite répondu à cette personne que c’était tout le portrait de mon père. Que si mon père descendait dans un camp de réfugiés au Moyen-Orient, il aurait sa cravate ! (Il rit.) C’est vraiment un personnage qui m’est très cher.
N’hésitez pas à découvrir notre critique du dernier film de Denis Villeneuve sorti sur nos écrans – Blade Runner 2049 – et du Blu-ray 4K Ultra HD du film, sorti chez Sony Pictures, ainsi que notre retour sur le Blade Runner de Ridley Scott.
Pour découvrir Incendies sur MUBI, c’est par ici !
Jean-Philippe Thiriart
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Réalisé par Tetsuro Araki
D’après le manga d’Hajime Isayama
Action, drame, surnaturel
Déconseillé aux moins de 15 ans
Quatrième saison, après trois saisons de 59 épisodes de 25 minutes
★★★★
Demain, dimanche 6 décembre, à 18h34 précises sort la saison finale de L’Attaque des Titans (Shingeki no Kyojin pour la version originale japonaise). Voilà qui marque la fin de la très longue histoire d’Hajime Isayama. Cette saison 4 est assurée par le célèbre studio MAPPA, déjà connu pour son travail sur Dorohedoro, Gambling School et Terror in Resonance. Il s’agit à n’en point douter d’une des séries d’animation les plus attendues de 2020. Elle sera disponible sur Wakanim, plateforme de VoD diffusant des séries d’animation japonaise.
Petit résumé de l’histoire pour les novices…
Depuis cent ans, l’humanité est enfermée derrière un mur de 50 mètres de haut afin de se protéger des titans, géants anthropophages mesurant entre 3 et 15 mètres, qui ont pour seul objectif de dévorer des humains.
Nous faisons la connaissance d’Eren Jäger, jeune garçon dont le rêve est de rejoindre le bataillon d’exploration, un groupe de soldats sillonnant l’extérieur des murs pour en apprendre plus sur les titans et tenter de sauver l’humanité.
Un jour, après ces cent années de paix derrière le mur, un titan de 75 mètres apparaît et réussit à le détruire à l’aide d’un autre titan dont le corps semble dur comme l’acier. Les titans en profitent pour rentrer dans l’enceinte et à dévorer les habitants. Après avoir vu sa mère se faire anéantir sous yeux, Eren Jäger fait le serment d’exterminer un à un l’ensemble des titans.
L’Attaque des Titans est une œuvre violente, raison pour laquelle s’impose un disclaimer pour les plus jeunes. Mais le jeu en vaut la chandelle. L’animé est réputé pour être l’une des œuvres majeures du genre des années 2010, dans la foulée de Death Note lors la décennie précédente. Ils ont d’ailleurs été une ouverture à l’animation japonaise pour beaucoup de non-initiés. L’animation a été chapeautée par de grands noms de l’industrie. La bande-son, quant à elle, s’accorde parfaitement à l’œuvre. S’inspirant de chants militaires, elle donne à l’ensemble une puissance réaliste.
De plus, Hajime Isayama est connu pour son utilisation du fusil de Tchekhov. Soyez donc attentifs lors du visionnage de chaque épisode car de petits éléments anodins peuvent prendre beaucoup d’ampleur au fur et à mesure de l’histoire !
Rapide coup d’œil sur le studio MAPPA, qui reprend les rênes de l’animation pour cette saison finale. Sur les réseaux sociaux, les fans s’inquiétaient du changement de studio, surtout après le désastre qu’a été la saison de One Punch Man après sa reprise par J.C. Staff. Force est de constater qu’il n’en est rien. MAPPA a eu l’occasion de faire ses preuves récemment avec l’animé Jujutsu Kaisen, qui remporte un très grand succès pour le moins mérité. Voilà qui est de très bonne augure pour l’ultime saison de L’Attaque des Titans ! N’hésitez pas à découvrir, ci-dessous, la bande annonce officielle de cette saison finale. Attention, toutefois : risque d’être légèrement spoilé il y a.
Maxence Debroux, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Les trente-trois skippers qualifiés pour l’édition 2020-2021 du Vendée Globe sont partis depuis huit jours pour un tour du monde à la voile en solitaire et sans assistance.
Les objectifs des différents concurrents sont variables. Certains visent la victoire et pourquoi pas un record du monde établi, pour un bateau monocoque, à 74 jours 3 heures 35 minutes et 46 secondes par le Français Armel Le Cléac’h en décembre 2017 lors de l’édition précédente de l’épreuve. Le record du monde sur multicoque est, lui, fixé à 42 jours, 16 heures, 40 minutes et 35 secondes la même année et est l’œuvre de François Gabart.
Quel que soit le moyen utilisé pour l’accomplir, le tour du monde a depuis longtemps inspiré les plus grands écrivains et cinéastes. Lorsqu’on évoque un tour du monde et son imaginaire, on pense bien souvent à Jules Verne. En 1872, quand il écrivit les aventures de Phileas Fogg, flegmatique, richissime et énigmatique gentleman londonien accompagné de son jeune domestique français dans Le Tour du monde en quatre-vingt jours, l’écrivain français aurait-il alors pu imaginer que le tour du monde s’effectuerait près d’un siècle et demi plus tard en solitaire sur des bateaux à voile, le tout en moins d’un mois et demi ? Sans doute, mais il n’aurait peut-être pas osé l’écrire.
Le Tour du monde en quatre-vingt jours a inspiré plusieurs réalisations cinématographiques. La première date de 1956 et est signée Michael Todd. L’année suivant la sortie du film, il remporta la bagatelle de cinq Oscar et de deux Golden Globes. De quoi continuer d’inspirer toutes les générations futures. Plus de soixante ans plus tard, les voyages autour du monde fascinent et exaltent toujours autant l’imaginaire des petits et des grands. Le Vendée Globe a d’ailleurs récemment inspiré le réalisateur et directeur de la photographie français Christophe Offenstein pour son film En solitaire, sorti en 2013.
Depuis plusieurs années, différentes personnalités belges et françaises, dont des acteurs, se sont laissé convaincre par ce tour du monde en solitaire. Cependant, pour plusieurs skippers et pour leurs sponsors, solitaire rime plus que jamais avec solidaire pour cette neuvième édition.
Pour la cause, nous avons décidé d’épingler plus particulièrement une des aventurières. Il s’agit de la Britannique de naissance et Bretonne d’adoption Sam Davies, en course sur le voilier « Initiatives Cœur ». Si la première femme au classement général, à l’heure où nous écrivons ces lignes, a bel et bien un objectif de top dix au classement général, l’objectif qui la pousse par-dessus tout semble bien différent. Initiatives Cœur soutient en effet l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque, qui permet aux enfants souffrant de graves malformations cardiaques d’être opérés en France quand cela est impossible dans leur pays, faute de moyens techniques ou financiers.
Il serait légitime de dire : « On nous demande encore de faire un don pour une association alors qu’on coule sous les factures impayées en ces temps difficiles ». N’ayez crainte, un bon marin d’eau salée sait que l’argent est très souvent le nœud du problème. Et les nœuds, les skippers, ils connaissent ! Dans les faits, soutenir ce projet est gratuit. Un simple « J’aime » de la page Facebook d’Initiatives Cœur, le partage d’un contenu de celle-ci ou encore un abonnement au compte Instagram d’Initiatives Cœur poussera ainsi les sponsors de ce beau projet à débourser eux-mêmes un euro à chaque fois, argent que vous pourrez dépenser en pensant aussi à vous. Lors d’un prochain repas de famille ou d’un cinéma entre amis par exemple, quand nous aurons, espérons-le, touché et coulé ce fichu coronavirus ! Bien évidemment, faire un don reste possible. Dès lors, il n’y a pas d’embrouilles à soutenir ce projet. Nous en voulons pour preuve que les acteurs François… Damiens, Virginie Efira, Kev Adams et Dany Boon font partie des personnalités soutenant Initiatives Cœur.
C’est maintenant à vous de surfer sur la vague ou plus précisément sur la toile afin de soutenir un projet qui, plus il aura le vent et votre soutien en poupe, plus il permettra à des enfants de tous horizons de s’y amarrer pour continuer de rêver de tour du monde en solidaire !
Plus d’infos : initiatives-coeur.fr
Raphaël Pieters, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart
C’est à l’invitation de Charles Declercq que Guillaume Triplet, Raphaël Pieters et moi-même – tous trois chroniqueurs pour En Cinémascope – sommes revenus sur l’édition 2020 du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF). Cela dans l’émission cinéma que Charles présente sur RCF Radio : Les 4 sans coups. L’émission a été diffusée sept fois sur les antennes de RCF Bruxelles et Liège.
Soit une heure pour évoquer ensemble le 35e Festival de Namur et mettre le focus sur une série de films.
Plus longuement sur trois films, d’abord, que tant Guillaume, Raphaël et moi-même avons eu le plaisir de découvrir dans le cadre du FIFF :
– le film d’ouverture Une vie démente des Belges Ann Sirot et Raphaël Balboni, bientôt sur nos écrans,
– le film de clôture Un Triomphe du Français Emmanuel Courdol, lauréat du Prix Be tv, et
– Yummy du Belge Lars Damoiseaux, que le FIFF a projeté dans le cadre de la carte blanche accordée à un festival ami : le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF).
Et plus brièvement sur d’autres métrages, ensuite : le documentaire Petit samedi, Bayard d’Or du Meilleur film notamment, réalisé par la Belge Paloma Sermon-Daï, La Déesse des mouches à feu de la Québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette, et les quatre courts métrages de La Belge Collection : Mieux que les rois et la gloire de Guillaume Senez, Rien Lâcher de Laura Petrone et Guillaume Kerbusch, Des Choses en commun de Ann Sirot et Raphaël Balboni et Sprötch de Xavier Seron.
Bonne écoute !
Jean-Philippe Thiriart
Réalisé par Albert Dupontel
Avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Jackie Berroyer, Bouli Lanners
Tragi-comédie
1h27
★★★
Albert Dupontel est de retour, trois ans après avoir réalisé Au Revoir Là-haut, film qui avait empilé pas moins de cinq César en 2018 !
Le réalisateur français a entièrement écrit l’histoire d’Adieu les cons alors qu’il avait adapté l’histoire du Prix Goncourt de Pierre Lemaître pour réaliser son précédent opus. Et le moins qu’on puisse écrire est qu’Albert Dupontel a trouvé son style. Il a en effet choisi, une nouvelle fois, de mettre au centre de son récit des personnages en quête d’humanité dans un monde qui en manque cruellement.
Tout commence par une rencontre : celle de Suze et JB. Elle est coiffeuse et apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable ne lui laissant que quelques jours à vivre. Lui est fonctionnaire et mal dans sa peau. Il décide de mettre fin à ses jours quand son patron lui annonce qu’il va être remplacé par un employé non pas plus qualifié que lui, mais simplement plus jeune. Suze, de son côté, décide de retrouver son fils, qu’elle ne connait pas. Tombée enceinte alors qu’elle était encore adolescente, elle avait été forcée par ses parents d’accoucher sous X. Leur histoire respective bascule lorsque Suze décide d’accélérer ses recherches pour retrouver son fils et que JB s’apprête, au même moment, à commettre l’irréparable.
Albert Dupontel nous emmène dans un voyage mêlant absurde et poésie. Il plonge ses personnages, tous plus attachants les uns que les autres, dans un monde qui ne leur convient pas. Un monde où tout semble aller à l’encontre de la nécessité d’humanité de Suze et JB.
Les acteurs sont excellents, à commencer par Albert Dupontel lui-même, qui incarne JB. Son personnage aux multiples facettes, doté d’une compréhension du monde aussi pessimiste que réaliste et altruiste, est bluffant. On retrouve aussi à l’écran Virginie Efira, qui possède la justesse et l’empathie nécessaire au rôle d’une mère à la recherche de son fils inconnu. Ainsi que Nicolas Marié (99 francs, 9 mois ferme) dans le rôle d’un archiviste aveugle surprenant, aussi serviable que drôle par son côté Mr. Bean. Les références au burlesque des Monty Python sont de la partie, Terry Gilliam effectuant d’ailleurs une apparition clin d’œil, comme dans les précédentes réalisations de Dupontel.
Adieu les cons tombe à pic dans ce monde en plein bouleversement. Alors pourquoi ne pas vous offrir une escapade vitale dans la noirceur tragicomique d’une salle obscure ?
Raphaël Pieters
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Voici un peu moins d’un mois, nous avons eu le plaisir d’interviewer au Festival International du Film de Bruxelles (BRIFF) les six réalisateurs des courts métrages du premier volume de La Belge Collection : Guillaume Senez (Mieux que les rois et la gloire), Laura Petrone et Guillaume Kerbusch (Rien Lâcher), Ann Sirot et Raphaël Balboni (Des Choses en commun), et Xavier Seron (Sprötch).
Ces quatre courts métrages 100% belges seront projetés aujourd’hui, dimanche 4 octobre à 20h30 au Delta en clôture du week-end du court du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF).
Quatre films parrainés – ou plutôt marrainés – par la comédienne belge Émilie Dequenne, réalisés à Bruxelles, et qui font la part belle au jeu dans des univers singuliers, donnant à des acteurs émergents l’opportunité de se révéler.
Bonne écoute et excellente suite de Festival !
Jean-Philippe Thiriart
Crédit photo : Claire Zombas pour le BRIFF
Ce mercredi soir à 20h35 et demain, jeudi, à 22h30 sur Tipik, la nouvelle chaîne de la RTBF, vous pourrez découvrir Losers Revolution, comédie belge inédite en télé.
Lors des derniers Magritte du Cinéma, nous avons eu le plaisir d’interviewer Thomas Ancora, coréalisateur du film avec Grégory Beghin. Celui qui est aussi l’auteur du film et un de ses acteurs principaux nous a présenté le film et son casting cinq étoiles.
Ensuite, c’est lors de l’avant-première du film au cinéma UGC De Brouckère que nous avons interviewé l’équipe du film et une série de spectateurs avertis. À commencer par l’excellent Charlie Dupont, venu applaudir sa femme Tania Garbarski, premier rôle féminin de Losers Revolution. Suivi des acteurs Sean Dhondt, Kody, Clément Manuel, Baptiste Sornin, Tania Garbarski et Thomas Ancora bien sûr.
Nous avons poursuivi nos interviews de l’équipe du film : l’auteur, coréalisateur et acteur Thomas Ancora, l’actrice Tania Garbarski et le comédien Baptiste Sornin. Ainsi que celles d’une série de spectateurs avertis, dont la très chouette Bénédicte Philippon (ex-pouf du Grand Cactus, Ennemi Public).
Rafraichissant, Losers Revolution est un « buddy movie » à l’américaine… à la belge ! Cette comédie déjantée reprend tout ce qui fait le sel de ce type de film et procure au spectateur une bonne dose de plaisir. À l’affiche : Clément Manuel (Ennemi public), Thomas Ancora, Kody (Le Grand Cactus et MC de la dernière édition des Magritte du Cinéma), Baptiste Sornin (Le Jeune Ahmed) et Tania Garbarski (Bye Bye Germany).
Notez que Losers Revolution est produit par Kwassa Films, qui a notamment coproduit le long-métrage Binti de Frederike Migom. N’hésitez pas à découvrir notre interview de Baloji et de sa fille Bebel aux Magritte du Cinéma !
Bons visionnages !
Jean-Philippe Thiriart et Maxence Debroux
Crédits vidéo
Jean-Philippe Thiriart et Gerardo Marra
et
Maxence Debroux, Gauthier Flahaux et Thomas Bader
Crédit photo
Gauthier Flahaux
Notre cote : ★★★
CFC-Éditions publiait, pas plus tard qu’hier, Cinéma ABC. La nécropole du porno, un ouvrage de Jimmy Pantera. ABC pour « Art Beauté Confort », un cinéma situé de 1972 à 2013 aux numéros 147 et 149 du Boulevard Adolphe Max, qui promettait d’y voir des films « plus qu’inattendus ». Le Cinéma ABC fut le dernier cinéma porno bruxellois à projeter des films en 35 millimètres accompagnés de live shows de stripteaseuses, un des derniers au monde même.
Richement illustré de photos d’exploitation – pratiquement toutes suffisamment censurées que pour que les bienpensants puissent continuer à bien penser –, de cartons, d’affiches de films et de panneaux promotionnels, ce livre a le mérite d’exister ne fût-ce que parce que, comme l’explique le philosophe Laurent de Sutter, qui préface l’ouvrage, « il n’existe sans doute aucune différence entre une salle de cinéma pornographique, et une salle qui ne le serait pas ». D’où l’intérêt, aussi, de mettre en avant ce type de cinéma via la présentation d’un livre dédié à un lieu qui l’a accueilli pendant pas moins de 41 ans. Et d’ajouter qu’il faut aimer tous les types de cinéma, pornographique inclus car « leur disparition signalera sans doute que les êtres humains, alors, auront perdu une manière de désirer ».
Jimmy Pantera précise dans l’avant-propos de son livre que les stripteaseuses – celles de l’ABC donc notamment – « symbolisaient pour leurs dévots un simulacre platonicien, celui de l’allégorie de la caverne ». Un avant-propos dans lequel il détaille que l’ABC représentait pour d’aucuns « l’ultime cercle de l’enfer d’un genre cinématographique pulsionnel honni (…) abîme du septième art, mais aussi cimetière de la morale ». C’est dans ce cercle que nous sommes invités à pénétrer.
Pantera ne manque pas de souligner l’importance du cinéma Nova et de son équipe dans la naissance de son dernier bébé. C’est en effet ce lieu très spécial du septième art qui est le conservateur des archives de l’ABC. Il met d’ailleurs régulièrement à l’honneur le patrimoine de ce dernier, notamment via la projection de films qui y ont été diffusés. On y apprend ainsi avec intérêt que l’ABC offrait au spectateur un « luxe cinéphilique rare avec cent pour cent de films projetés en pellicule », soit davantage que le Musée du Cinéma de la Cinémathèque royale !
Plus loin, parole ou plutôt plume est donnée à JJ Marsh, historien du cinéma pornographique et fondateur de l’Erotic Film Society, qui partage avec le lecteur nombre d’anecdotes vécues lors de ses passages à l’ABC. Il explique ainsi y avoir retrouvé une habitude qu’il avait adoptée lors de ses visites dans les cinémas pour adultes de Londres durant les années 1980. Il s’asseyait « sur une revue chrétienne évangélique américaine ramassée dans le métro ». Point de cela à l’ABC mais, en lieu et place de la revue chrétienne, « un dépliant du magasin de téléphonie mobile voisin ». Il nous raconte qu’il vivait le court délai précédant la montée sur scène de la danseuse sur le point d’effectuer un striptease comme une plongée dans les limbes, allant jusqu’à se demander si le monde extérieur n’avait pas disparu, si lui et les autres spectateurs allaient « passer l’éternité à attendre une stripteaseuse qui n’arriverait peut-être jamais. » Soit « une variation classée X d’En attendant Godot », ajoute-t-il. Des stripteaseuses qui étaient parfois suivies « par deux ou trois spectateurs en quête de suppléments ou dévorés par un optimisme libidineux ». Il met lui aussi en avant le labeur du cinéma Nova et de ses bénévoles dans le travail de déménagement, de conservation et de restauration des copies de l’ABC, ainsi que l’importance du Festival Offscreen, « consacré au cinéma de genre » déviant » et organisé depuis 2008 dans différents lieux bruxellois, dont le cinéma Nova ». Savoureux aussi est son questionnement quant au décor des toilettes, de couleur rouge. Il y voit possiblement une association avec « chaleur, passion, sang ou encore enfer ».
Vient ensuite une section de près de 80 pages intitulée « Pornorama », dans le préambule de laquelle nous apprenons par exemple que si l’ABC possédait, parmi ses milliers de bobines, des longs métrages X cultes, on y découvrit aussi des œuvres très peu connues, proposant de nouvelles perspectives sur certains pans de l’histoire du cinéma, comme Seven Delicious Wishes, un porno de Lloyd Kaufman, futur créateur de la compagnie Troma et son célèbre Toxic Avenger. Et puis cela va des stags aux Nudies et Roughies américains, des grindhouses aux États-Unis toujours, et du mondo italien au Porno chic, en passant par les Glamour films en Angleterre.
Dans « Défense d’afficher », sont présentés des documents pouvant être répertoriés en cinq catégories : pavés de presse, dossiers de presses, affiches de cinéma, photos d’exploitation, et panneaux peints et cartons typographiques.
« Parade du charme » regroupe une quinzaine de récits de témoins de l’histoire de l’ABC, comme ceux de l’avocat Alain Berenboom, du cinéaste Roland Lethem, du docteur en histoire Nicolas Lahaye ou encore de stripteaseuses de l’ABC et de projectionnistes qui ont permis au cinéma d’exister pendant plus de quarante ans.
JJ Marsh voit dans la disparition du cinéma ABC « la fin d’une époque ». Cinéma ABC. La nécropole du porno vous permettra de prolonger, le temps de sa lecture, la magie d’une partie de l’histoire du cinéma bruxellois !
Expo à la Maison CFC et soirée au Nova
L’exposition Cinéma ABC. La nécropole du porno se tient aujourd’hui et demain, samedi 19 septembre, à la Maison CFC, rebaptisée pour l’occasion Maison ABC. On peut y découvrir une sélection d’affiches et de visuels promotionnels de films présentés à l’ABC.
Enfin, ce samedi, encore, une soirée ABC sera organisée au cinéma Nova avec, au menu : films, longs et courts métrages confondus, surprises et rencontre avec l’auteur. Plus d’infos sur nova-cinema.org !
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Jean-Philippe Thiriart
La programmation de Blade Runner 2049 sur La Une ce soir est l’occasion pour nous de revenir sur l’œuvre qui l’a précédé : Blade Runner, avant de vous proposer une critique du film de ce soir.
Retour vers le futuristique Blade Runner
Synopsis
Los Angeles, 2019. La colonisation de l’espace a débuté. La Tyrell Corporation produit des esclaves androïdes dont les capacités surpassent celles de leurs concepteurs. Nommés replicants, ces androïdes sont déclarés hors-la-loi après une mutinerie loin de notre planète. Rick Deckard (Harrison Ford), un blade runner, est recruté afin de les éliminer.

Blade Runner est l’adaptation du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick (1966). Œuvre culte, ce grand film d’anticipation – ou hard SF – fait partie de ces désormais classiques qui ont donné ses lettres de noblesse à la science-fiction sur grand écran. Dans la foulée de Star Wars et du Alien que Scott venait de signer. De ces œuvres d’art qui ont inspiré plusieurs générations de cinéastes. Par les beautés visuelle et sonore (la BO signée Vangelis) qu’il nous donne à contempler, les questions qu’il pose en ayant l’intelligence de ne pas y répondre, et les enjeux auxquels il nous confronte.

À l’issue du tournage de Blade Runner, Ridley Scott perd le contrôle artistique de son film, ce que d’aucuns pointeront comme la cause de son échec commercial à sa sortie en 1982. Il aura fallu pas moins de 25 ans et sept versions différentes de Blade Runner pour avoir enfin devant les yeux le director’s cut ultime de l’œuvre du cinéaste britannique. Signalons qu’il s’agit du premier film à bénéficier d’un director’s cut. C’était en 1992, soit dix ans après la sortie du métrage en salles. En 2007, allait néanmoins sortir un second director’s cut, réellement fidèle à la vision de Ridley Scott cette fois. La boucle était bouclée.

Regard sur Blade Runner 2049
Synopsis
Los Angeles, 2049. La société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. Lorsque l’officier K (Ryan Gosling), un blade runner, découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, qui a disparu depuis des décennies.

Une suite fidèle à l’œuvre originale
Le 7e Art se devait de donner une suite à Blade Runner.
Il aura fallu attendre 35 ans et un réalisateur de la trempe de Denis Villeneuve pour que la magie opère. Mission casse-gueule vu la qualité de l’original et les attentes générées mais mission accomplie, sur toute la ligne.
Le Canadien signe ici son dixième long métrage en vingt ans et le cinquième en cinq ans, depuis son arrivée à Hollywood avec le thriller poignant Prisoners en 2013. Nous l’avions découvert en 2010 avec Incendies, drame bouleversant porté par la Belge Lubna Azabal, pour lequel il nous avait accordé une agréable interview.
Le Canadien sait tout faire, navigant avec brio de la romance (Un 32 août sur Terre) à la science-fiction (Premier Contact et à présent Blade Runner 2049) en passant par le drame (Incendies donc, mais aussi Maelström), le thriller (Prisoners, certes, mais également Enemy) et le film policier (Sicario).

Pour la première fois, Denis Villeneuve a dû composer avec l’univers d’un autre grand faiseur d’images. Pour parvenir à extérioriser son propre univers intérieur. Son Blade Runner est très référencé et fidèle à l’œuvre originale d’un point de vue tant visuel (la photo est signée Roger Deakins, déjà actif sur Prisoners et Sicario), sonore, que musical (Hans Zimmer à la BO). Mais il porte aussi sa patte.

Cette superproduction est longue – 2h43 – mais elle est surtout captivante, de bout en bout. Et en prise avec la plus actuelle que jamais question de ce qui fait de nous ce que nous sommes, de ce qui nous différencie de ce que nous créons.
L’écriture du film fut collective et nous la devons notamment à Ridley Scott lui-même mais aussi à Hampton Fancher, le scénariste du premier Blade Runner, un gage de plus de la qualité de ce Blade Runner 2049.
Blade Runner ★★★★
Blade Runner 2049 ★★★
Nos cotes :
☆ Stérile
★ Optionnel
★★ Convaincant
★★★ Remarquable
★★★★ Impératif
Jean-Philippe Thiriart