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Jean-Philippe Thiriart

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : critiques du film et du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : critiques du film et du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs 1280 777 Jean-Philippe Thiriart

Aujourd’hui, sort dans nos salles Reflet dans un diamant mort, le nouveau film du duo Hélène Cattet-Bruno Forzani. Avant de vous en livrer une critique, nous vous proposons un retour sur leur métrage précédent : Laissez bronzer les cadavres.

Au menu : critique du film, du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs.

Et, en guise de petit plus, notre interview de Manu Dacosse, le directeur de la photographie du film, rencontré aux Magritte du Cinéma l’année où y était présent L’étrange couleur des larmes de ton corps, le deuxième long métrage de Hélène Cattet et Bruno Forzani, pour lequel il avait remporté le Magritte de la Meilleure image. Un prix qui lui a à nouveau été décerné, quatre en plus tard, pour son travail sur Laissez bronzer les cadavres.

Le film

Du Plomb en Or

Laissez bronzer les cadavres   ★★★★

Réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani
Scénario : Hélène Cattet et Bruno Forzani, d’après le roman Laissez bronzer les cadavres! de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid
Directeur de la photographie : Manu Dacosse
Avec Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Hervé Sogne, Bernie Bonvoisin, Pierre Nisse, Marc Barbé, Michelangelo Marchese

Thriller
1h30

Une bande de braqueurs dérobe 250 kilos d’or. Après le casse, les malfrats se voient contraints d’emmener deux femmes et un enfant, se rendant dans un village abandonné et reculé qui sert de planque à la bande. Mais l’arrivée de deux flics va bouleverser les plans de chacun et la retraite virera bientôt au carnage.

Avec ce troisième film, librement adapté du roman éponyme de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid, le duo de réalisateurs Cattet-Forzani enfonce le clou et s’impose comme garant d’un cinéma de genre nouveau qui ne manque pas de rendre hommage aux anciens, gialli italiens en tête de liste.
Après Amer (2010) et L’étrange couleur des larmes de ton corps (2014), l’identité cinématographique du couple est confirmée par ce nouveau long métrage réalisé de mains de maîtres.

L’esthétique, si chère à la réalisatrice et au réalisateur, est encore une fois au premier plan de Laissez bronzer les cadavres. Au même titre que leurs deux films précédents, une influence du cinéma italien des années 70 ne peut être niée. Nous voilà donc ici en présence d’un ovni à la croisée des chemins entre film noir, polar et western.

Esthétique rime avec beauté plastique mais pas seulement. Certes, Cattet et Forzani attachent en effet énormément d’importance au rendu visuel de leurs films, avec la photographie éblouissante de Manu Dacosse (NDLR : la photographie d’Amer et de L’étrange couleur des larmes de ton corps, c’était déjà lui. Il avait d’ailleurs obtenu le Magritte de la Meilleure image pour son travail sur L’étrange couleur des larmes de ton corps : voir notre interview ci-dessous.) Mais ils ne s’arrêtent pas là, la bande-son jouant également un rôle prédominant dans l’atmosphère du film. Que ce soit la bande originale ou simplement les bruitages de scène (aaah, ce son envoûtant du cuir !), l’ensemble participe à l’œuvre et chaque aspect contribue à ce que l’objet filmique soit un réel plaisir des sens.

Manu Dacosse, lauréat en 2019 du Magritte de la Meilleure image pour son travail sur Laissez bronzer les cadavres
Crédit photo : Madame fait son Cinéma – Stéphanie Lannoy

Et ces sens, parlons-en. Le cinéma du duo est un cinéma sensoriel, charnel. La caméra ne se veut pas uniquement le vecteur de présentation des scènes mais représente un réel relais entre celles-ci et le spectateur, au point que ce dernier peut ressentir la chaleur plombante du soleil, les odeurs, les textures. La manière de filmer, les différents points de vue adoptés ou encore les gros plans sur des parties de corps (marque de fabrique des réalisateurs depuis leurs débuts) y sont évidemment pour beaucoup dans cette envie de faire participer celui ou celle qui se laisse prendre au jeu et peuvent très facilement reléguer au second plan un jeu d’acteurs parfois bancal.

Signalons que c’est le monteur son et coordinateur des effets visuels Daniel Bruylandt qui a collaboré avec le duo Cattet-Forzani sur leurs quatre longs métrages. Il remportait d’ailleurs, aux côtés de Yves Bemelmans, Benoît Biral et Olivier Thys, le Magritte du Meilleur son pour Laissez bronzer les cadavres. Il a aussi travaillé sur le son en postproduction de The Belgian Wave de Jérôme Vandewattyne, réalisateur de Slutterball et de Spit’n’Split, notamment.

Laissez bronzer les cadavres est un métrage résultant d’une certaine expérimentation en matière de mise en scène. Si chaque détail, chaque mouvement de caméra, chaque coup de feu a son importance, certaines idées et transitions de plan participent également à l’ambiance générale. Une très jolie preuve que le cinéma peut encore inventer. Et surprendre !

Guillaume Triplet, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Le combo Blu-ray – DVD

★★★★

Bel objet pour le moins complet que ce combo Blu-ray – DVD de Laissez bronzer les cadavres, qui comprend le film en Blu-ray et en DVD, donc, ainsi qu’une série de bonus, et quels bonus ! Cinq interviews, la bande annonce et un teaser du film, le récit de tournage, écrit par le journaliste et critique de cinéma Christophe Lemaire sous forme de livret et, enfin, deux courts métrages du duo Cattet-Forzani : Santos Palace (2006) et O is for Orgasm (segment de The ABCs of Death, film à sketches d’horreur américano-néo-zélandais sorti en 2012).

Les interviews

Plutôt que de prendre eux-mêmes la parole, estimant peut-être qu’elle et il le font déjà entièrement à travers leurs films, Hélène Cattet et Bruno Forzani préfèrent ici la donner, pendant près d’une heure et demie, à quatre de leurs acteurs et actrices – Elina Löwensohn, Dominique Troye, Stéphane Ferrara et Bernie Bonvoisin -, et à Jean-Pierre Bastid, coauteur avec Jean-Patrick Manchette du roman éponyme de Laissez bronzer les cadavres, et Doug Headline, le fils de ce dernier, qui est aussi le producteur associé du film.

Elina Löwensohn établit un lien entre le cinéma de ses réalisateurs et les gialli, de Dario Argento notamment. Elle explique qu’avec eux, elle a le sentiment de faire du vrai cinéma et détaille leur processus créatif si spécifique. Elle qui « préfère faire des films où la personnalités des auteurs est présente », ne souhaite pas jouer dans « des films qu’on peut voir à la télé », et a un véritable amour pour la pellicule.

Ensuite, Dominique Troye, qui n’était plus retournée devant une caméra depuis 25 ans, jouant bien souvent des rôles pour le moins déshabillés, souligne entre autres à quel point ses réalisateurs sont complémentaires, après nous avoir parlé de sa rencontre avec eux et de la façon dont son rôle lui a été confié. Elle présente aussi, de manière fort intéressante, la conception d’un des dispositifs utilisés pendant le tournage, dont nous ne vous dirons rien de plus, de peur de divulgâcher une partie du récit, comme disent nos amis québécois.

Par après, Stéphane Ferrara, ancien champion de boxe « formé par Galabru », nous parle de sa rencontre avec Jean-Paul Belmondo, rencontre qui en a, elle-même, mené à une autre : celle de Jean-Luc Godard. Lui, pour qui la caméra doit aimer les acteurs, voit en Hélène Cattet et Bruno Forzani deux des membres de sa famille de cinéma, eux qui transgressent les règles du cinéma en faisant du grand cinéma à travers, ici, un film précurseur. Il nous parle alors, lui aussi, de son rapport à la pellicule.

Au tour du comédien rockeur Bernie Bonvoisin, par la suite, de nous parler de la manière de travailler de Hélène Cattet et Bruno Forzani, des « chabraques » dans l’univers desquels c’est « un privilège d’entrer ». Il explique combien il sentait sur le plateau, situé à 800 mètres d’altitude, « qu’il se passait quelque chose de différent », combien, quand on allait « se le prendre dans la gueule », ça allait être puissant. Il nous confie aussi qu’il a vu dans ce film des choses qu’il n’avait jamais vues auparavant.

Enfin, ce sont Jean-Pierre Bastid et Doug Headline qui, séparément, nous permettent d’en apprendre encore davantage sur le film.

Jean-Pierre Bastid, grand amoureux du cinéma américain de série B, nous retrace la genèse de l’ouvrage coécrit avec Jean-Patrick Manchette. Il évoque aussi, notamment, leur envie de cinéma, bien avant l’écriture de Laissez bronzer les cadavres !, livre dans lequel il voit un polar, certes, mais aussi un western.
Doug Headline, lui, nous fait part, entre autres, de la manière dont a été coécrit Laissez bronzer les cadavres !, une expérience d’écriture à la fois « assez hasardeuse et assez sympathique » d’un livre qui renferme un peu de commentaire social, ainsi que socio-culturel.

Jean-Philippe Thiriart

L’interview des réalisateurs

Bruxelles, Avenue Louise, Workshop Café. 8 janvier 2018, 17h.

C’est dans ce cadre détendu mais néanmoins propice au travail que nous avons rendez-vous avec les réalisateurs Hélène Cattet et Bruno Forzani à l’occasion de la sortie, le mercredi 10 janvier 2018, de leur troisième long métrage : Laissez bronzer les cadavres. Le sourire aux lèvres et tout en décontraction, les responsables des chefs-d’œuvre Amer et L’étrange couleur des larmes de ton corps ne seront pas avares en explications sur leurs méthodes de travail, leurs visions cinématographiques, leurs influences et la « carte blanche » qui leur sera consacrée au Cinéma Nova du 10 janvier au 25 février 2018. Un entretien des plus riches autour d’un thé, d’une eau gazeuse et d’un double espresso. Parce qu’on a beau être détendu, on n’en est pas moins sérieux.

En Cinémascope : Laissez bronzer les cadavres est votre troisième long métrage. Vous avez déjà une certaine notoriété auprès du public de cinéma de genre mais pour un public plus large, qui sont Hélène Cattet et Bruno Forzani ?

Bruno Forzani : Moi, j’ai l’impression que c’est Hélène qui a la réponse. (il rit)

Hélène Cattet : C’est assez difficile comme question. C’est vrai qu’on a un certain public mais j’ai l’impression qu’on touche un public déjà un peu plus large que celui du cinéma de genre. On a bien sûr un public fidèle au genre mais on passe aussi dans des festivals de films plus généralistes.

B.F. : Les spectateurs qui aiment le genre aiment peut-être nos films parce qu’ils y trouvent tous les ingrédients en termes d’érotisme ou de violence car on y va à fond. Et les gens qui aiment plus le cinéma d’auteur avec une recherche formelle ou esthétique y trouvent aussi leur compte parce qu’il y a aussi un gros travail à ce niveau-là. C’est un peu pour ça que nos films passent dans des festivals de films de genre mais aussi dans des musées d’art contemporain ou encore à l’UGC comme au Nova. C’est assez varié. C’est difficile à définir, ça mélange plein de choses.

Laissez bronzer les cadavres, un duel au soleil

E.C. : Ce film est adapté d’un roman de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce livre et vous a donné envie de l’adapter au cinéma ?

H.C. : Pour ma part, ce que j’ai aimé en le lisant, c’est que je l’ai trouvé d’emblée très cinématographique et très visuel. Tout y était déjà posé : les ambiances, presque les cadrages… c’était tout le temps dans l’action. Et cette action me faisait penser à des westerns à l’italienne. Je m’y suis vraiment retrouvée parce que, comme on aime beaucoup le cinéma de genre italien des années 70, j’ai vraiment eu des images qui me sont revenues de films à la Sergio Leone.

B.F. : Ce que moi, j’ai aimé, en lisant le livre, c’est que tout était raconté en termes d’espace et de temps. Donc c’était hyper cinématographique. Et ça rejoignait ce qu’on avait fait avant puisqu’on n’est pas du tout dans une approche psychologisante mais plutôt dans une optique comportementaliste où les personnages se définissent par leurs actions.

H.C. : Les personnages se racontent par ce qu’ils font. On comprend qui ils sont en les voyant agir et pas par des dialogues explicatifs. C’est vraiment cette action, leurs gestes, les choix qu’ils font, qui parlent des personnages et qui font tout avancer.

E.C. : Vous parliez de cinéma italien des années 70. Que ce soit dans Amer, dans L’étrange couleur des larmes de ton corps ou encore ici, dans Laissez bronzer les cadavres, on remarque bien que l’esthétique est prédominante chez vous, qu’elle soit visuelle ou sonore. L’influence de ce genre de cinéma est-elle encore assumée ou devient-elle ennuyeuse pour vous à force d’entendre dire que vos films sont des hommages aux gialli italiens ?

B.F. : Il y a deux choses en fait. Le côté années 70 est assumé parce qu’on est nés dans cette période-là. Mais c’était surtout une époque où le cinéma était en recherche, était très créatif. Tu as eu la Nouvelle Vague à la fin des années 60 et puis le cinéma de genre par la suite était quelque chose de créatif, ce n’étaient pas juste des produits, il y avait une vraie recherche. Donc, de ce point de vue-là, on est dans cette mouvance. Par contre, on ne perçoit pas vraiment ce qu’on fait comme des hommages à un truc qu’on aime bien. C’est quelque chose de plus viscéral. On se sert davantage d’un langage pour raconter des histoires personnelles.

H.C. : C’est vrai que ce cinéma nous a nourris et nous a inspirés mais je pense qu’on a digéré et oublié ces références, et maintenant elles sont en nous. Quand on fait un film, ça sort naturellement. C’est devenu notre vocabulaire, notre manière de faire.

E.C. : Vous parlez justement de ce qui vous a nourris. Quel est donc votre parcours cinématographique ?

B.F. : Ça a commencé quand on était petits avec ce qui passait à la télé genre King Kong, Charlot… Les premiers souvenirs que j’ai, c’est ça. Et puis après, au cinéma, j’ai vu les Walt Disney. Par la suite j’ai découvert Fellini avec La Dolce Vita vers mes dix ans. À partir de douze ans, j’étais à fond dans les films d’horreur, slashers et autres. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le cinéma de genre italien où, par rapport aux films américains qui étaient des produits sans surprise, tu avais vraiment de la mise en scène, la violence était exploitée de manière graphique et pas du tout puritaine. Ça donnait quelque chose de différent. Après cela, il y a eu Orange Mécanique. J’étais à cette époque en recherche d’adrénaline. J’entendais parler de ce film depuis que j’étais petit et je me le représentais un peu comme un summum de la violence. Alors que quand je l’ai vu, ce n’était pas un film violent mais plutôt un film sur la violence, ce qui m’a donné un autre point de vue. Et donc si tu me demandes mon parcours cinématographique, je te dirais que tout s’est un peu construit en allant de Charlot à Orange Mécanique.

Orange mécanique, un des films qui ont construit le réalisateur qu’est Bruno Forzani

H.C. : Pour ma part, c’est plus comme si j’avais trouvé un moyen d’expression. Je n’ai jamais été super à l’aise pour parler ou m’exprimer par le verbe. Donc quand j’ai découvert la manière dont on faisait des films, j’ai eu l’impression de trouver un moyen de dire les choses. C’est vraiment avec la pratique que j’ai appris. On a commencé à faire des courts métrages autoproduits, sans argent. On faisait ça avec les copains et on a appris petit à petit à faire nos films, à construire notre univers, à essayer des choses…
Les festivals nous ont aussi beaucoup aidés, soutenus, encouragés. Et grâce à eux, on a essayé de trouver un producteur. C’est comme ça qu’on a rencontré notre productrice, Eve Commenge, avec qui on a fait tous nos longs métrages.

B.F. : C’est aussi avec elle qu’on a fait notre dernier court, Santos Palace (2005).

H.C. : Ce court métrage a été notre première expérience avec un producteur. On a donc progressé à partir de là.

B.F. : On a appris de manière pragmatique et non intellectuelle. Comme on a commencé à faire les choses avec des moyens très pauvres, on ne pouvait pas faire tout ce qu’on avait dans la tête. On a donc toujours conçu les films par rapport aux moyens qu’on avait et pas par rapport à une idée folle.

H.C. : Pour les courts métrages, on n’avait rien du tout, pour ainsi dire. C’était vraiment le système de la débrouillardise totale et ça nous a appris à fonctionner d’une certaine manière. C’est comme ça qu’on a fait Amer.

B.F. : On voulait tourner en pellicule mais comme on n’avait pas d’argent pour en acheter, on l’a fait en diapositives comme Chris Marker dans La Jetée (NDLR : court métrage français sorti en 1962 et salué par la critique). On ne pouvait donc pas faire de prises de sons directes. Du coup, on a développé cette manière de faire le son en postproduction.

H.C. : Tous nos films sont faits comme ça. On n’a pas de preneur de son, donc tous nos films sont muets quand ils sont tournés et montés. Après, on recrée tous les sons avec un bruiteur.

B.F. : Il y a donc un deuxième tournage, qui est sonore.

H.C. : C’est pour ça que le son est aussi important, parce qu’il y a une étape où on ne travaille que ça.

E.C. : Ce qui marque chez vous, au niveau de la réalisation, c’est l’importance de chaque détail. Comme si chaque plan et chaque point de celui-ci participaient à la narration du film. On a l’impression que vous êtes de grands perfectionnistes…

B.F. : C’est un peu notre problème et du coup on souffre beaucoup. (il rit) La postproduction est donc un long tunnel de neuf mois.

H.C. : Il faut être un peu masochiste. C’est super dur mais on n’arrive pas à faire autrement. Chaque détail parle de l’histoire et des personnages donc chaque détail est important.

B.F. : Du coup, dans la manière de travailler, on est obligés d’être là en permanence dans le dos des gens et de les embêter. (il rit)

E.C. : Il y a aussi un côté très expérimental chez vous…

B.F. : Pour ma part, ce n’est pas quelque chose que je revendique mais c’est juste parce qu’on essaie de raconter nos histoires par la forme, par le montage et par des outils cinématographiques. Alors est-ce que c’est le cinéma qui est devenu plus pauvre maintenant et que dès que tu travailles un peu la forme et que tu utilises un peu ces outils, ça devient expérimental tellement le reste, ce n’est que des champs – contre-champs avec des personnes qui parlent dans une pièce, je ne sais pas. Mais moi, en tout cas, je n’ai pas la sensation de faire des films expérimentaux.

H.C. : Moi non plus mais je sais qu’on essaie d’utiliser au plus ces outils visuels et sonores. C’est vrai qu’on essaie des choses et on en « expérimente » d’autres quand même.

E.C. : Vous fixez-vous des limites dans ces mises en forme ?

B.F. : Moi, ma seule limite, c’est Hélène.

H.C. : Et moi, c’est Bruno. (ils rient) On s’arrête quand on est satisfaits et qu’on a réussi à faire passer tel ou tel sentiment. On aime raconter des choses avec un certain nombre d’éléments mais que ceux-ci ne soient pas totalement expliqués. On aime que le spectateur se crée aussi son histoire.

E.C. : Vous laissez une place à l’interprétation…

H.C. : Exactement ! Comme quand on lit un livre. On s’imagine des choses, on a sa place dans le livre. On veut que le spectateur ait aussi sa place dans le film et que chacun, en fonction de qui il ou elle est, de son expérience, de son bagage, s’imagine ou vive les choses un peu différemment que son voisin. Et, en même temps, ça reste une démarche collective parce que c’est quelque chose qu’on fait pour l’ensemble.

E.C. : Finalement c’est une démarche assez vendeuse pour vos films parce que ça signifie qu’on peut regarder plusieurs fois le film et le vivre peut-être différemment à chaque fois.

B.F. : On le fait dans cette optique-là, pour qu’à chaque fois que tu le revois, tu découvres de nouvelles choses et qu’il prenne plus de profondeur.

E.C. : Y a-t-il une dimension mystique, de rêves ou de fantasmes dans les histoires que vous racontez ?

H.C. : Tout à fait. C’est vrai que ce film-ci est un peu différent des autres mais on essaie de travailler sur les fantasmes des personnages…

B.F. : Et d’effacer la limite entre le rêve et la réalité.

H.C. : On essaie de jouer avec les frontières : passé-présent, rêve-réalité, fantasme-réalité…

E.C. : À ce propos, existe-t-il un rêve ou un fantasme cinématographique que vous aimeriez réaliser ?

B.F. : J’ai déjà l’impression qu’on l’a réalisé avec tout ce qui nous arrive en ce moment, le fait d’avoir fait des courts métrages et trois longs, que des personnes s’intéressent à ce qu’on fait, que ça procure des sensations aux gens, de les voir émus ou énervés à la fin du film…

Laissez bronzer les cadavres, ça va chier !

E.C. : Vous aimez susciter les réactions ?

H.C. : Nous, on aime bien avoir des réactions au cinéma. On aime ressortir en étant questionnés, perturbés, épuisés. En tout cas, en ayant vécu quelque chose qui nous fait réfléchir. C’est donc peut-être pour ça aussi qu’on fait de tels films.

E.C. : Pourriez-vous nous parler de la bande originale et de vos choix musicaux pour Laissez bronzer les cadavres ?

H.C. : Le thème principal vient du film La Route de Salina de Georges Lautner (1970).

B.F. : C’est un film français qui a été tourné à Lanzarote. Un peu particulier, parfois légèrement Quatrième Dimension et totalement hippie dans l’esthétique et dans la nudité des personnages. Et cette musique assez incroyable a été écrite par le chanteur français Christophe. Elle nous faisait énormément penser aux westerns de Sergio Leone et comme notre film est un peu un mélange de genres, on trouvait que cette musique était cohérente. Puis on a utilisé des vrais thèmes de westerns à l’italienne comme Le Dernier Face à face d’Ennio Morricone. (NDLR : extrait du film du même nom de Sergio Sollima (1967)) On a utilisé plusieurs thèmes de ce compositeur dans le film. Notre but était d’utiliser ces musiques parfois dans un autre contexte que celui pour lequel elles avaient été faites au départ. On en a par exemple utilisé une dans la phase de préparation du braquage dans le film, donc plus dans un contexte de polar que de western. Une autre provient de la période bruitiste d’Ennio Morricone. Quand il collaborait avec Dario Argento, donc purement giallesque expérimentale. Et une autre vient du giallo Qui l’a vue mourir ? (Aldo Lado, 1972) Le thème est assez atypique, avec des chœurs d’enfants. Et on l’a utilisé parce qu’on cherchait quelque chose d’un peu fiévreux pour la scène du duel. On avait essayé de l’utiliser à l’époque pour L’étrange couleur des larmes de ton corps mais ça ne collait trop au giallo et donc ça aurait eu ce côté hommage et référence qu’on ne voulait pas. Alors qu’ici, elle avait sa place et pouvait avoir une autre signification.

Le Dernier Face à face, plus qu’une source d’inspiration pour Hélène Cattet et Bruno Forzani

E.C. : N’est-ce pas trop difficile de faire des films à deux tout le temps ?

H.C. : Si, c’est super dur. (elle rit)

E.C. : Des conflits artistiques ?

H.C. : Oui, tout le temps. (elle rit)

B.F. : Après L’étrange couleur des larmes de ton corps, on ne pouvait plus se saquer. (il rit)

E.C. : Mais vous avez remis le couvert quand même…

B.F. : Oui, on a remis le couvert mais en partant sur une adaptation. On n’avait pas un scénario personnel.

H.C. : C’est la première fois qu’on adapte quelque chose mais c’était pour retrouver une manière plus légère de travailler. Comme les films précédents étaient très personnels et que, malgré tout, on a des points de vue et des univers différents, le but était de faire quelque chose où les deux soient satisfaits. Et parfois, c’est une lutte.

B.F. : Surtout que ce sont des films qui sont sensoriels, subjectifs, c’est donc assez difficile quand l’un ressent le truc et l’autre pas, parce que si tu ressens, tu ne peux pas expliquer à l’autre.

H.C. : C’est intéressant malgré tout, mais ce n’est pas la facilité.

Une carte blanche au Nova pour le duo de réalisateurs

E.C. : À partir de ce mercredi 10 janvier 2018, vous avez une carte blanche au Cinéma Nova. Quatre films seront projetés. J’aimerais terminer cette interview en vous demandant quelques mots sur chacun d’eux et sur ce qu’ils représentent pour vous.

B.F. : Il y a Bullet Ballet (Shin’ya Tsukamoto, 1998), un film au son assez puissant et au montage hyper « cut », dont tu ressors assez épuisé. Mais c’est une expérience que tu ne peux vivre qu’en salle. Les premiers films de Tsukamoto, je les avais d’ailleurs découverts au Nova. Tu parlais tout à l’heure de détails et j’avais lu une interview de Tsukamoto concernant Tetsuo 2 (1992) où il disait qu’un des grands maîtres japonais avait vu le premier Tetsuo (1989) et lui avait dit que ça manquait de détails. Il a donc fait Tetsuo 2 en y faisant plus attention et ça m’avait marqué.

H.C. : Il y a aussi Seul contre tous (Gaspar Noé, 1998, avec Philippe Nahon). C’est un film qui nous a réunis parce qu’on l’a vu ensemble au Nova, décidément, et c’est un film qui nous a donné quelque part le déclic pour commencer à faire des films sans argent. C’est un film qui est autoproduit et que Noé a fait par ses propres moyens. C’est en pellicule, c’est ingénieux, et la photo est magnifique.

B.F. : Et c’est en cinémascope ! (NDLR : ouiii : il l’a dit !) En termes de cadre, c’était hyper carré, fixe.

H.C. : Ça nous a beaucoup influencés dans la démarche et l’esthétique. Il est à la base de notre collaboration.

B.F. : C’est aussi une manière complètement transversale d’aborder le genre. C’est comme un « vigilante » mais raconté d’une autre manière.
Après, il y a Le Dernier Face à face de Sergio Sollima (1967) dont l’une des musiques se retrouve dans Laissez bronzer les cadavres. Par rapport aux westerns à l’italienne, il est moins graphique que les autres mais les personnages cassent un peu le mythe américain. Ils sont tous gris et tu n’as pas le gentil shérif et les méchants indiens. Au niveau de l’histoire, c’est aussi très prenant parce que c’est une autre manière de raconter cette histoire américaine.

Venus in Furs, dont le réalisateur, Jess Franco, a réalisé plus de 200 films

H.C. : Et le dernier c’est Venus in Furs (Jess Franco, 1969) pour le côté psychédélique, pop, 70s.

B.F. : Personnellement, je trouve que c’est un des meilleurs films de Jess Franco, même si je ne les ai pas tous vus puisqu’il en a fait 180 (il rit) (NDLR : Jess Franco est en fait crédité pour plus de 200 réalisations.) Après, en termes de pop, de costumes, d’iconographie de l’héroïne, d’effets… c’est très créatif. Il y a aussi le côté jazzy du film par sa musique et sa construction. Et pour Laissez bronzer les cadavres, on a aussi abordé l’esthétique avec un côté pop. Donc ce genre de films nous a aussi inspirés.
La carte blanche du Nova met ainsi en évidence quatre films qui représentent autant de facettes de notre approche.

Propos recueillis par Guillaume Triplet, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

L’interview de Manu Dacosse

Manu Dacosse, directeur photo, notamment, de tous les longs métrages de fiction belges de Fabrice du Welz depuis que le réalisateur de Calvaire et lui ont travaillé ensemble sur Alleluia (Adoration, Inexorable et Maldoror) avait remporté, en 2015, aux Magritte du Cinéma, le Magritte de la Meilleure image pour sa direction photo sur le deuxième long métrage de Hélène Cattet et Bruno Forzani : L’étrange couleur des larmes de ton corps.

En Cinémascope : Comment avez-vous travaillé avec votre duo de réalisateurs, Hélène Cattet et Bruno Forzani, sur L’étrange couleur des larmes de ton corps ?

Manu Dacosse : Ça fait 15 ans que je travaille avec Hélène et Bruno. Nous avons fait plusieurs courts métrages ensemble, dès que je suis sorti de l’école. Puis on a reçu des subventions et leur premier long métrage, Amer, s’est monté, lequel m’a ouvert d’autres portes.

Amer, qui était en lice aux premiers Magritte du cinéma…

Tout à fait. Ensuite, Fabrice Du Welz a vu ce film et m’a appelé pour Alléluia.

L’étrange couleur des larmes de ton corps est un film que Vincent Tavier, producteur d’Alleluia, notamment, aurait beaucoup aimé produire…

On fait un peu partie de la même famille. C’est quelqu’un que j’apprécie énormément, tout comme le style des films qu’il produit. Et c’est vrai que je pense qu’il nous aiderait sans doute si on faisait appel à lui. On fait partie de cette même petite famille-là du cinéma de genre en Belgique.

Comment traduisez-vous à l’image les idées de vos réalisateurs. Elles sont parfois complètement folles. Un challenge pour vous ?

Ils ont des idées complètement folles mais c’est pour ça que je les aime ! (il rit) Ils me poussent toujours dans mes derniers retranchements et je n’ai pas de limite avec eux. C’est pareil avec Fabrice (du Welz) : on ne se donne pas de limite. On va au bout, on cherche et on pousse. Je fais d’autres films que l’on pourrait qualifier de plus commerciaux. Ici, il s’agit vraiment d’un cinéma de genre qui veut, à mon sens, se démarquer des autres cinémas. On pousse donc dans les limites.

Un mot sur le BIFFF, le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles, si vous le voulez bien ?

J’aimerais bien y voir un de nos films sélectionné. J’y vais souvent et je trouve que c’est un très bon festival à l’excellente programmation. Je serais heureux qu’ils m’invitent. (NDLR : Manu Dacosse avait été, peu après, invité par le Festival, mais n’a finalement pas pu s’y rendre en raison de son emploi du temps.) Ils ont fait une conférence de directeurs photo voici deux ans qui était vraiment très intéressante. Ce sont des gens qui aiment le cinéma.

Trois raisons pour lesquelles il faut aller voir Alleluia, cette fois ?

Parce que c’est vraiment du cinéma.
Parce qu’on ne sort pas indemne du film.
Et parce que c’est un film très fort sur l’amour et ses dérives.

Propos recueillis par Jean-Philippe Thiriart

Le 43e BIFFF en près de 20 nouvelles critiques de films !

Le 43e BIFFF en près de 20 nouvelles critiques de films ! 2048 1152 Jean-Philippe Thiriart

« Y en a en a un peu plus… j’vous l’mets ? »

Non non, vous n’êtes pas à la boucherie, mais bien sur En Cinémascope !

C’est que nous vous proposons, aujourd’hui, de jeter un autre coup d’œil sur le 43e Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF), qui s’est clôturé dimanche au Palais 10 du Heysel. Cette fois à travers vingt nouvelles critiques de films découverts cette année à la grand-messe belge du cinéma de genre, une des plus importantes au monde.

Après notre article revenant sur le palmarès 2025 et proposant dix critiques de films primés, voici, donc, notre regard sur d’autres œuvres qui nous ont marqués, positivement… ou pas !

Ah oui, nous avons failli oublier : à vos agendas : la prochaine édition du BIFFF aura lieu du 14 au 26 avril 2026. Qu’on se le dise !

Control Room   ★
Luiso Berdejo (Espagne)

Ce film de science-fiction suit Olivia (Alexandra Masangkay, vue notamment dans La Plateforme et sa suite) et son collègue Arlo, en charge de la salle de contrôle d’une colonie humaine basée sur une planète lointaine. Lorsque l’endroit est assiégé par des extraterrestres sans pitié, ils vont devoir faire des choix cornéliens pour sauver ce qui peut l’être.
Ne tournons pas autour du pot : Control Room est une franche déception. N’ayant clairement pas les moyens de mettre en scène le monde dans lequel se déroule l’histoire, Berdejo se contente de filmer une pièce unique (à l’exception de quelques plans), la salle de contrôle du titre, et ce qui apparaît sur ses écrans. Les personnages secondaires sont constamment figurés par des petits points évoluant sur ces écrans. Ce qui peut s’avérer astucieux l’espace d’une ou deux scène(s) peut être perçu comme une arnaque quand cela se fait sur toute la durée d’un long métrage. Même les créatures belliqueuses, qui auraient pu constituer le point fort du film, sont décevantes, apparaissant comme des silhouettes transparentes. De surcroît, les influences (Aliens en tête) sont trop patentes. À notre humble avis, il eût été plus pertinent de développer ce concept scénaristique sous la forme d’un jeu vidéo.

Sandy Foulon

The Creeps   ★★
Marko Mäkilaakso (Finlande)

À défaut d’être un chef-d’œuvre, cette comédie horrifique décomplexée et sans prétention nous a apporté son bon lot de fun. Les personnages sont drôles et brisent régulièrement le quatrième mur.
Une allusion directe au festival est présente dans le film, ce qui n’a bien sûr pas manqué de faire réagir le public. Le réalisateur a incorporé celle-ci car il était conscient que c’est au BIFFF que The Creeps allait être présenté en avant-première mondiale.
Marko Mäkilaakso s’est fait plaisir et semble avoir placé dans son film ses références préférées. Voir Christophe Lambert apparaître et déclamer sa réplique, devenue culte, de Highlander – « Il ne peut en rester qu’un » – fut, avouons-le, assez jubilatoire.
Le film ne vole pas très haut, l’humour est souvent graveleux et il faut fréquemment mettre son cerveau sur OFF mais impossible de ne pas éprouver un certain attachement pour lui, tant le réalisateur est sincère dans ses intentions. La présence de Christophe Lambert lors de la projection du film a réellement enflammé le public. Un des plus beaux moments de ce 43e BIFFF !

Jules de Foestraets

Daniela Forever   ★★
Nacho Vigalondo (Espagne/États-Unis/Belgique/France/Finlande)

Nacho Vigalondo : un nom bien connu des Bifffeurs, qui avaient pu découvrir en leur temps son Timecrimes (BIFFF 2008) et Extraterrestre (BIFFF 2012). Cette fois, il s’aventure sur les terres du drame romantique avec un argument légèrement science-fictionnel. Dévasté par la mort soudaine de sa copine Daniela, Nick va accepter de suivre une thérapie à base de drogue expérimentale, qui permet de très facilement contrôler ses propres rêves. Le but est de l’aider à faire son deuil en se détachant progressivement de l’image de Daniela, mais lui va l’utiliser pour continuer à vivre avec elle dans ses rêves.
Cette combinaison de thématiques – deuil et rêves lucides – est très intéressante. Le script explore bien les différentes phases de contrôle des rêves, avec les limites de ceux-ci et les moyens de les repousser. Sur le plan formel, le réalisateur aide le spectateur à s’y retrouver en filmant la réalité en format vidéo carré, avec une photo assez moche (choix symbolique), tandis que les rêves de Nick sont filmés en format très large, avec une image plus travaillée où les couleurs ressortent très bien. Un film qui fait un peu penser à Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, mais il lui manque l’intensité émotionnelle de ce dernier.

S.F.

Dead by Dawn   ★★
Dawid Torrone (Pologne)

Une petite troupe, qui répète une pièce du légendaire Heissenhoff, se retrouve coincée dans un théâtre à la merci d’un tueur masqué. Ce pitch fait immanquablement penser à Bloody Bird de Michele Soavi. Et, de fait, Dead by Dawn apparaît comme une agréable variation de celui-ci. Bonne surprise nous venant de Pologne, pays peu familier de l’horreur, ce slasher soigné et respectueux des codes du genre fournit son lot de meurtres gores, avec un psychopathe au look marquant (le masque composé d’innombrables yeux) et des éclairages créant une ambiance cauchemardesque colorée.
Torrone y multiplie les hommages aux classiques de l’horreur dont il est fan, notamment à L’Exorciste, mais aussi, et surtout, au giallo comme, par exemple, le dispositif des aiguilles scotchées sous les paupières d’une actrice, qui renvoie directement à Terreur à l’opéra de Dario Argento. Outre ces notes giallesques, Dead by Dawn se singularise des autres slashers par une dimension d’occultisme amenant une fin monstrueuse, dans la veine de ce qu’avait fait le japonais Evil Dead Trap. Voilà donc une pure série B horrifique généreuse, faite à l’ancienne, telle qu’on aimerait en voir plus dans ce genre de manifestations.

S.F.

Dead Talents Society   ★★★
John Hsu (Taïwan)

Dans ce film au concept bien pensé, nous partons à la rencontre d’une société de fantômes qui ont pour objectif d’effrayer les vivants autant que faire se peut.
L’idée de départ est très bien exploitée, et le film est inventif et regorge de séquences assez drôles. Allant à du cent à l’heure, Dead Talents Society nous embarque dans un univers loufoque et déjanté.
Les personnages sont amusants et décalés, ce qui permet au spectateur de pénétrer facilement dans leur monde, avec un plaisir certain.
La durée du film, sans doute légèrement excessive, ne nuit pas à son rythme.
Les Américains ayant la parfois mauvaise habitude de faire des remakes de films étrangers, cela ne nous étonnerait pas qu’une version US de Dead Talents Society voit le jour, tant sa thématique est intéressante.

J.d.F.

Don’t Leave the Kids Alone (No dejes a los niños solos)   ★★
Emilio Portes (Mexique)

Venu présenter son Belzebuth au BIFFF en 2018, Emilio Portes signe aujourd’hui un thriller dans la mouvance de Maman, j’ai raté l’avion, en plus sombre, qui vire au film d’horreur dans son dernier acte. Sa baby-sitter s’étant décommandée à la dernière minute, Catalina est acculée à laisser ses deux fils seuls dans leur nouvelle demeure le temps d’une soirée. Les turbulents frères ne vont pas arrêter de se chamailler, leur dispute prenant au fil des heures des proportions alarmantes. Un chien agressif et affamé, abandonné aux abords de la villa, va mettre son grain de sel et, last but not least, quelqu’un ou quelque chose qui est lié au passé de la maison semble exercer son influence maléfique. Ça fait beaucoup pour deux garnements ! Le film prend trop de temps avant de se lancer vraiment et les incessantes querelles des enfants peuvent crisper par moments, mais la radicalité de la fin compense ce qui précède.

S.F.

Fury (La Furia)   ★★★
Gemma Blasco (Espagne)

Vu le point de départ du script (une jeune femme qui se fait violer lors d’une fête), le choix du titre et le fait qu’il ait été sélectionné au BIFFF, on aurait pu s’attendre à un rape and revenge, mais Gemma Blasco évite la case « film d’exploitation » pour privilégier le pur drame réaliste. On comprend sa démarche quand on sait qu’il s’agit d’un projet qu’elle porte depuis longtemps, inspiré de son vécu.
Tout sonne juste dans Fury, notamment le jeu de l’actrice principale, Ángela Cervantes, qui connaît la réalisatrice de longue date et s’est beaucoup investie dans son rôle. Les réactions du personnage principal, Alexandra, sont difficilement compréhensibles pour quelqu’un d’extérieur : elle ne prévient pas la police et n’en parle même pas à son entourage. Seul son frère sera, plus tard, partiellement mis dans la confidence. Cette négation de l’événement traumatisant et ce mutisme sont bien développés. La différence entre la réaction de la victime et celle de son frère quand il apprend la vérité permet à la réalisatrice d’opposer deux sensibilités différentes. L’investissement d’Alexandra dans le rôle de Médée, pour la pièce de théâtre du même nom, apporte une nouvelle phase psychologique au personnage et une dimension symbolique forte au film. Il y aurait encore beaucoup à dire sur Fury mais nous conclurons en précisant que, s’il s’agit d’un bon film, nous l’aurions davantage vu figurer à la programmation d’un festival généraliste qu’au BIFFF.

S.F.

Get Away   ★★
Steffen Haars (Royaume-Uni)

L’année passée, le Néerlandais Steffen Haars était venu présenter le film Krazy House (voir notre critique), qu’il avait coréalisé avec Flip Van der Kuil et qui mettait en scène Nick Frost. Cette année, le duo réalisateur/acteur est de retour, avec cette fois Haars seul aux commandes et Frost qui, non seulement, joue dedans, mais a aussi écrit le scénario. Un nouveau rôle de père de famille, forcément taillé sur mesure pour ce dernier, qui emmène les siens en vacances sur une petite île suédoise, alors que les quelques habitants de celle-ci s’apprêtent à célébrer la Karantän, tradition locale vieille de 200 ans où il est question de colons, de meurtres et de cannibalisme.
Cette comédie horrifique inverse avec jubilation une donnée essentielle du sous-genre folk horror. Hostilité vis-à-vis des étrangers, esprit revanchard, perversions : les personnages possèdent tous leurs gros défauts. Une vraie galerie de détraqués ! Avec son humour qui désamorce quelque peu le côté inquiétant des personnages, son scénario simple et efficace et ses généreux jets de sang, Get Away s’avère fun, mais sans jamais se hisser au niveau des films qui ont fait connaître Nick Frost (Shaun of the Dead, Hot Fuzz…), ce qui pourra décevoir ses fans.

S.F.

Handsome Guys (Haen-seom-ga-i-jeu)   ★★
Dong-hyup Nam (Corée du Sud)

Deux péquenots, gentils mais au physique peu avenant, se rendent dans une maison délabrée, située au milieu des bois, dans le but de l’acheter. Quelques étudiants en vacances juste à côté vont les prendre pour de dangereux criminels, tout comme les deux agents de police qui patrouillent dans les environs. Accidentellement, le sang va commencer à couler, ce qui va réveiller une force maléfique tapie dans la cave de la vieille maison.
Si ce pitch vous semble familier, c’est normal : Handsome Guys est le remake coréen de Tucker & Dale fightent le mal de l’Américain Eli Craig. Modèle de comédie horrifique, il repose sur une série de quiproquos et de détournements de situations clichés du genre. La mécanique est bien huilée et l’on rit de bon cœur. De plus, cette version a la bonne idée d’insister sur le message selon lequel « il ne faut pas se fier aux apparences ». Mix de survival redneck à la mode coréenne et d’Evil Dead, ce film pèche juste par quelques effets spéciaux perfectibles.
Handsome Guys est un film parfait pour le BIFFF et son ambiance unique.

S.F.

Hidden Face   ★★
Dae-woo Kim (Corée du Sud)

Alors que le chef d’orchestre Seong-jin est sur le point de se marier avec sa violoncelliste Soo-yeon, cette dernière disparaît en laissant derrière elle une vidéo d’adieu. Sans aucune nouvelle de la jeune femme, l’orchestre la remplace par Mi-joo, dans les bras de laquelle Seong-jin va trouver du réconfort…
Officiellement, Hidden Face est l’un des nombreux remakes d’Inside (Andrés Bais, 2011), mais son dispositif rappelle des films encore plus anciens : le grec The Wild Pussycat (1969) et son remake italien Emmanuelle et Françoise (1975). Plus généralement, il nous ramène à la vague des thrillers érotiques des années 80 et 90 (Liaison fatale, Body of Influence, Sliver, Harcèlement, etc.). Au fonds, pourquoi pas, c’est vrai que ça manquait un peu !
Personnages duplices, plan machiavélique, passion torride… : les constantes du sous-genre sont bien représentées. Les scènes érotiques, joliment filmées, font leur petit effet et ne sont pas gratuites, ce dont on s’apercevra plus tard. Les potentialités de la maison dans laquelle le couple emménage, lieu-clé de l’histoire, sont correctement exploitées. Pour un thriller coréen, ça manque d’un soupçon de viscéralité, mais Hidden Face ne nous en fait pas moins passer un moment agréable.

S.F.

It Feeds   ★★★
Chad Archibald (Canada)

It Feeds, du réalisateur, producteur et scénariste canadien Chad Archibald (Vicious Fun, qui faisait partie de la sélection du BIFFF 2021 et y avait remporté le Prix du Public, compte parmi les films qu’il a produits), coche toutes les cases du bon film d’horreur mainstream contemporain : des jumpscares, des scènes cauchemardesques, une atmosphère effrayante, une créature flippante…
Thérapeute d’un genre bien particulier, Cynthia, assistée par sa fille Jordan, a le don de se projeter dans les recoins sombres de l’esprit de ses patients afin de les aider à guérir de leurs traumatismes. Un jour, une fille à laquelle est accrochée une entité démoniaque débarque chez elle à l’improviste, réclamant son aide.
Rythmé de sorte qu’il ne perd jamais l’attention du spectateur, It Feeds est efficace, mais sans pour autant se montrer novateur. Ainsi, les endroits psychiques torturés que visite Cynthia (qui donnent lieu aux meilleures scènes du film) peuvent être vus comme des variantes du « Lointain » de la franchise Insidious. De quoi, en définitive, satisfaire les fans du genre.

S.F.

Locked   ★★
David Yarovesky (États-Unis)

Film qui se laisse regarder mais qui ne casse pas trois pattes à un canard et qui manque clairement de nouveauté, Locked raconte l’histoire d’un voleur qui se retrouve piégé dans la voiture d’un psychopathe, lequel va le forcer à participer à un jeu vicieux. Ultra classique et donnant une forte impression de déjà vu, ce film n’est jamais ennuyeux. Nous aurions cependant préféré être davantage surpris.
Tout est cousu de fil blanc et donne l’impression que le film a été écrit avec une intelligence artificielle, tant cela manque de personnalité.
Anthony Hopkins s’amuse, en revanche, comme un fou dans le rôle du bad guy. Quel plaisir de voir cet acteur, à l’âge de 87 ans, prendre toujours autant son pied à interpréter ce type de personnages ! Quant au jeune Bill Skarsgård, il mérite d’apparaître dans des œuvres plus ambitieuses que celle-ci. Si la découverte de Locked ne nous a pas fait passer un mauvais moment en soi, nous aurons néanmoins tôt fait d’oublier le film.

J.d.F.

The Old Woman with the Knife (Pa-gwa)   ★★★
Kyu-dong Min (Corée du Sud)

Ce thriller est une adaptation d’un roman à succès sud-coréen. Il est mis en scène par Kyu-dong Min, qui avait fait ses débuts à la fin des années 90 avec Memento Mori, le deuxième opus de la série de films Whispering Corridors, coréalisé avec Tae-yong Kim.
The Old Woman with the Knife raconte l’histoire d’une dame âgée, assassin depuis des décennies pour une société secrète dont le but est d’éliminer les pires raclures de la société. Un jour, son employeur recrute un jeune homme surdoué qui veut absolument travailler avec elle. Que lui veut-il exactement ?
Il faut tout d’abord souligner la belle prestation de Hye-yeong Lee, actrice active depuis les années 80 et donc pour ainsi dire aussi expérimentée dans le cinéma que son personnage l’est dans l’art de tuer. Et puis c’est sympa d’avoir un film qui propose un tel rôle à une femme d’âge mûr. Ensuite, le mélange d’action et d’émotion fonctionne bien. Enfin, sur le plan technique, la réalisation est d’un bon niveau. Encore un bon cru made in Korea !

S.F.

Parvulos   ★★
Isaac Ezban (Mexique)

Isaac Ezban est un des chouchous du BIFFF : c’est bien simple, tous ses films y sont passés, que l’on se souvienne par exemple de The Incident, projeté en 2015 ou encore de L’œil du mal (Mal de Ojo) (voir notre critique), programmé voici deux ans. Cette année, il nous a concocté un film d’horreur postapocalyptique dans lequel trois jeunes frères tentent de survivre dans leur maison sise au milieu des bois suite à une pandémie qui a détruit la civilisation et à un vaccin expérimental qui a rendu les infectés dangereux. Les garçons gardent enfermé dans leur cave ce qui semble être un monstre affamé, le nourrissant de viande de chiens et de rats. Outre les dangers déjà cités, des groupes de fanatiques religieux parcourant le pays constituent également une sérieuse menace.
Parvulos se focalise surtout sur la débrouillardise des jeunes pour survivre, sur les dilemmes moraux inévitables dans ce genre de situations et sur le sens de la famille. Il contient des scènes intenses, parfois dégoûtantes, qui ne conviendront pas à tout le monde. Les fans d’horreur à la The Walking Dead s’y retrouveront parfaitement. On regrettera juste, pour notre part, un choix d’image désaturée, terne, qui ne fait pas parfaitement honneur à la beauté des paysages naturels où se déroule l’action.

S.F.

Sew Torn   ★★
Freddy Macdonald (Suisse/États-Unis)

Version longue d’un court métrage homonyme de 2019, Sew Torn montre les différents scénarios possibles découlant des choix de Barbara, jeune couturière prodige qui se retrouve face à deux criminels blessés sur le bord de la route se disputant une mallette remplie de gros billets.
Mélange de thriller et de comédie noire sous patronage des frères Coen, ce film se montre particulièrement inventif quand il s’agit de mettre en scène tout ce dont est capable l’héroïne avec une simple aiguille et du fil à coudre. Une véritable petite MacGyver de la couture ! Dans ce rôle, Eve Connolly, vue notamment dans Muse de Jaume Balagueró et dans la série Vikings, apporte une combinaison de fraîcheur, de charme, de fragilité apparente et de force insoupçonnée. Le personnage du patriarche mafieux qui va donner du fil à retordre à Barbara est tenu, lui, par John Lynch, acteur britannique à la belle carrière : il a, par exemple joué dans Hardware, dans Les Guetteurs et apparaît régulièrement dans les films de Christopher Smith, tels Black Death et Detour.
Les superbes lieux de tournage suisses offrent, quant à eux, une plus-value visuelle certaine. Espérons que dans la suite de sa carrière, le jeune Freddy Macdonald conserve l’ingéniosité dont il fait preuve avec ce premier long métrage.

S.F.

Touch Me   ★
Addison Heimann (États-Unis)

Joey et son ami gay Craig acceptent avec enthousiasme l’invitation de Brian à venir vivre dans sa très luxueuse villa. La particularité de ce Brian ? Il affirme être un extraterrestre souhaitant sauver notre monde avec leur aide. Son toucher permet d’évacuer tout stress, tandis qu’avoir des relations sexuelles avec lui, et ses multiples tentacules, procure un plaisir totalement inédit. Ce qui peut bien vite s’avérer très addictif…
Touch Me contient quelques éléments intéressants, comme la volonté de rendre hommage au genre japonais du Hentai, et l’exécution des scènes où Brian se manifeste sous sa vraie apparence, à base d’effets spéciaux pratiques réjouissants (assurément l’attrait principal de cette production). À travers cette histoire farfelue, Heimann entend parler du phénomène problématique de l’addiction, de la manipulation et du rapport à la vérité mais son propos est désamorcé par un ton humoristique malvenu, avec trop de scènes tout simplement ridicules. On aurait préféré une approche plus sérieuse et onirique (un potentiel entrevu dans quelques plans érotiques).

S.F.

Tummy Monster   ★★★
Ciaran Lyons (Royaume-Uni)

Très étrange petit film, Tummy Monster est un huis clos maîtrisé qui ne manque pas d’originalité. Le réalisateur nous donne à voir la descente aux enfers d’un homme. Ce film qui se déroule dans une même unité de lieu a été réalisé avec deux bouts de ficelle et tourné en cinq jours, de quoi forcer le respect.
Très travaillée, la photo du film est de grande qualité. Quant aux acteurs, ils font du bon boulot. Quelques longueurs sont, certes, à déplorer et Tummy Monster est parfois lourd, agaçant même, mais il s’agit là, selon nous, d’une des volontés du réalisateur, qui souhaite nous faire ressentir ce que le personnage principal traverse. Rien d’étonnant, dès lors, que le spectateur finisse, par moments, par décrocher. Au bout du compte, la découverte de cet exercice de style s’est avérée pour le moins intéressante.

J.d.F.

Vampire Zombies… From Space!   ★★★★
Michael Stasko (États-Unis)

Magnifique surprise dont le titre pouvait laisser présager un navet, ce film était, au contraire, une des pépites de ce 43e BIFFF.
À la fois parodie des films d’horreur et de science-fiction des années 50 et hommage à ceux-ci, Vampire Zombies… From Space nous plonge avec brio dans l’ambiance de l’époque.
L’humour distillé dans ce film complètement absurde fonctionne à merveille. Délire total, ce métrage rend hommage à Plan 9 From Outer Space, de Ed Wood, considéré comme l’un des plus grands nanars du cinéma. Le film reproduit très bien les effets spéciaux catastrophiques, avec des soucoupes volantes tenues par des fils.
Les références, plus drôles les unes que les autres, s’enchaînent à toute vitesse. Ce que l’équipe du film est parvenue à faire avec un si petit budget relève du génie. Enfin, signalons que cette vraie œuvre de passionnés possède une photographie étonnamment soignée bénéficiant d’un très beau noir et blanc.

J.d.F.

Zero   ★★★
Jean-Luc Herbulot (Sénégal, USA)

Dakar, deux hommes se réveillent, une bombe accrochée au corps. Ils vont devoir suivre les instructions d’un maître-chanteur, qui menace de les faire exploser s’ils ne réalisent pas les missions qu’il leur donne.
Le thème est classique, certes, mais il est aussi très bien traité. Ne souffrant de quasiment aucun temps mort, Zero nous met en présence de personnages très bien écrits.
C’est alors parti pour une heure et demie de course contre la montre, qui visse le spectateur à son siège du début à la fin. Nul besoin d’en faire plus pour captiver pleinement le spectateur.
Ajoutons que Zero renferme un vrai message politique.
Willem Dafoe prête magistralement sa voix à l’antagoniste. Il en impose, avec son timbre et sa façon de s’exprimer reconnaissables entre mille. Un vrai plaisir que de le retrouver dans ce type de projets !

J.d.F.

Jean-Philippe Thiriart, Sandy Foulon et Jules de Foestraets

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Photo de couverture : Dead Talents Society

L’équipe BIFFF 2025 de En Cinémascope au grand complet !
Crédit photo : En Cinémascope – Sandy Foulon

Le 43e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de films primés

Le 43e BIFFF a vécu : retour sur le palmarès et critiques de films primés 1920 1080 Jean-Philippe Thiriart

Le 43e Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) s’est clôturé ce dimanche 20 avril au Palais 10 du Heysel, accueillant plus de 45 000 spectateurs.

Le palmarès de cette édition est pour le moins robuste, en témoignent, notamment, nos critiques de films primés. Il vient souligner combien le cinéma de genre fait preuve d’inventivité et n’a de cesse de se renouveler.

Pour reprendre les mots de Christophe Gans, président, cette année, du Jury International, « le cinéma, c’est la vie » Jean-Luc Godard disait, lui, que « c’est la vérité 24 fois par seconde » Nous sommes bien d’accord avec eux !

Le palmarès

Longs métrages

Compétition internationale

Golden Raven (Corbeau d’Or) : Twilight of the Warriors: Walled In de Soi Cheang

Silver Ravens (Corbeaux d’Argent) : The Ugly Stepsister d’Emilie Blichfeldt, et Honey Bunch de Madeleine Sims-Fewer et Dusty Mancinelli

Mention spéciale : The Surfer de Lorcan Finnegan

Compétition européenne

Méliès : The Home de Mattias J. Skoglund
Mention spéciale : Un Monde merveilleux de Giulio Callegari

Compétition Black Raven (Corbeau Noir – Compétition Thrillers)

Black Raven : The Rule of Jenny Pen de James Ashcroft
Mention spéciale : Tabula Rasa de Juanfer Andrés et Esteban Roel

Compétition Emerging Raven (Corbeau Émergeant – Compétition Premiers et deuxièmes films)

Emerging Raven : A Girl with Closed Eyes de Sunyoung Chun
Mention spéciale : The Wailing de Pedro Martín-Calero

Compétition White Raven (Corbeau Blanc – Compétition présentant des films qualifiables de « singuliers »)

White Raven : Dead Lover de Grace Glowicki
Mention spéciale : Sister Midnight de Karan Kandhari

Prix de la Critique

Hallow Road de Babak Anvari

Prix du Public

The Ugly Stepsister d’Emilie Blichfeldt

Courts métrages européens

Méliès d’Argent : The Musical Spider

Courts métrages belges

Grand Prix et Prix BeTV : Corps étranger de Cécile Delberghe et Mathieu Mortelmans
Prix La Trois : La Mue de Elodie Lebrun
Prix du Jury jeunesse et Prix Cinergie : De Leider Komt de Michiel Geluykens et Manuel Janssens
Mention spéciale du Jury jeunesse : Autokar de Sylwia Szkiladz

Le Prix Cinergie a été décerné à De Leider Komt de Michiel Geluykens (à droite sur la photo) et Manuel Janssens (au centre), film qui a également été récompensé du Prix du Jury jeunesse
Crédit photo : En Cinémascope – Vincent Melebeck

Nos critiques de films primés

A Girl with Closed Eyes (Nun-eul gam-eun ai)   ★★★
Sun-young Chun (Corée du Sud)

Écrit, réalisé et produit par la Coréenne Sun-young Chun, dont c’est le premier long métrage, A Girl with Closed Eyes est un thriller policier qui explore finement tout le potentiel dramatique de son script. C’est là une de ses grandes forces.
Arrêtée, arme aux poings, sur les lieux mêmes du meurtre d’un auteur à succès, Min-joo affirme à la police qu’elle ne parlera qu’à une certaine inspectrice de Séoul, qui la connaîtrait. Avouant l’homicide, elle déclare que le romancier, qui a retracé dans son dernier livre l’histoire de l’enlèvement dont elle a été victime dans sa jeunesse, était son kidnappeur de l’époque. Allant d’impasses en rebondissements, l’enquête réservera quelques surprises…
Le niveau des actrices et acteurs est excellent et la réalisation est solide également. Seuls certains éléments du script peuvent être discutés quant à leur crédibilité. Vu la qualité globale, on peut affirmer que la sortie de ce film signe l’émergence d’un nouveau talent coréen.

Sandy Foulon

City of Darkness (Twilight of the Warriors: Walled In)   ★★★★
Soi Cheang (Hong Kong)

Soi Cheang, qui avait signé l’un des principaux coups de cœur de En Cinémascope lors de la 40e édition du BIFFF avec Limbo, film ayant reçu une Mention spéciale du Jury Black Raven (voir notre critique), était de retour dans la sélection du BIFFF de cette année avec Twilight of the Warriors: Walled In, retitré City of Darkness en France.
Avec ce film d’action suivant le jeune Chan Lok-kwun, immigré clandestin cherchant à amasser de l’argent afin d’acheter les papiers nécessaires pour se mettre en règle auprès des autorités de Hong Kong, et se réfugiant dans la citadelle de Kowloon alors qu’il est pris en chasse par des triades, le réalisateur hongkongais confirme une nouvelle fois sa maestria. Ce qui le distingue du tout-venant du genre ? Une dimension humaine forte, un soin fou apporté à ses décors absolument extraordinaires (son amour pour l’histoire de cette « citadelle » est palpable, voir pour s’en convaincre les scènes de la vie quotidienne ajoutées lors du générique de fin) et, bien sûr, une grande maîtrise des scènes de combats. Un film d’action à la fois ébouriffant et touchant.

S.F.

Hallow Road   ★★
Babak Anvari (Royaume-Uni / Irlande / République tchèque)

Le réalisateur de Under the Shadow est de retour avec ce thriller intelligent porté par Rosamund Pike (Meurs un autre jour, Le Dernier Pub avant la fin du monde, Gone Girl) et Matthew Rhys (La Tranchée, Crazy Bear). Ces derniers y forment un couple qui reçoit, en pleine nuit, un appel téléphonique de leur fille désespérée. Celle-ci vient de renverser une personne ayant surgi juste devant elle sur une route déserte qui traverse un bois. Catastrophés, les parents prennent la voiture pour se rendre sur les lieux de l’accident afin d’aider leur enfant. Commence alors une course contre la montre.
Tout le film joue sur l’urgence de la situation et sur le hors-champ : à l’exception de quelques scènes, la caméra ne quittera pas la voiture dans laquelle se trouve le couple. On ne prendra connaissance de tout ce que vit la fille que par conversations téléphoniques, astuce de mise en scène diabolique, l’imagination du spectateur étant rudement mise à contribution. Surtout quand quelques répliques étranges amènent le film aux frontières du fantastique. Quelques indices sont jetés en pâture mais l’ambiguïté persistera jusqu’à la fin. Plusieurs interprétations des faits sont possibles. Un thriller efficace et stimulant.

S.F.

Hallow Road   ★★★★
Babak Anvari (Royaume-Uni / Irlande / République tchèque)

Thriller incroyablement nerveux et d’une efficacité redoutable, qui se déroule presqu’exclusivement dans une voiture, Hallow Road constitue l’un de nos gros coups de cœur du Festival.
On y suit l’échange téléphonique entre deux parents et leur fille après un évènement tragique. Sans rien dévoiler, signalons que l’ambiance de l’œuvre est oppressante et, la tension, extrêmement forte, et gérée à la perfection, scotchant le spectateur à son siège.
Nous restons dans le même environnement pendant tout le film et, avec un procédé fort simple et très peu de moyens, le réalisateur parvient, avec brio, à nous tenir en haleine en nous prenant aux tripes.
Rosamund Pike est sensationnelle, livrant une performance d’une intensité inouïe. Une très belle réussite et l’un des plus grands films de cette édition que ce Hallow Road !

Jules de Foestraets

The Home (Hemmet)   ★★
Mattias Johansson Skoglund (Suède/Islande/Estonie)

Joel est de retour dans sa petite ville natale pour placer sa vieille maman dans une maison de retraite suite à l’AVC qu’elle a subi et dont elle n’est pas sortie tout à fait indemne. Au fur et à mesure, il semble de plus en plus évident que la dame âgée est possédée par une force maléfique.
Skoglund déroule son film d’épouvante sur un rythme posé, avec une tonalité de drame dépressif. Tant le personnage de la mère que celui du fils ont leurs traumatismes et leurs démons intérieurs (mari/père abusif décédé, inclination pour la boisson…).
The Home joue sur la peur du vieillissement et son lot de détériorations physiques et mentales. Essentiellement psychologique, il se laisse tout de même aller à un ou deux jumpscares bien sentis. Face à une durée de films qui a fort tendance à s’allonger ces dernières années, celui-ci a le mérite de ne pas en faire trop avec son heure et demie qui convient bien au genre. Une production nordique intéressante et inquiétante, par les thématiques qu’elle brasse notamment.

S.F.

Honey Bunch   ★★
Madeleine Sims-Fewer et Dusty Mancinelli (Canada)

Le duo qui avait réalisé Violation, sélectionné à l’édition du BIFFF online (2021), est de retour avec ce Honey Bunch concourant dans la compétition internationale. L’actrice principale, Grace Glowicki, est également réalisatrice et actrice de Dead Lover, film projeté lui aussi cette année au BIFFF.
Après un accident de voiture qui l’a laissée amnésique, Diana est emmenée par son mari dans une clinique privée qui propose des thérapies révolutionnaires. Au fur et à mesure, leur couple va être mis à rude épreuve.
Mélange de romance et de thriller sur fonds d’expérimentations médicales, ce film brille par son esthétique, notamment la superbe photo d’Adam Crosby, qui sublime les décors naturels qui entourent la clinique, et par l’interprétation impressionnante de Grace Glowicki. La nature exacte de la thérapie suivie, qu’on ne révélera pas car elle fait partie des surprises que réserve le scénario, ouvre des perspectives passionnantes et l’on gage qu’elle pourrait intéresser David Cronenberg. À la fois beau, touchant et perturbant, Honey Bunch est une œuvre atmosphérique et psychologique qui mérite d’être découverte. Signalons, néanmoins, qu’elle ne s’adresse pas aux inconditionnels de l’action débridée.

S.F.

Les Maudites (El Llanto)   ★★★
Pedro Martín-Calero (Espagne/Argentine/France)

Présenté sous son titre international The Wailing, Les Maudites témoigne une fois encore du savoir-faire de l’Espagne en matière de cinéma fantastique. Coscénarisé par Isabel Peña (scénariste qui travaille régulièrement avec Rodrigo Sorogoyen – voir El Reino, The Beasts…), il s’agit du premier film de Pedro Martín-Calero, un réalisateur à tenir à l’œil.
Dans les années 2020, à Madrid, Andrea se rend compte qu’une silhouette masculine, qu’elle ne voit pas en vrai, apparaît systématiquement en arrière-plan des vidéos qu’elle fait d’elle-même. Fin des années 90, en Argentine, l’étudiante en cinéma Camila, qui filme à son insu Marie, une jeune femme d’origine française qui l’obsède, observe qu’une silhouette masculine est visible sur tous les plans où figure Marie… Trois portraits de jeunes femmes (Andrea, Camila et Marie), trois actrices (Ester Expósito, Malena Villa et Mathilde Ollivier) bien choisies, tant pour leur jeu que pour leur physique.
Le réalisateur insiste sur les aspects dramatiques et humains de cette histoire surnaturelle, avec quelques touches d’épouvante. De bonne facture, Les Maudites laisse une agréable impression générale, avec juste un petit goût de « pas assez », dû notamment à une fin un peu abrupte.

S.F.

Sister Midnight   ★★
Karan Kandhari (Inde)

Découverte intéressante que ce film indien, bien qu’il s’agisse d’une œuvre qui ne se voit qu’une seule fois, son visionnage étant assez éprouvant. Nous immergeant dans le quotidien froid et déprimant d’une jeune mariée, le film dénonce la condition de la femme en Inde, nous mettant en présence d’un personnage féminin malheureux, obligée de vivre avec un mari qu’elle n’aime pas.
Sister Midnight comporte, volontairement selon nous, de vraies longueurs, afin que le spectateur ressente au mieux l’ennui que vit cette femme au quotidien. Cela rend parfois le film difficile à suivre. Signalons aussi que la touche fantastique met un certain temps à arriver.
L’actrice principale est excellente et porte véritablement le film sur ses épaules.
Lent dans l’ensemble, le film possède, paradoxalement, une série de passages très dynamiques parfois délirants, qui contrastent avec l’atmosphère globalement morne de l’œuvre.

J.d.F.

The Surfer   ★★
Lorcan Finnegan (Australie/Irlande/États-Unis)

Ce nouveau film du réalisateur de Vivarium et de The Nocebo Effect est un thriller dramatique mettant en vedette Nicolas Cage. Ce dernier y campe un père se rendant sur la plage australienne qui a marqué sa jeunesse afin de la faire découvrir à son fils adolescent et de surfer avec lui. Il veut également en profiter pour lui annoncer une bonne nouvelle : il est en tractations avec sa banque et un agent immobilier pour acheter la maison qu’il a connue à l’époque et qui donne sur la mer. Mais rien ne va se passer comme prévu : un groupe de locaux va leur interdire l’accès à la plage, menaçant et humiliant ce père qui ne va pas vouloir lâcher l’affaire…
Avec ce film, la volonté de Finnegan est de proposer un équivalent moderne des films dits d’Ozploitation des années 70 et 80, en particulier dans le sillage de Réveil dans la terreur (Ted Kotcheff, 1971). Il y parvient plutôt bien, avec un Nicolas Cage en forme et une réalisation insistant sur les effets du cagnard australien (allant jusqu’à des effets psychédéliques) et sur la déchéance totale du personnage principal. Du petit-lait pour les fans de Cage !

S.F.

The Ugly Stepsister (Den stygge stesøsteren)   ★★
Emilie Blichfeldt (Danemark/Norvège/Pologne/Roumanie/Suède)

Pour ses débuts dans la cour des longs métrages, Emilie Blichfeldt a choisi une revisite trash du conte de Cendrillon vu par l’une des deux demi-sœurs de la belle. Voulant absolument attirer l’attention du Prince du Royaume lors du bal qu’il donnera, Elvira va utiliser des moyens extrêmes pour devenir plus belle. Un mariage avec l’homme le plus en vue du pays permettrait en effet de résoudre tous les gros problèmes financiers de la famille, et la jeune fille est d’autant plus motivée qu’elle est amoureuse des poèmes écrits par le Prince. Mais la concurrence est rude, surtout que la sublime Agnès, rebaptisée Cendrillon une fois tombée en disgrâce, est aussi sur le coup.
Le point de vue adopté pour raconter cette histoire est intéressant. Il permet d’avoir un autre regard sur le personnage de Cendrillon et, surtout, offre l’opportunité de tenir un discours sur le culte de la beauté physique envers et contre tout, thématique très actuelle (pensons par exemple à la banalisation de la chirurgie esthétique). Visuellement soigné, le film étonne, en outre, par ses quelques plans crus concernant les actes sexuels, tandis que les scènes gores font « mal » (pieds coupés au hachoir, par exemple). On est donc loin de la vision disneyenne du conte !

S.F.

Jean-Philippe Thiriart, Sandy Foulon et Jules de Foestraets

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Photo de couverture : Twilight of the Warriors: Walled In

Adoubé Chevalier de l’Ordre du Corbeau lors de ce 43e BIFFF, le réalisateur britannique Danny Boyle y a donné une masterclass passionnante
Crédit photo : En Cinémascope – Vincent Melebeck

Philippe Nahon, cinq ans déjà – Retour sur notre rencontre avec le plus belge des comédiens français

Philippe Nahon, cinq ans déjà – Retour sur notre rencontre avec le plus belge des comédiens français 450 302 Jean-Philippe Thiriart

Cinq ans déjà que le comédien français Philippe Nahon nous a quittés. Près de dix ans plus tôt, nous avions eu le bonheur de nous entretenir avec lui au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), où il était venu présenter La Meute, de Franck Richard, au sein de la Compétition 1ère Œuvre de fiction. Ce thriller horrifique sera projeté une nouvelle fois à Cannes cette année, lors de la 78e édition du Festival, dans le cadre de l’hommage que la grand-messe du cinéma mondial a choisi de rendre à Émilie Dequenne. La comédienne belge partageait en effet l’affiche de La Meute avec Philippe Nahon.

Notre rencontre avec cet acteur iconique du cinéma de genre fut l’occasion de revenir ensemble sur une carrière alors longue de près de cinquante ans, qui l’avait vu croiser les chemins de réalisateurs comme Jean-Pierre Melville, Gaspar Noé, Mathieu Kassovitz, Jacques Audiard, Benoît Mariage, Alexandre Aja, Fabrice du Welz, Alain Corneau, Bouli Lanners ou encore Luc Besson. Et ceux de comédiennes et de comédiens belges tels que Yolande Moreau, Cécile de France, Benoît Poelvoorde, François Damiens, Philippe Grand’Henry et Jean-Jacques Rausin.

Philippe Nahon était un grand monsieur, un amoureux de son métier, qui avait su rester simple.

Philippe Nahon était venu présenter La Meute au FIFF
Crédit photo : Damien Marchal

J’aimerais vous demander quelques mots sur La Meute, que vous venez présenter ici au FIFF, qui fête cette année ses vingt-cinq ans.

C’est une histoire assez sombre : celle d’une jeune femme qui prend en stop un hitchhiker(NdA : un autostoppeur) et s’arrête dans un routier assez bizarre. La tenancière, c’est Yolande Moreau. La jeune femme, c’est Émilie Dequenne. Et le jeune homme qui est pris en stop, c’est Benjamin Biolay. Et tout à coup, le jeune homme disparaît en allant aux toilettes. La jeune femme est quand même très inquiète. Elle attend, puis arrive un ancien flic sur le retour, qui lui propose de faire quelque chose pour elle. Elle explique que ce n’est pas nécessaire. Mais moi, je lui prends quand même son numéro de téléphone. Et comme je suis dans ma roulotte et que je m’emmerde un peu, je lui téléphone. À ce moment-là, j’entends des cris horribles. Et là, le film démarre vraiment. Il y a quelques très bons moments, assez drôles. Pour une fois, je suis très drôle dans un film.

Dans Haute Tension, vous l’étiez aussi…

Oui, c’est vrai ! Cela dit, Haute Tension, il ne faut pas le prendre au premier degré. (Il rit.) Mais j’ai beaucoup aimé faire le film.

Et jouer avec Cécile de France.

Jouer avec Cécile, c’est formidable !

En 2005, Arnaud Cafaxe vous consacrait un documentaire, intitulé Philippe Nahon, de l’acteur fétiche à l’icône. Est-ce que Philippe Nahon, c’est plutôt l’acteur fétiche, l’icône ou un peu des deux ?

Un peu des deux. J’ai été invité pour la première fois à un festival qui a lieu en Franche-Comté, à Audincourt, qui s’appelle le « Bloody week-end ». Ça veut dire ce que ça veut dire ! Je me suis rendu compte que j’avais vraiment une multitude de fans, que j’étais l’acteur français qui incarnait, à leurs yeux, la figure emblématique du film de genre, de Calvaire à Haute Tension, en passant par La Meute.

Comment décririez-vous le lien qui vous unit à Gaspar Noé, dont vous êtes l’acteur fétiche ? Vous êtes présent dans tous ses longs métrages, hormis Enter the Void.

Il est très indépendant. Il va jusqu’au bout de ses idées, de son propos. Il y va ! C’est pour ça que je trouve que c’est un grand bonhomme. Je dois lui dire « merci », d’ailleurs, parce que c’est grâce à lui que je suis encore là aujourd’hui, que je suis là aujourd’hui.

Et vous êtes là depuis 1962, depuis Le Doulos, réalisé par Jean-Pierre Melville il y a près de cinquante ans déjà !

Oui : c’était mon premier film ! Je revenais de la guerre d’Algérie et six mois après, je tournais Le Doulos, qui me voit mourir dans les bras d’Adjani. Ils ne m’ont pas eu là-bas, en Algérie, mais je meurs dans les bras d’Adjani ! (Il rit.) Mais bon, je préfère mourir dans les bras d’Adjani.

On a évoqué Melville et Gaspar Noé, mais il y a eu aussi Kassovitz, Audiard, Besson… Et puis de jeunes réalisateurs comme Fabrice du Welz.

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de jeunes réalisateurs comme Fabrice du Welz. Après Noé et Seul contre tous.

Philippe Nahon, Seul contre tous chez Gaspar Noé

Avez-vous constaté une évolution au niveau du travail de réalisation ?

Je ne me rends pas compte de la technique. Je ne suis pas un technicien. Dans ce métier, je suis devant la caméra. On m’a d’ailleurs plusieurs fois demandé pourquoi je n’allais pas derrière. Je réponds que je ne pourrais pas. Je préfère être devant. Et je crois que je le serai tant que je pourrai respirer, marcher, courir et tomber. Le plus tard possible. (NdA : Philippe Nahon était encore devant une caméra en 2018, celle d’Aurélia Mengin, qui l’a dirigé dans le drame Fornacis.)

Vous alternez les petites et les grosses productions, vous qui êtes tantôt à l’affiche d’un film comme Les convoyeurs attendent, de Benoît Mariage, tantôt à celle du Adèle Blanc-Sec de Luc Besson, notamment.

Oui, tout à fait ! Ou avec Corneau et son film Le Deuxième Souffle. On est tranquille, pénard : on peut s’installer dessus, on peut s’installer dedans. Et puis plein de courts métrages où il n’y a pas un rond. Plein de films qu’on fait à l’arrache pour la même raison.

C’est important pour vous d’aider de jeunes réalisateurs ?

Oui, bien sûr. Si je n’ai pas de trucs à faire, je le fais. Parce que j’ai envie de les aider, parce qu’ils le méritent, parce qu’ils en crèvent de ne pas pouvoir mettre bas, de ne pas pouvoir enfanter leurs projets. Et moi, ça me fait mal au cœur de voir des scénarios dans des tiroirs, qui ne voient jamais le jour. Les jeunes réalisateurs ont souvent pas mal de rage. Mais je n’ai pas envie non plus de faire du cinéma commercial. Ça ne m’intéresse pas.

Pourtant, vous en avez eues, de telles propositions…

Oui, j’en ai eu plusieurs, que j’ai refusées. Je perdrais le potentiel d’amitié que j’ai avec les jeunes qui croient en moi. Fabrice du Welz m’a dit que j’étais un dieu vivant à Toronto !

Cela ne nous étonne pas !
Les films dans lesquels vous jouez s’adressent souvent à un public averti mais vous avez également prêté votre voix au seigneur Arnold dans Chasseurs de dragons. Comment cela s’est-il passé ?

En réalité, j’avais déjà fait des doublages pour des séries et des films qui venaient d’Allemagne, des États-Unis ou d’Italie. Et là, les réalisateurs du film Chasseurs de dragons avaient envie que je sois Arnold.

Vous avez pas mal bossé en Belgique…

Je vais prendre la nationalité belge. Je vais demander l’asile politique. C’est peut-être dangereux mais en tout cas, c’est moins dangereux que chez nous ! (Il rit.)

Y a-t-il, selon vous, des choses inhérentes au cinéma belge, qui font de lui un cinéma particulier ?

Les productions sont faites un peu à l’arrache. Ce n’était pas une grosse production avec Bouli pour Eldorado. Ce n’était pas non plus une énorme production avec Fabrice. J’adore venir en Belgique parce que ce sont des gens simples qui ne se la pètent pas du tout, qui font leur boulot très honnêtement. J’ai été accepté. J’ai acheté une maison en Bretagne, par exemple, en me demandant s’ils allaient m’accepter. Et, au bout d’un mois, ils m’ont tous accepté. Là-bas et en Belgique.

Dans MR 73, d’Olivier Marchal, Philippe Nahon livre, une fois de plus, une très grande prestation

Dans Haute Tension, vous jouez une scène armé d’un rasoir, scène que l’on imagine périlleuse. Il y a eu deux prises, pas une de plus…

J’avais très peur car je devais aller vite. Il ne fallait pas non plus la faire dix fois. On a fait une répétition et puis on a, en effet, fait deux prises. Giannetto De Rossi, le maquilleur italien du film (NdA : celui-là même qui avait œuvré sur le Dune de David Lynch), m’avait montré comment il fallait procéder pour, tout de suite, trouver le petit filet où passer le rasoir. La lame était bien sûr complètement émoussée mais j’avais peur de la toucher, malgré l’épaisseur de la protection qu’elle avait.

Vous avez tourné avec pas mal d’acteurs belges : Bouli Lanners et Cécile de France donc, Benoît Poelvoorde, Jean-Jacques Rausin

Avec François Damiens et Philippe Grand’Henry aussi, qui faisait mon fils dans Calvaire.

Un film hyper singulier, comme tous les films de Fabrice du Welz d’ailleurs.

Calvaire, tout le monde m’en parle. Il a fait Vinyan aussi…

Qu’est-ce qui fait, selon vous, qu’il faut absolument voir Calvaire ?

La scène de la danse dans le café est extraordinaire ! Et puis cette espèce de type paumé dans les bois et tous ceux qui rêvaient de cette femme partie.

Qui est revenue… sans vraiment revenir !

Qui est revenue… sans vraiment revenir ! (Il rit.) Et tout le monde lui court après, jusqu’à vouloir la tuer.

Philippe Nahon dans Calvaire, le premier long métrage de Fabrice du Welz

Si quelqu’un souhaitait réaliser un remake d’un des films dans lesquels vous avez joué, lequel serait envisageable ? Je pense à un réalisateur comme Alexandre Aja par exemple, qui en a fait quelques-uns maintenant.

Si c’était pour refaire Seul contre tous, je crois que ça ne marcherait pas. C’est moi qui ferais le remake ! (Il rit.)

Avec un passage derrière la caméra pour ce film-là alors ?

Ah non, devant toujours !

S’il y avait un personnage que vous rêveriez d’interpréter, quel serait-il ? Vous avez souvent interprété des personnages assez durs, des flics ripoux aussi…

Il y en 50°000 ! Je regarde tout ce qu’on me propose et si ça me plait vraiment et que je suis libre, je dis oui !

Merci à Damien Marchal pour son aide lors de la réalisation de cette interview !

Jean-Philippe Thiriart

Photo de couverture : Philippe Nahon lors de sa venue dans la capitale wallonne
Crédit photo : FIFF – Mara De Sario

Fantastique : le BIFFF, c’est reparti !

Fantastique : le BIFFF, c’est reparti ! 1810 2560 Jean-Philippe Thiriart

À partir de ce mardi 8 avril et jusqu’au dimanche 20 de ce mois, arrêtez tout ce que vous faites car le « Brussels International Fantastic Film Festival » (BIFFF), événement incroyable, est de retour au Palais 10 du Heysel. Cet événement iconique de la ville de Bruxelles, qui ravit les amateurs de cinéma fantastique depuis maintenant 42 ans revient avec un nouveau programme d’anthologie ! Malheureusement, ce festival est en danger : s’il manque de financements, il pourrait ne pas revenir l’année prochaine…

L’ambiance qui règne au BIFFF est chaleureuse et complètement unique ! Découvrir un film là-bas est une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Le public réagit lors des séances, les gens rigolent, crient parfois. On y vit des moments merveilleusement humains. Des films de genres très différents et des quatre coins du monde y sont mis à l’honneur. De l’horreur à la comédie noire, en passant par des films d’action survitaminés, il y en a pour tous les goûts !

Le BIFFF, c’est aussi un lieu de rencontres extraordinaires. Des passionnés de cinéma fantastique s’y retrouvent chaque année et on y croise aussi de nombreux acteurs du métier. Le Festival accueille ainsi chaque année plusieurs invités de marque. Cette fois, le réalisateur Danny Boyle, à qui l’on doit des œuvres cultes comme Trainspotting, 28 jours plus tard ou encore Slumdog Millionnaire, sera présent au Festival. Il sera fait Chevalier de l’Ordre du Corbeau, au même titre que le réalisateur français Christophe Gans et un autre Français : le comédien Christophe Lambert.

Les événements

Au BIFFF, on ne voit pas seulement des films : c’est aussi la chance de pouvoir assister à de magnifiques événements ! Arrêtons-nous sur trois d’entre eux…

Le 9e Art Contest

Du 10 au 13 avril, se déroulera le 9e Art Contest. Il s’agit d’une compétition qui invite les candidats à exploiter pleinement leur potentiel créatif. L’objectif est de réaliser, en cinq heures, une toile sur le thème de l’art fantastique. Les œuvres sont ensuite exposées pendant le reste du Festival.

Le Bal des Vampires

Le 19 avril, à partir de 22h, jusqu’au lendemain matin, six heures, le mythique Bal des Vampires redébarque au BIFFF ! Cela fera 40 ans que cette grande soirée costumée du Festival endiable Bifffeurs et Bifffeuses. Si on y retrouve des costumes plus dingues et somptueux les uns que les autres, c’est aussi l’occasion de danser toute la nuit aux côtés de créatures tout droit sorties droit de films d’horreur !


La Nuit Fantastique

Rayon films, le 12 avril, se déroulera l’emblématique Nuit Fantastique. Au programme : une nuit complète de folie, en compagnie d’un public enflammé prêt à découvrir quatre courts métrages et autant de longs, choisis spécialement par les organisateurs pour rendre ce moment inoubliable. Au bout de ce marathon filmique, un petit-déjeuner salutaire compris dans le prix de cette Nuit Fantastique.

Mais ce n’est pas tout : nombreuses sont les autres activités qui auront lieu lors du Festival !

Le BIFFF en danger !

Ce merveilleux événement, tellement important pour le cinéma et notre patrimoine pourrait malheureusement ne pas revenir l’année prochaine. Sans garantie de financements, notamment au niveau des subsides régionaux, il est possible qu’il n’y ait pas de 44e édition en 2026 ou, pire, que le Festival disparaisse purement et simplement. Il est donc impératif d’apporter tout notre soutien au BIFFF et à ses organisateurs tant ce serait une perte énorme si cet événement venait à s’arrêter. En rejoignant la Guilde de l’Ordre du Corbeau, par exemple, ce qui consiste en un soutien financier au Festival en l’échange de chouettes contreparties. Et ce à partir de 20 euros. À vous de voir, alors, si vous vous situez du côté lumineux de la force ou de son côté… obscur !

La programmation 2025

Quelques lignes, à présent, sur différents films qui seront diffusés au Festival cette année et qui méritent, selon nous, une mise en avant.

Planète B

Ce film de science-fiction français, mettant en scène les comédiennes de renom Adèle Exarchopoulos et Souheila Yacoub, raconte l’histoire d’une France dominée par un gouvernement autoritaire qui enferme les insoumis dans des prisons virtuelles.
10 avril – 21h30


The Surfer

Le nouveau film de ce bon vieux Nicolas Cage, réalisé par l’Irlandais Lorcan Finnegan. Ici, notre Nico préféré joue un surfer qui casse la figure à des gangsters sur une plage australienne. Tout un programme !
11 avril – 19h


Screamboat

Devenu libre de droit, Winnie l’ourson est apparu dans plusieurs films d’horreur. À présent, c’est au tour de la toute première version dark de Mickey Mouse de se retrouver en tête d’affiche d’un film d’épouvante fauché. On y retrouvera David Howard Thornton, qui jouera la souris tueuse, lui qui avait déjà interprété le clown Art dans la saga Terrifier. C’est évident, ce sera tout sauf du Shakespeare. Mais découvrir une farce pareille avec le public en délire du BIFFF promet d’être une expérience incroyable !
12 avril – Nuit Fantastique


Hallow Road

Un thriller nerveux et intense, mettant en vedette l’actrice Rosamund Pike. On y suivra des parents qui vont devoir gérer une situation dramatique et tragique après que leur fille a provoqué un grave accident de voiture.
16 avril – 19h

Atoman

Le premier film de super-héros marocain ! Un projet original qui voit la création d’un super-héros marocain ancré dans la mythologie locale. L’acteur Samy Naceri, révélé au grand public via la franchise culte Taxi, fait partie du casting.
19 avril – 15h


Get Away

On retrouve Nick Frost, l’acteur fétiche du réalisateur Edgard Wright et éternel comparse du comédien Simon Pegg, dans cette comédie horrifique britannique. Il y joue un père de famille devant affronter un tueur en série qui rôde sur l’île où lui et ses proches ont élu domicile pour les vacances. Cela promet d’être un spectacle fun et jouissif, idéal à découvrir en compagnie des Bifffeurs et des Bifffeuses !
19 avril – 19h

Plus d’infos sur le site du Festival.

Excellent BIFFF à toutes et à tous !

Jules de Foestraets et Jean-Philippe Thiriart

Au revoir Émilie… – Émilie Dequenne (1981-2025)

Au revoir Émilie… – Émilie Dequenne (1981-2025) 1800 1232 Jean-Philippe Thiriart

Écrire cet article nous est difficile. Son titre, notamment.
Et refermer la parenthèse de ce dernier, surtout.

C’est qu’Émilie Dequenne a été tout sauf une parenthèse dans nos vies.
Dans notre vie d’amoureux du cinéma. Tant d’auteur que populaire.
Dans celle de journaliste, aussi.

Hier, ont eu lieu ses funérailles et nous tenons, à notre manière, à la remercier pour ces quelques instants précieux vécus avec elle au fil des années.

Ce fut, à chaque fois, un vrai bonheur d’être témoin de sa passion pour le cinéma, belge notamment, qu’elle a fait rayonner aux quatre coins du monde.

C’est que si elle illuminait l’écran, Émilie Dequenne était aussi, humainement, une personne rare.

Merci à elle d’avoir tant donné au septième art, de nous avoir tant donné !

Émilie Dequenne aux 12e Magritte du Cinéma

En guise d’au revoir, nous avons choisi de partager avec vous nos interviews d’Émilie aux 12e Magritte du Cinéma.

Émilie aux 12e Magritte du Cinéma avec Close, de Lukas Dhont.

Lauréate du trophée de la Meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation à fleur de peau d’une maman courage dans le Close de Lukas Dhont, elle mettait en avant, avec éclat, toute l’affection qu’elle avait pour le film, pour son réalisateur Lukas Dhont et pour l’expérience humaine vécue avec l’équipe du film.

C’est avec tendresse que nous vous invitons aussi à la voir nous parler de son plaisir de jouer. C’est qu’elle choisissait ses rôles avec un rare soin, se livrant à chaque fois pleinement pour leur donner toute leur substance.

Émilie nous parle de son plaisir de jouer.

Une filmographie dense et variée

« Je m’appelle Rosetta »

Pour nombre d’entre nous, Émilie restera la bouleversante Rosetta des frères Dardenne. Elle avait d’ailleurs fêté le quart de siècle du film l’an dernier à Cannes, première Palme d’Or décernée à un long métrage belge. Elle était alors en rémission de ce foutu cancer diagnostiqué en été 2023, qui l’a emportée beaucoup trop tôt.

C’est en 1999, en effet, que les Frères Dardenne nous racontaient, à travers elle, l’âpre lutte d’une jeune fille exclue d’une société dans laquelle elle tente coûte que coûte de trouver sa place. Si le film remportait la récompense cannoise suprême, il allait aussi consacrer une toute jeune Émilie Dequenne, Prix d’interprétation féminine à même pas 18 ans.

Ce regard… celui d’Émilie Dequenne, la Rosetta des Dardenne

Au total, sa filmographie compte près de cinquante films, pour une carrière longue de 25 ans. Parmi lesquels figurent, outre les quatre œuvres belges essentielles que sont À perdre la raison, Pas son genre (voir ci-dessous), Chez nous et Close, des œuvres aussi diverses que, pour n’en citer que quelques-unes, Le Pacte des loups (Christophe Gans, 2001), Une femme de ménage (Claude Berri, 2002), La fille du RER (André Téchiné, 2009), Au-revoir là-haut (Albert Dupontel, 2017), Survivre (Frédéric Jardin, 2023) ou encore TKT (T’inquiète) (Solange Cicurel, 2024).

Elle restera aussi, pour nous, la touchante Brigitte de Philippe Lioret dans L’équipier, où elle était, comme à son habitude, pétillante de naturel.

Émilie, Cannes, les César…

Émilie obtenait un second Prix d’interprétation à Cannes en 2012 pour son incarnation d’une maman à la dérive dans À perdre la raison (Joachim Lafosse, 2012).

En 2021, elle se voyait décerner le César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (Emmanuel Mouret, 2020).

… et les Magritte du Cinéma !

En Belgique, elle a été présente et récompensée à plusieurs reprises aux Magritte du Cinéma, cinéma belge francophone et cinéma belge flamand confondus.

En effet, outre son Magritte de la Meilleure actrice dans un second rôle décerné en 2023 pour Close, de Lukas Dhont, et mis en avant ci-dessus en images, Émilie a remporté trois autres statuettes : celles de la Meilleure actrice, cette fois, pour À perdre la raison, ainsi que pour Pas son genre et Chez nous (Lucas Belvaux, 2014 et 2017).

Émilie, amusée et amusante, en 2013, aux Magritte du Cinéma
Crédit photo : En Cinémascope – Simon Van Cauteren

Sa présidence des Magritte du Cinéma et Pas son genre

Émilie Dequenne avait également présidé la quatrième Cérémonie des Magritte du Cinéma. C’était en 2014 et c’est dans ce cadre que nous l’avions rencontrée cette année-là, quelques minutes seulement avant sa prise de parole sur la scène de la grande salle du Square, à Bruxelles. Ci-dessous, un extrait de cet entretien.

En Cinémascope : En 2013, vous remportiez le Magritte de la Meilleure actrice pour votre interprétation dans À perdre la raison, de Joachim Lafosse. Cette année-ci, en 2014, vous êtes la présidente de la Cérémonie. Quel sentiment vous anime à quelques minutes du début de la soirée ?

Émilie Dequenne : C’est un trac immense ! C’est très particulier parce que je vois ça comme une responsabilité très importante. Je le dirai ce soir lors de l’ouverture de la cérémonie : au début, ça m’a fait sauter de joie et danser. Et après, je suis un peu redescendue sur terre. Je me suis dit que j’étais quand même très jeune et me suis demandé s’il n’y avait pas plus présidentiable que moi. Mais je vous raconterai tout ça tout à l’heure.

Présider la cérémonie aux côtés de Fabrizio Rongione, qui sera, lui le Maître de Cérémonie, ça doit vous faire quelque chose de particulier ?

Bien sûr ! Avec Fabrizio, c’est spécial parce qu’on s’est connus sur Rosetta. Et il s’agit, pour moi, du film qui a marqué un changement de position, une prise de conscience dans le cinéma belge. Et je pense à tous les autres artistes qui seront présents ce soir sur cette scène. C’est excessivement important pour moi !

Et d’ajouter : « Pas son genre est un film merveilleux qui parle d’amour et dans lequel ça chante et ça danse ! »

Elle avait vu juste en pressentant que « ça va être un très joli film ! », elle qui a été pour beaucoup dans la beauté du film de Lucas Belvaux.

Émilie, quelques minutes avant sa présidence des 4e Magritte du Cinéma
Crédit photo : En Cinémascope – Simon Van Cauteren

Aux Magritte 2015, nous félicitions Jean-Pierre Dardenne pour les trois Magritte qu’il avait obtenu avec son frère Luc pour Deux jours, une nuit, soulignant qu’un lien les unissait à deux autres Magritte décernés ce soir-là. À savoir ceux obtenus par deux des acteur et actrice qu’ils avaient fait naître au cinéma : Jérémie Renier et… Émilie Dequenne, récompensés respectivement ce soir-là des Magritte du Meilleur acteur dans un second rôle (Saint Laurent – Bertrand Bonello, 2014) et de celui de la Meilleure actrice pour Pas son genre, de Lucas Belvaux, donc.

Il nous avait répondu que « Luc et moi, nous sommes très contents pour Jérémie parce que c’est un excellent comédien. Ainsi que pour Émilie. Depuis que nous la connaissons, je pense que le rôle qu’elle joue dans le film de Lucas Belvaux était un grand rêve pour elle. Il y a tellement longtemps qu’elle rêvait de pouvoir chanter au cinéma et d’avoir un rôle aussi flamboyant ! ».

Nous ne pouvons qu’abonder dans le sens des propos de Jean-Pierre Dardenne : Émilie crève l’écran, rayonnant comme jamais dans le film de Lucas Belvaux !

Autre témoignage de sa proximité avec notre cinéma, Émilie était, en 2020, la marraine d’exception du premier volume de « La Belge Collection », quatre courts métrages 100% belges.

Nous vous proposons de laisser le mot de la fin à l’actrice Monica Bellucci, rencontrée aux 10e Magritte du Cinéma. Elle nous parle notamment d’Émilie.
Nous la rejoignions. Nous la rejoignons. Tellement !


Puissiez-vous reposer en paix, à présent, Émilie.

Enfin, beaucoup de courage à votre famille et à vos proches !

Jean-Philippe Thiriart

Le 18e Offscreen Film Festival démarre ce soir au Nova !

Le 18e Offscreen Film Festival démarre ce soir au Nova ! 350 494 Jean-Philippe Thiriart

Outre le Cinéma Nova, où cette 18e édition d’Offscreen s’ouvrira aujourd’hui sur le coup de 19h, le Festival investira, jusqu’au 30 mars, trois autres lieux bruxellois : le Cinémas RITCS, le Cinéma Aventure et CINEMATEK.

Des décentralisations auront également lieu à Namur, à Mons et en Flandre. Plus tard, Liège prendra le relais, du 1er au 11 avril, avec la 11e édition d’Offscreen Liège.

Au programme cette année, notamment :
– un focus majeur sur la Folk Horror britannique et irlandaise,
– « Weird Greece », mise à l’honneur du cinéma d’exploitation grec avec la projection de films introduits par le spécialiste Jacques Spohr, créateur de L’Insatiable,
– un hommage au dessinateur, scénariste et réalisateur de films d’animation belge Picha, avec la programmation notamment de Tarzoon, la honte de la jungle, Le chaînon manquant et Le big bang,
– la projection du légendaire huitième épisode de la troisième saison de Twin Peaks, en hommage au regretté David Lynch, épisode coréalisé avec Mark Frost, et
– une bourse aux films d’occasion d’Offscreen.

Le huitième épisode de la troisième saison de Twin Peaks sera projeté

Cette 18e édition de l’Offscreen Film Festival sera à nouveau l’occasion pour les festivaliers de découvrir bon nombre de films en rétrospectives ou en avant-premières, des avant-premières qui seront au nombre de… 18. Forcément !

Alors… join the cult !

Plus d’infos sur le site du Festival.

Jean-Philippe Thiriart, avec la participation de Sandy Foulon

Carton plein pour LA NUIT SE TRAINE aux 14e Magritte du Cinéma !

Carton plein pour LA NUIT SE TRAINE aux 14e Magritte du Cinéma ! 2560 1707 Jean-Philippe Thiriart

Samedi dernier se tenait, pour la première fois à Flagey, la Cérémonie des Magritte du Cinéma, présidée par Déborah François et présentée par Charline Vanhoenacker.

Le moins que l’on puisse écrire est que La Nuit se Traine, réalisée par le jeune cinéaste bruxellois Michiel Blanchart a fait fort, très fort !

L’équipe de ce thriller hyper efficace a en effet raflé chacun des Magritte pour lesquels le film était nominé ce soir-là.
Soit quatre trophées remis directement à Michiel Blanchart : Meilleur film, Meilleur premier film, Meilleur réalisation et Meilleur scénario.
Mais aussi six autres : Meilleure image (Sylvestre Vannoorenberghe), Meilleur son (David Vranken, David Gillain, Joey Van Impe, Thibaud Rie, Fabrice Grizard, Antoine Wattier et Vincent Gregorio), Meilleur montage (Matthieu Jamet-Louis), Meilleurs décors (Catherine Cosme), Meilleurs costumes (Isabel Van Renterghem) et… Meilleur acteur dans un second rôle pour Jonas Bloquet !

Autre jeune cinéaste récompensée à différentes reprises samedi, trois fois pour être précis : Paloma Sermon-Daï.
Si la réalisatrice andennaise ne s’est pas vu décerner de Magritte à titre personnel, ses qualités de directrice d’acteurs n’en ont pas moins fait mouche puisque chacune et chacun de ses comédiens nominés ont remporté un Magritte : celui du Meilleur espoir féminin pour Purdey Lombet, du Meilleur espoir masculin pour Makenzy Lombet, son frère à la ville comme à l’écran, et de la Meilleure actrice dans un second rôle pour celle qui joue, avec brio, leur mère dans Il pleut dans la maison : Louise Manteau.

Les talentueux Purdey et Makenzy Lombet, Magritte des Meilleurs espoirs féminin et masculin pour leur interprétation dans Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï

Le Magritte du Meilleur documentaire a été décerné à Les miennes de Samira El Mouzghibati tandis que les Magritte du Meilleur court métrage de fiction, documentaire, et d’animation, sont allés respectivement à Eldorado de Mathieu Volpe, Les Vivant·es d’Inès Rabadán, et En mille pétales de Louise Bongartz.

Les Films du Fleuve, la maison de production des Frères Dardenne et de Delphine Tomson a, quant à elle, été doublement récompensée, le Magritte du Meilleur film flamand et celui du Meilleur film étranger en coproduction allant à Julie zwijgt (Julie se tait) de Leonardo van Dijl pour le premier, et à La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius pour le second, deux films coproduits par la société liégeoise.

Niveau records, outre la quantité jamais vue de statuettes remportées par un seul et même film avec les dix Prix de La Nuit se Traine, cette année a été marquée par deux autres : ceux du plus grand nombre de Magritte d’interprétation obtenus, dont deux d’affilée pour un premier rôle ! Ces performances, ce sont Lubna Azabal et Arieh Worthalter qui les signent en se voyant décerner un cinquième Magritte, la comédienne étant récompensée pour sa prestation dans Amal de Jawad Rhalib, le comédien étant, lui, salué pour son travail sur Chiennes de vies, de Xavier Seron.

Xavier Seron, réalisateur de Chiennes de vies, et Arieh Worthalter, un des ses acteurs principaux, qui obtient cette année son cinquième Magritte, un record !

Pour la première fois, le Magritte de la Meilleure musique originale n’est pas venu récompenser un mais… deux films, la partition du film de Agnieszka Hollande Green Border, signée par Frédéric Vercheval, et celle du film de Claude Barras Sauvages, du duo Charles de Ville – Nelly Tungang, obtenant le même nombre de votes à l’issue du second tour !

Enfin, ce n’était pas une surprise : le Magritte d’honneur a été remis à un Gilles Lellouche qui y a vu « l’encouragement le plus beau (…) reçu de [sa] carrière ».

Vive le cinéma, le belge notamment, vous l’aurez compris !

Jean-Philippe Thiriart

Crédit photos : En Cinémascope – Vincent Melebeck

Les Magritte du Cinéma ? C’est ce soir et… ça déménage !

Les Magritte du Cinéma ? C’est ce soir et… ça déménage ! 1707 2560 Jean-Philippe Thiriart

La cérémonie récompensant chaque année ce que le cinéma belge, francophone principalement, fait de mieux, c’est reparti !

Avec, pour présidente, la comédienne, scénariste et réalisatrice belge Déborah François.

Le temps d’une soirée, les Magritte du Cinéma mettront une nouvelle fois à l’honneur une série d’acteurs et d’actrices du septième art belge. Pour une quatorzième édition qui va… déménager !

Déménager :

– du Théâtre National Wallonie-Bruxelles au lieu emblématique et chargé d’histoire qu’est Flagey ;

– de La Trois à Auvio, pour la cérémonie elle-même à partir de 20h40 en direct. Avec cependant un passage sur le tapis bleu des Magritte tout de suite après le JT de La Une, différent·e·s nominé·e·s défilant aux micros de Cathy Immelen et de François De Brigode ; et

– sur scène, avec une Charline Vanhoenacker en Maîtresse de Cérémonie qui saura, nous en prenons les paris, apporter ce qu’il faut de piquant pour donner du sel à l’événement !

Charline Vanhoenacker, Maîtresse de Cérémonie de ces 14e Magritte du Cinéma
Crédit photo : Magritte du Cinéma – Emmanuel Laurent

L’année dernière, les films belges francophones ont globalement réussi à tirer leur épingle du jeu dans nos salles, avec, en tête, plus de 50 000 entrées pour TKT, de Solange Cicurel, et près de 45 000 pour La Nuit se Traine, de Michiel Blanchart.

Nombreux sont les premiers longs métrages de fiction nominés cette année, avec onze nominations pour La Nuit se Traine, neuf pour Quitter la nuit, de Delphine Girard, et huit pour Il pleut dans la maison, de Paloma Sermon-Daï.

Le drame Amal, réalisé par Jawad Rhalib est pour sa part nominé neuf fois, Chiennes de vies, la comédie mordante signée Xavier Seron, six, et Une part manquante, le dernier film de Guillaume Senez, quatre.

Cette année encore, ce sont 22 trophées qui viendront récompenser le meilleur du cinéma belge francophone, mais pas que puisque l’un deux viendra distinguer le Meilleur film flamand et, un autre, le Meilleur film étranger en coproduction.

Un Magritte additionnel sera remis : le Magritte d’Honneur, décerné cette année à l’acteur et réalisateur français Gilles Lellouche.

Gilles Lellouche recevra cette année un Magritte d’Honneur
Crédit photo : Marcel Hartmann/Studiocanal

Enfin, notez qu’à l’occasion de sa Semaine du Cinéma belge, la RTBF rend disponibles sur Auvio toute une série de films belges et/ou portés par des acteurs et/ou actrices belges, parmi lesquels, pour n’en citer que quelques-uns :
Adieu les cons,
Des Hommes,
En amont du fleuve,
– L’Exercice de l’État,
Incendies,
Le Jeune Ahmed,
Nos Batailles,
Préjudice, et
Saint Laurent.

Excellents 14e Magritte du Cinéma, et vive le cinéma belge !

Jean-Philippe Thiriart

Crédit photo de la photo de couverture : Magritte du Cinéma – Emmanuel Laurent

Excellente année 2025, avec En Cinémascope !

Excellente année 2025, avec En Cinémascope ! 1920 1080 Jean-Philippe Thiriart

Toute l’équipe de En Cinémascope vous souhaite une excellente année 2025 !

Quatre acteurs du cinéma belge et international se joignent à nous, en images, pour vous faire part de nos vœux pour cette nouvelle année.

Une année 2025 qui sera pour vous, nous l’espérons, parsemée de grands et de petits bonheurs. Notamment cinématographiques, ça va sans dire ! Mais, plus largement, que cette année vous comble de bonheur, vous, ainsi que celles et ceux qui vous sont chers !

Et c’est avec joie que nous partagerons, avec vous, tout au long de l’année 2025, le cinéma en plans larges.

Notre vidéo « Vœux 2025 » est à découvrir ici !

Enfin, merci beaucoup à nos complices !
– Michiel Blanchart,
– Claude Barras,
Xavier Seron et
Etienne Cadet !

Crédits vidéo
Captation : Valéria Lopes dos Santos, Geoffrey Baras et Lionel Callewaert
Montage : Zalou Wacquiez

Et merci à Vinnie Ky-Maka !

Jean-Philippe Thiriart