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LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : critiques du film et du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : critiques du film et du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs 1280 777 Jean-Philippe Thiriart

Aujourd’hui, sort dans nos salles Reflet dans un diamant mort, le nouveau film du duo Hélène Cattet-Bruno Forzani. Avant de vous en livrer une critique, nous vous proposons un retour sur leur métrage précédent : Laissez bronzer les cadavres.

Au menu : critique du film, du combo Blu-ray – DVD, et interview des réalisateurs.

Et, en guise de petit plus, notre interview de Manu Dacosse, le directeur de la photographie du film, rencontré aux Magritte du Cinéma l’année où y était présent L’étrange couleur des larmes de ton corps, le deuxième long métrage de Hélène Cattet et Bruno Forzani, pour lequel il avait remporté le Magritte de la Meilleure image. Un prix qui lui a à nouveau été décerné, quatre en plus tard, pour son travail sur Laissez bronzer les cadavres.

Le film

Du Plomb en Or

Laissez bronzer les cadavres   ★★★★

Réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani
Scénario : Hélène Cattet et Bruno Forzani, d’après le roman Laissez bronzer les cadavres! de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid
Directeur de la photographie : Manu Dacosse
Avec Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Hervé Sogne, Bernie Bonvoisin, Pierre Nisse, Marc Barbé, Michelangelo Marchese

Thriller
1h30

Une bande de braqueurs dérobe 250 kilos d’or. Après le casse, les malfrats se voient contraints d’emmener deux femmes et un enfant, se rendant dans un village abandonné et reculé qui sert de planque à la bande. Mais l’arrivée de deux flics va bouleverser les plans de chacun et la retraite virera bientôt au carnage.

Avec ce troisième film, librement adapté du roman éponyme de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid, le duo de réalisateurs Cattet-Forzani enfonce le clou et s’impose comme garant d’un cinéma de genre nouveau qui ne manque pas de rendre hommage aux anciens, gialli italiens en tête de liste.
Après Amer (2010) et L’étrange couleur des larmes de ton corps (2014), l’identité cinématographique du couple est confirmée par ce nouveau long métrage réalisé de mains de maîtres.

L’esthétique, si chère à la réalisatrice et au réalisateur, est encore une fois au premier plan de Laissez bronzer les cadavres. Au même titre que leurs deux films précédents, une influence du cinéma italien des années 70 ne peut être niée. Nous voilà donc ici en présence d’un ovni à la croisée des chemins entre film noir, polar et western.

Esthétique rime avec beauté plastique mais pas seulement. Certes, Cattet et Forzani attachent en effet énormément d’importance au rendu visuel de leurs films, avec la photographie éblouissante de Manu Dacosse (NDLR : la photographie d’Amer et de L’étrange couleur des larmes de ton corps, c’était déjà lui. Il avait d’ailleurs obtenu le Magritte de la Meilleure image pour son travail sur L’étrange couleur des larmes de ton corps : voir notre interview ci-dessous.) Mais ils ne s’arrêtent pas là, la bande-son jouant également un rôle prédominant dans l’atmosphère du film. Que ce soit la bande originale ou simplement les bruitages de scène (aaah, ce son envoûtant du cuir !), l’ensemble participe à l’œuvre et chaque aspect contribue à ce que l’objet filmique soit un réel plaisir des sens.

Manu Dacosse, lauréat en 2019 du Magritte de la Meilleure image pour son travail sur Laissez bronzer les cadavres
Crédit photo : Madame fait son Cinéma – Stéphanie Lannoy

Et ces sens, parlons-en. Le cinéma du duo est un cinéma sensoriel, charnel. La caméra ne se veut pas uniquement le vecteur de présentation des scènes mais représente un réel relais entre celles-ci et le spectateur, au point que ce dernier peut ressentir la chaleur plombante du soleil, les odeurs, les textures. La manière de filmer, les différents points de vue adoptés ou encore les gros plans sur des parties de corps (marque de fabrique des réalisateurs depuis leurs débuts) y sont évidemment pour beaucoup dans cette envie de faire participer celui ou celle qui se laisse prendre au jeu et peuvent très facilement reléguer au second plan un jeu d’acteurs parfois bancal.

Signalons que c’est le monteur son et coordinateur des effets visuels Daniel Bruylandt qui a collaboré avec le duo Cattet-Forzani sur leurs quatre longs métrages. Il remportait d’ailleurs, aux côtés de Yves Bemelmans, Benoît Biral et Olivier Thys, le Magritte du Meilleur son pour Laissez bronzer les cadavres. Il a aussi travaillé sur le son en postproduction de The Belgian Wave de Jérôme Vandewattyne, réalisateur de Slutterball et de Spit’n’Split, notamment.

Laissez bronzer les cadavres est un métrage résultant d’une certaine expérimentation en matière de mise en scène. Si chaque détail, chaque mouvement de caméra, chaque coup de feu a son importance, certaines idées et transitions de plan participent également à l’ambiance générale. Une très jolie preuve que le cinéma peut encore inventer. Et surprendre !

Guillaume Triplet, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

Le combo Blu-ray – DVD

★★★★

Bel objet pour le moins complet que ce combo Blu-ray – DVD de Laissez bronzer les cadavres, qui comprend le film en Blu-ray et en DVD, donc, ainsi qu’une série de bonus, et quels bonus ! Cinq interviews, la bande annonce et un teaser du film, le récit de tournage, écrit par le journaliste et critique de cinéma Christophe Lemaire sous forme de livret et, enfin, deux courts métrages du duo Cattet-Forzani : Santos Palace (2006) et O is for Orgasm (segment de The ABCs of Death, film à sketches d’horreur américano-néo-zélandais sorti en 2012).

Les interviews

Plutôt que de prendre eux-mêmes la parole, estimant peut-être qu’elle et il le font déjà entièrement à travers leurs films, Hélène Cattet et Bruno Forzani préfèrent ici la donner, pendant près d’une heure et demie, à quatre de leurs acteurs et actrices – Elina Löwensohn, Dominique Troye, Stéphane Ferrara et Bernie Bonvoisin -, et à Jean-Pierre Bastid, coauteur avec Jean-Patrick Manchette du roman éponyme de Laissez bronzer les cadavres, et Doug Headline, le fils de ce dernier, qui est aussi le producteur associé du film.

Elina Löwensohn établit un lien entre le cinéma de ses réalisateurs et les gialli, de Dario Argento notamment. Elle explique qu’avec eux, elle a le sentiment de faire du vrai cinéma et détaille leur processus créatif si spécifique. Elle qui « préfère faire des films où la personnalités des auteurs est présente », ne souhaite pas jouer dans « des films qu’on peut voir à la télé », et a un véritable amour pour la pellicule.

Ensuite, Dominique Troye, qui n’était plus retournée devant une caméra depuis 25 ans, jouant bien souvent des rôles pour le moins déshabillés, souligne entre autres à quel point ses réalisateurs sont complémentaires, après nous avoir parlé de sa rencontre avec eux et de la façon dont son rôle lui a été confié. Elle présente aussi, de manière fort intéressante, la conception d’un des dispositifs utilisés pendant le tournage, dont nous ne vous dirons rien de plus, de peur de divulgâcher une partie du récit, comme disent nos amis québécois.

Par après, Stéphane Ferrara, ancien champion de boxe « formé par Galabru », nous parle de sa rencontre avec Jean-Paul Belmondo, rencontre qui en a, elle-même, mené à une autre : celle de Jean-Luc Godard. Lui, pour qui la caméra doit aimer les acteurs, voit en Hélène Cattet et Bruno Forzani deux des membres de sa famille de cinéma, eux qui transgressent les règles du cinéma en faisant du grand cinéma à travers, ici, un film précurseur. Il nous parle alors, lui aussi, de son rapport à la pellicule.

Au tour du comédien rockeur Bernie Bonvoisin, par la suite, de nous parler de la manière de travailler de Hélène Cattet et Bruno Forzani, des « chabraques » dans l’univers desquels c’est « un privilège d’entrer ». Il explique combien il sentait sur le plateau, situé à 800 mètres d’altitude, « qu’il se passait quelque chose de différent », combien, quand on allait « se le prendre dans la gueule », ça allait être puissant. Il nous confie aussi qu’il a vu dans ce film des choses qu’il n’avait jamais vues auparavant.

Enfin, ce sont Jean-Pierre Bastid et Doug Headline qui, séparément, nous permettent d’en apprendre encore davantage sur le film.

Jean-Pierre Bastid, grand amoureux du cinéma américain de série B, nous retrace la genèse de l’ouvrage coécrit avec Jean-Patrick Manchette. Il évoque aussi, notamment, leur envie de cinéma, bien avant l’écriture de Laissez bronzer les cadavres !, livre dans lequel il voit un polar, certes, mais aussi un western.
Doug Headline, lui, nous fait part, entre autres, de la manière dont a été coécrit Laissez bronzer les cadavres !, une expérience d’écriture à la fois « assez hasardeuse et assez sympathique » d’un livre qui renferme un peu de commentaire social, ainsi que socio-culturel.

Jean-Philippe Thiriart

L’interview des réalisateurs

Bruxelles, Avenue Louise, Workshop Café. 8 janvier 2018, 17h.

C’est dans ce cadre détendu mais néanmoins propice au travail que nous avons rendez-vous avec les réalisateurs Hélène Cattet et Bruno Forzani à l’occasion de la sortie, le mercredi 10 janvier 2018, de leur troisième long métrage : Laissez bronzer les cadavres. Le sourire aux lèvres et tout en décontraction, les responsables des chefs-d’œuvre Amer et L’étrange couleur des larmes de ton corps ne seront pas avares en explications sur leurs méthodes de travail, leurs visions cinématographiques, leurs influences et la « carte blanche » qui leur sera consacrée au Cinéma Nova du 10 janvier au 25 février 2018. Un entretien des plus riches autour d’un thé, d’une eau gazeuse et d’un double espresso. Parce qu’on a beau être détendu, on n’en est pas moins sérieux.

En Cinémascope : Laissez bronzer les cadavres est votre troisième long métrage. Vous avez déjà une certaine notoriété auprès du public de cinéma de genre mais pour un public plus large, qui sont Hélène Cattet et Bruno Forzani ?

Bruno Forzani : Moi, j’ai l’impression que c’est Hélène qui a la réponse. (il rit)

Hélène Cattet : C’est assez difficile comme question. C’est vrai qu’on a un certain public mais j’ai l’impression qu’on touche un public déjà un peu plus large que celui du cinéma de genre. On a bien sûr un public fidèle au genre mais on passe aussi dans des festivals de films plus généralistes.

B.F. : Les spectateurs qui aiment le genre aiment peut-être nos films parce qu’ils y trouvent tous les ingrédients en termes d’érotisme ou de violence car on y va à fond. Et les gens qui aiment plus le cinéma d’auteur avec une recherche formelle ou esthétique y trouvent aussi leur compte parce qu’il y a aussi un gros travail à ce niveau-là. C’est un peu pour ça que nos films passent dans des festivals de films de genre mais aussi dans des musées d’art contemporain ou encore à l’UGC comme au Nova. C’est assez varié. C’est difficile à définir, ça mélange plein de choses.

Laissez bronzer les cadavres, un duel au soleil

E.C. : Ce film est adapté d’un roman de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce livre et vous a donné envie de l’adapter au cinéma ?

H.C. : Pour ma part, ce que j’ai aimé en le lisant, c’est que je l’ai trouvé d’emblée très cinématographique et très visuel. Tout y était déjà posé : les ambiances, presque les cadrages… c’était tout le temps dans l’action. Et cette action me faisait penser à des westerns à l’italienne. Je m’y suis vraiment retrouvée parce que, comme on aime beaucoup le cinéma de genre italien des années 70, j’ai vraiment eu des images qui me sont revenues de films à la Sergio Leone.

B.F. : Ce que moi, j’ai aimé, en lisant le livre, c’est que tout était raconté en termes d’espace et de temps. Donc c’était hyper cinématographique. Et ça rejoignait ce qu’on avait fait avant puisqu’on n’est pas du tout dans une approche psychologisante mais plutôt dans une optique comportementaliste où les personnages se définissent par leurs actions.

H.C. : Les personnages se racontent par ce qu’ils font. On comprend qui ils sont en les voyant agir et pas par des dialogues explicatifs. C’est vraiment cette action, leurs gestes, les choix qu’ils font, qui parlent des personnages et qui font tout avancer.

E.C. : Vous parliez de cinéma italien des années 70. Que ce soit dans Amer, dans L’étrange couleur des larmes de ton corps ou encore ici, dans Laissez bronzer les cadavres, on remarque bien que l’esthétique est prédominante chez vous, qu’elle soit visuelle ou sonore. L’influence de ce genre de cinéma est-elle encore assumée ou devient-elle ennuyeuse pour vous à force d’entendre dire que vos films sont des hommages aux gialli italiens ?

B.F. : Il y a deux choses en fait. Le côté années 70 est assumé parce qu’on est nés dans cette période-là. Mais c’était surtout une époque où le cinéma était en recherche, était très créatif. Tu as eu la Nouvelle Vague à la fin des années 60 et puis le cinéma de genre par la suite était quelque chose de créatif, ce n’étaient pas juste des produits, il y avait une vraie recherche. Donc, de ce point de vue-là, on est dans cette mouvance. Par contre, on ne perçoit pas vraiment ce qu’on fait comme des hommages à un truc qu’on aime bien. C’est quelque chose de plus viscéral. On se sert davantage d’un langage pour raconter des histoires personnelles.

H.C. : C’est vrai que ce cinéma nous a nourris et nous a inspirés mais je pense qu’on a digéré et oublié ces références, et maintenant elles sont en nous. Quand on fait un film, ça sort naturellement. C’est devenu notre vocabulaire, notre manière de faire.

E.C. : Vous parlez justement de ce qui vous a nourris. Quel est donc votre parcours cinématographique ?

B.F. : Ça a commencé quand on était petits avec ce qui passait à la télé genre King Kong, Charlot… Les premiers souvenirs que j’ai, c’est ça. Et puis après, au cinéma, j’ai vu les Walt Disney. Par la suite j’ai découvert Fellini avec La Dolce Vita vers mes dix ans. À partir de douze ans, j’étais à fond dans les films d’horreur, slashers et autres. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le cinéma de genre italien où, par rapport aux films américains qui étaient des produits sans surprise, tu avais vraiment de la mise en scène, la violence était exploitée de manière graphique et pas du tout puritaine. Ça donnait quelque chose de différent. Après cela, il y a eu Orange Mécanique. J’étais à cette époque en recherche d’adrénaline. J’entendais parler de ce film depuis que j’étais petit et je me le représentais un peu comme un summum de la violence. Alors que quand je l’ai vu, ce n’était pas un film violent mais plutôt un film sur la violence, ce qui m’a donné un autre point de vue. Et donc si tu me demandes mon parcours cinématographique, je te dirais que tout s’est un peu construit en allant de Charlot à Orange Mécanique.

Orange mécanique, un des films qui ont construit le réalisateur qu’est Bruno Forzani

H.C. : Pour ma part, c’est plus comme si j’avais trouvé un moyen d’expression. Je n’ai jamais été super à l’aise pour parler ou m’exprimer par le verbe. Donc quand j’ai découvert la manière dont on faisait des films, j’ai eu l’impression de trouver un moyen de dire les choses. C’est vraiment avec la pratique que j’ai appris. On a commencé à faire des courts métrages autoproduits, sans argent. On faisait ça avec les copains et on a appris petit à petit à faire nos films, à construire notre univers, à essayer des choses…
Les festivals nous ont aussi beaucoup aidés, soutenus, encouragés. Et grâce à eux, on a essayé de trouver un producteur. C’est comme ça qu’on a rencontré notre productrice, Eve Commenge, avec qui on a fait tous nos longs métrages.

B.F. : C’est aussi avec elle qu’on a fait notre dernier court, Santos Palace (2005).

H.C. : Ce court métrage a été notre première expérience avec un producteur. On a donc progressé à partir de là.

B.F. : On a appris de manière pragmatique et non intellectuelle. Comme on a commencé à faire les choses avec des moyens très pauvres, on ne pouvait pas faire tout ce qu’on avait dans la tête. On a donc toujours conçu les films par rapport aux moyens qu’on avait et pas par rapport à une idée folle.

H.C. : Pour les courts métrages, on n’avait rien du tout, pour ainsi dire. C’était vraiment le système de la débrouillardise totale et ça nous a appris à fonctionner d’une certaine manière. C’est comme ça qu’on a fait Amer.

B.F. : On voulait tourner en pellicule mais comme on n’avait pas d’argent pour en acheter, on l’a fait en diapositives comme Chris Marker dans La Jetée (NDLR : court métrage français sorti en 1962 et salué par la critique). On ne pouvait donc pas faire de prises de sons directes. Du coup, on a développé cette manière de faire le son en postproduction.

H.C. : Tous nos films sont faits comme ça. On n’a pas de preneur de son, donc tous nos films sont muets quand ils sont tournés et montés. Après, on recrée tous les sons avec un bruiteur.

B.F. : Il y a donc un deuxième tournage, qui est sonore.

H.C. : C’est pour ça que le son est aussi important, parce qu’il y a une étape où on ne travaille que ça.

E.C. : Ce qui marque chez vous, au niveau de la réalisation, c’est l’importance de chaque détail. Comme si chaque plan et chaque point de celui-ci participaient à la narration du film. On a l’impression que vous êtes de grands perfectionnistes…

B.F. : C’est un peu notre problème et du coup on souffre beaucoup. (il rit) La postproduction est donc un long tunnel de neuf mois.

H.C. : Il faut être un peu masochiste. C’est super dur mais on n’arrive pas à faire autrement. Chaque détail parle de l’histoire et des personnages donc chaque détail est important.

B.F. : Du coup, dans la manière de travailler, on est obligés d’être là en permanence dans le dos des gens et de les embêter. (il rit)

E.C. : Il y a aussi un côté très expérimental chez vous…

B.F. : Pour ma part, ce n’est pas quelque chose que je revendique mais c’est juste parce qu’on essaie de raconter nos histoires par la forme, par le montage et par des outils cinématographiques. Alors est-ce que c’est le cinéma qui est devenu plus pauvre maintenant et que dès que tu travailles un peu la forme et que tu utilises un peu ces outils, ça devient expérimental tellement le reste, ce n’est que des champs – contre-champs avec des personnes qui parlent dans une pièce, je ne sais pas. Mais moi, en tout cas, je n’ai pas la sensation de faire des films expérimentaux.

H.C. : Moi non plus mais je sais qu’on essaie d’utiliser au plus ces outils visuels et sonores. C’est vrai qu’on essaie des choses et on en « expérimente » d’autres quand même.

E.C. : Vous fixez-vous des limites dans ces mises en forme ?

B.F. : Moi, ma seule limite, c’est Hélène.

H.C. : Et moi, c’est Bruno. (ils rient) On s’arrête quand on est satisfaits et qu’on a réussi à faire passer tel ou tel sentiment. On aime raconter des choses avec un certain nombre d’éléments mais que ceux-ci ne soient pas totalement expliqués. On aime que le spectateur se crée aussi son histoire.

E.C. : Vous laissez une place à l’interprétation…

H.C. : Exactement ! Comme quand on lit un livre. On s’imagine des choses, on a sa place dans le livre. On veut que le spectateur ait aussi sa place dans le film et que chacun, en fonction de qui il ou elle est, de son expérience, de son bagage, s’imagine ou vive les choses un peu différemment que son voisin. Et, en même temps, ça reste une démarche collective parce que c’est quelque chose qu’on fait pour l’ensemble.

E.C. : Finalement c’est une démarche assez vendeuse pour vos films parce que ça signifie qu’on peut regarder plusieurs fois le film et le vivre peut-être différemment à chaque fois.

B.F. : On le fait dans cette optique-là, pour qu’à chaque fois que tu le revois, tu découvres de nouvelles choses et qu’il prenne plus de profondeur.

E.C. : Y a-t-il une dimension mystique, de rêves ou de fantasmes dans les histoires que vous racontez ?

H.C. : Tout à fait. C’est vrai que ce film-ci est un peu différent des autres mais on essaie de travailler sur les fantasmes des personnages…

B.F. : Et d’effacer la limite entre le rêve et la réalité.

H.C. : On essaie de jouer avec les frontières : passé-présent, rêve-réalité, fantasme-réalité…

E.C. : À ce propos, existe-t-il un rêve ou un fantasme cinématographique que vous aimeriez réaliser ?

B.F. : J’ai déjà l’impression qu’on l’a réalisé avec tout ce qui nous arrive en ce moment, le fait d’avoir fait des courts métrages et trois longs, que des personnes s’intéressent à ce qu’on fait, que ça procure des sensations aux gens, de les voir émus ou énervés à la fin du film…

Laissez bronzer les cadavres, ça va chier !

E.C. : Vous aimez susciter les réactions ?

H.C. : Nous, on aime bien avoir des réactions au cinéma. On aime ressortir en étant questionnés, perturbés, épuisés. En tout cas, en ayant vécu quelque chose qui nous fait réfléchir. C’est donc peut-être pour ça aussi qu’on fait de tels films.

E.C. : Pourriez-vous nous parler de la bande originale et de vos choix musicaux pour Laissez bronzer les cadavres ?

H.C. : Le thème principal vient du film La Route de Salina de Georges Lautner (1970).

B.F. : C’est un film français qui a été tourné à Lanzarote. Un peu particulier, parfois légèrement Quatrième Dimension et totalement hippie dans l’esthétique et dans la nudité des personnages. Et cette musique assez incroyable a été écrite par le chanteur français Christophe. Elle nous faisait énormément penser aux westerns de Sergio Leone et comme notre film est un peu un mélange de genres, on trouvait que cette musique était cohérente. Puis on a utilisé des vrais thèmes de westerns à l’italienne comme Le Dernier Face à face d’Ennio Morricone. (NDLR : extrait du film du même nom de Sergio Sollima (1967)) On a utilisé plusieurs thèmes de ce compositeur dans le film. Notre but était d’utiliser ces musiques parfois dans un autre contexte que celui pour lequel elles avaient été faites au départ. On en a par exemple utilisé une dans la phase de préparation du braquage dans le film, donc plus dans un contexte de polar que de western. Une autre provient de la période bruitiste d’Ennio Morricone. Quand il collaborait avec Dario Argento, donc purement giallesque expérimentale. Et une autre vient du giallo Qui l’a vue mourir ? (Aldo Lado, 1972) Le thème est assez atypique, avec des chœurs d’enfants. Et on l’a utilisé parce qu’on cherchait quelque chose d’un peu fiévreux pour la scène du duel. On avait essayé de l’utiliser à l’époque pour L’étrange couleur des larmes de ton corps mais ça ne collait trop au giallo et donc ça aurait eu ce côté hommage et référence qu’on ne voulait pas. Alors qu’ici, elle avait sa place et pouvait avoir une autre signification.

Le Dernier Face à face, plus qu’une source d’inspiration pour Hélène Cattet et Bruno Forzani

E.C. : N’est-ce pas trop difficile de faire des films à deux tout le temps ?

H.C. : Si, c’est super dur. (elle rit)

E.C. : Des conflits artistiques ?

H.C. : Oui, tout le temps. (elle rit)

B.F. : Après L’étrange couleur des larmes de ton corps, on ne pouvait plus se saquer. (il rit)

E.C. : Mais vous avez remis le couvert quand même…

B.F. : Oui, on a remis le couvert mais en partant sur une adaptation. On n’avait pas un scénario personnel.

H.C. : C’est la première fois qu’on adapte quelque chose mais c’était pour retrouver une manière plus légère de travailler. Comme les films précédents étaient très personnels et que, malgré tout, on a des points de vue et des univers différents, le but était de faire quelque chose où les deux soient satisfaits. Et parfois, c’est une lutte.

B.F. : Surtout que ce sont des films qui sont sensoriels, subjectifs, c’est donc assez difficile quand l’un ressent le truc et l’autre pas, parce que si tu ressens, tu ne peux pas expliquer à l’autre.

H.C. : C’est intéressant malgré tout, mais ce n’est pas la facilité.

Une carte blanche au Nova pour le duo de réalisateurs

E.C. : À partir de ce mercredi 10 janvier 2018, vous avez une carte blanche au Cinéma Nova. Quatre films seront projetés. J’aimerais terminer cette interview en vous demandant quelques mots sur chacun d’eux et sur ce qu’ils représentent pour vous.

B.F. : Il y a Bullet Ballet (Shin’ya Tsukamoto, 1998), un film au son assez puissant et au montage hyper « cut », dont tu ressors assez épuisé. Mais c’est une expérience que tu ne peux vivre qu’en salle. Les premiers films de Tsukamoto, je les avais d’ailleurs découverts au Nova. Tu parlais tout à l’heure de détails et j’avais lu une interview de Tsukamoto concernant Tetsuo 2 (1992) où il disait qu’un des grands maîtres japonais avait vu le premier Tetsuo (1989) et lui avait dit que ça manquait de détails. Il a donc fait Tetsuo 2 en y faisant plus attention et ça m’avait marqué.

H.C. : Il y a aussi Seul contre tous (Gaspar Noé, 1998, avec Philippe Nahon). C’est un film qui nous a réunis parce qu’on l’a vu ensemble au Nova, décidément, et c’est un film qui nous a donné quelque part le déclic pour commencer à faire des films sans argent. C’est un film qui est autoproduit et que Noé a fait par ses propres moyens. C’est en pellicule, c’est ingénieux, et la photo est magnifique.

B.F. : Et c’est en cinémascope ! (NDLR : ouiii : il l’a dit !) En termes de cadre, c’était hyper carré, fixe.

H.C. : Ça nous a beaucoup influencés dans la démarche et l’esthétique. Il est à la base de notre collaboration.

B.F. : C’est aussi une manière complètement transversale d’aborder le genre. C’est comme un « vigilante » mais raconté d’une autre manière.
Après, il y a Le Dernier Face à face de Sergio Sollima (1967) dont l’une des musiques se retrouve dans Laissez bronzer les cadavres. Par rapport aux westerns à l’italienne, il est moins graphique que les autres mais les personnages cassent un peu le mythe américain. Ils sont tous gris et tu n’as pas le gentil shérif et les méchants indiens. Au niveau de l’histoire, c’est aussi très prenant parce que c’est une autre manière de raconter cette histoire américaine.

Venus in Furs, dont le réalisateur, Jess Franco, a réalisé plus de 200 films

H.C. : Et le dernier c’est Venus in Furs (Jess Franco, 1969) pour le côté psychédélique, pop, 70s.

B.F. : Personnellement, je trouve que c’est un des meilleurs films de Jess Franco, même si je ne les ai pas tous vus puisqu’il en a fait 180 (il rit) (NDLR : Jess Franco est en fait crédité pour plus de 200 réalisations.) Après, en termes de pop, de costumes, d’iconographie de l’héroïne, d’effets… c’est très créatif. Il y a aussi le côté jazzy du film par sa musique et sa construction. Et pour Laissez bronzer les cadavres, on a aussi abordé l’esthétique avec un côté pop. Donc ce genre de films nous a aussi inspirés.
La carte blanche du Nova met ainsi en évidence quatre films qui représentent autant de facettes de notre approche.

Propos recueillis par Guillaume Triplet, avec la participation de Jean-Philippe Thiriart

L’interview de Manu Dacosse

Manu Dacosse, directeur photo, notamment, de tous les longs métrages de fiction belges de Fabrice du Welz depuis que le réalisateur de Calvaire et lui ont travaillé ensemble sur Alleluia (Adoration, Inexorable et Maldoror) avait remporté, en 2015, aux Magritte du Cinéma, le Magritte de la Meilleure image pour sa direction photo sur le deuxième long métrage de Hélène Cattet et Bruno Forzani : L’étrange couleur des larmes de ton corps.

En Cinémascope : Comment avez-vous travaillé avec votre duo de réalisateurs, Hélène Cattet et Bruno Forzani, sur L’étrange couleur des larmes de ton corps ?

Manu Dacosse : Ça fait 15 ans que je travaille avec Hélène et Bruno. Nous avons fait plusieurs courts métrages ensemble, dès que je suis sorti de l’école. Puis on a reçu des subventions et leur premier long métrage, Amer, s’est monté, lequel m’a ouvert d’autres portes.

Amer, qui était en lice aux premiers Magritte du cinéma…

Tout à fait. Ensuite, Fabrice Du Welz a vu ce film et m’a appelé pour Alléluia.

L’étrange couleur des larmes de ton corps est un film que Vincent Tavier, producteur d’Alleluia, notamment, aurait beaucoup aimé produire…

On fait un peu partie de la même famille. C’est quelqu’un que j’apprécie énormément, tout comme le style des films qu’il produit. Et c’est vrai que je pense qu’il nous aiderait sans doute si on faisait appel à lui. On fait partie de cette même petite famille-là du cinéma de genre en Belgique.

Comment traduisez-vous à l’image les idées de vos réalisateurs. Elles sont parfois complètement folles. Un challenge pour vous ?

Ils ont des idées complètement folles mais c’est pour ça que je les aime ! (il rit) Ils me poussent toujours dans mes derniers retranchements et je n’ai pas de limite avec eux. C’est pareil avec Fabrice (du Welz) : on ne se donne pas de limite. On va au bout, on cherche et on pousse. Je fais d’autres films que l’on pourrait qualifier de plus commerciaux. Ici, il s’agit vraiment d’un cinéma de genre qui veut, à mon sens, se démarquer des autres cinémas. On pousse donc dans les limites.

Un mot sur le BIFFF, le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles, si vous le voulez bien ?

J’aimerais bien y voir un de nos films sélectionné. J’y vais souvent et je trouve que c’est un très bon festival à l’excellente programmation. Je serais heureux qu’ils m’invitent. (NDLR : Manu Dacosse avait été, peu après, invité par le Festival, mais n’a finalement pas pu s’y rendre en raison de son emploi du temps.) Ils ont fait une conférence de directeurs photo voici deux ans qui était vraiment très intéressante. Ce sont des gens qui aiment le cinéma.

Trois raisons pour lesquelles il faut aller voir Alleluia, cette fois ?

Parce que c’est vraiment du cinéma.
Parce qu’on ne sort pas indemne du film.
Et parce que c’est un film très fort sur l’amour et ses dérives.

Propos recueillis par Jean-Philippe Thiriart

Philippe Nahon, cinq ans déjà – Retour sur notre rencontre avec le plus belge des comédiens français

Philippe Nahon, cinq ans déjà – Retour sur notre rencontre avec le plus belge des comédiens français 450 302 Jean-Philippe Thiriart

Cinq ans déjà que le comédien français Philippe Nahon nous a quittés. Près de dix ans plus tôt, nous avions eu le bonheur de nous entretenir avec lui au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), où il était venu présenter La Meute, de Franck Richard, au sein de la Compétition 1ère Œuvre de fiction. Ce thriller horrifique sera projeté une nouvelle fois à Cannes cette année, lors de la 78e édition du Festival, dans le cadre de l’hommage que la grand-messe du cinéma mondial a choisi de rendre à Émilie Dequenne. La comédienne belge partageait en effet l’affiche de La Meute avec Philippe Nahon.

Notre rencontre avec cet acteur iconique du cinéma de genre fut l’occasion de revenir ensemble sur une carrière alors longue de près de cinquante ans, qui l’avait vu croiser les chemins de réalisateurs comme Jean-Pierre Melville, Gaspar Noé, Mathieu Kassovitz, Jacques Audiard, Benoît Mariage, Alexandre Aja, Fabrice du Welz, Alain Corneau, Bouli Lanners ou encore Luc Besson. Et ceux de comédiennes et de comédiens belges tels que Yolande Moreau, Cécile de France, Benoît Poelvoorde, François Damiens, Philippe Grand’Henry et Jean-Jacques Rausin.

Philippe Nahon était un grand monsieur, un amoureux de son métier, qui avait su rester simple.

Philippe Nahon était venu présenter La Meute au FIFF
Crédit photo : Damien Marchal

J’aimerais vous demander quelques mots sur La Meute, que vous venez présenter ici au FIFF, qui fête cette année ses vingt-cinq ans.

C’est une histoire assez sombre : celle d’une jeune femme qui prend en stop un hitchhiker(NdA : un autostoppeur) et s’arrête dans un routier assez bizarre. La tenancière, c’est Yolande Moreau. La jeune femme, c’est Émilie Dequenne. Et le jeune homme qui est pris en stop, c’est Benjamin Biolay. Et tout à coup, le jeune homme disparaît en allant aux toilettes. La jeune femme est quand même très inquiète. Elle attend, puis arrive un ancien flic sur le retour, qui lui propose de faire quelque chose pour elle. Elle explique que ce n’est pas nécessaire. Mais moi, je lui prends quand même son numéro de téléphone. Et comme je suis dans ma roulotte et que je m’emmerde un peu, je lui téléphone. À ce moment-là, j’entends des cris horribles. Et là, le film démarre vraiment. Il y a quelques très bons moments, assez drôles. Pour une fois, je suis très drôle dans un film.

Dans Haute Tension, vous l’étiez aussi…

Oui, c’est vrai ! Cela dit, Haute Tension, il ne faut pas le prendre au premier degré. (Il rit.) Mais j’ai beaucoup aimé faire le film.

Et jouer avec Cécile de France.

Jouer avec Cécile, c’est formidable !

En 2005, Arnaud Cafaxe vous consacrait un documentaire, intitulé Philippe Nahon, de l’acteur fétiche à l’icône. Est-ce que Philippe Nahon, c’est plutôt l’acteur fétiche, l’icône ou un peu des deux ?

Un peu des deux. J’ai été invité pour la première fois à un festival qui a lieu en Franche-Comté, à Audincourt, qui s’appelle le « Bloody week-end ». Ça veut dire ce que ça veut dire ! Je me suis rendu compte que j’avais vraiment une multitude de fans, que j’étais l’acteur français qui incarnait, à leurs yeux, la figure emblématique du film de genre, de Calvaire à Haute Tension, en passant par La Meute.

Comment décririez-vous le lien qui vous unit à Gaspar Noé, dont vous êtes l’acteur fétiche ? Vous êtes présent dans tous ses longs métrages, hormis Enter the Void.

Il est très indépendant. Il va jusqu’au bout de ses idées, de son propos. Il y va ! C’est pour ça que je trouve que c’est un grand bonhomme. Je dois lui dire « merci », d’ailleurs, parce que c’est grâce à lui que je suis encore là aujourd’hui, que je suis là aujourd’hui.

Et vous êtes là depuis 1962, depuis Le Doulos, réalisé par Jean-Pierre Melville il y a près de cinquante ans déjà !

Oui : c’était mon premier film ! Je revenais de la guerre d’Algérie et six mois après, je tournais Le Doulos, qui me voit mourir dans les bras d’Adjani. Ils ne m’ont pas eu là-bas, en Algérie, mais je meurs dans les bras d’Adjani ! (Il rit.) Mais bon, je préfère mourir dans les bras d’Adjani.

On a évoqué Melville et Gaspar Noé, mais il y a eu aussi Kassovitz, Audiard, Besson… Et puis de jeunes réalisateurs comme Fabrice du Welz.

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de jeunes réalisateurs comme Fabrice du Welz. Après Noé et Seul contre tous.

Philippe Nahon, Seul contre tous chez Gaspar Noé

Avez-vous constaté une évolution au niveau du travail de réalisation ?

Je ne me rends pas compte de la technique. Je ne suis pas un technicien. Dans ce métier, je suis devant la caméra. On m’a d’ailleurs plusieurs fois demandé pourquoi je n’allais pas derrière. Je réponds que je ne pourrais pas. Je préfère être devant. Et je crois que je le serai tant que je pourrai respirer, marcher, courir et tomber. Le plus tard possible. (NdA : Philippe Nahon était encore devant une caméra en 2018, celle d’Aurélia Mengin, qui l’a dirigé dans le drame Fornacis.)

Vous alternez les petites et les grosses productions, vous qui êtes tantôt à l’affiche d’un film comme Les convoyeurs attendent, de Benoît Mariage, tantôt à celle du Adèle Blanc-Sec de Luc Besson, notamment.

Oui, tout à fait ! Ou avec Corneau et son film Le Deuxième Souffle. On est tranquille, pénard : on peut s’installer dessus, on peut s’installer dedans. Et puis plein de courts métrages où il n’y a pas un rond. Plein de films qu’on fait à l’arrache pour la même raison.

C’est important pour vous d’aider de jeunes réalisateurs ?

Oui, bien sûr. Si je n’ai pas de trucs à faire, je le fais. Parce que j’ai envie de les aider, parce qu’ils le méritent, parce qu’ils en crèvent de ne pas pouvoir mettre bas, de ne pas pouvoir enfanter leurs projets. Et moi, ça me fait mal au cœur de voir des scénarios dans des tiroirs, qui ne voient jamais le jour. Les jeunes réalisateurs ont souvent pas mal de rage. Mais je n’ai pas envie non plus de faire du cinéma commercial. Ça ne m’intéresse pas.

Pourtant, vous en avez eues, de telles propositions…

Oui, j’en ai eu plusieurs, que j’ai refusées. Je perdrais le potentiel d’amitié que j’ai avec les jeunes qui croient en moi. Fabrice du Welz m’a dit que j’étais un dieu vivant à Toronto !

Cela ne nous étonne pas !
Les films dans lesquels vous jouez s’adressent souvent à un public averti mais vous avez également prêté votre voix au seigneur Arnold dans Chasseurs de dragons. Comment cela s’est-il passé ?

En réalité, j’avais déjà fait des doublages pour des séries et des films qui venaient d’Allemagne, des États-Unis ou d’Italie. Et là, les réalisateurs du film Chasseurs de dragons avaient envie que je sois Arnold.

Vous avez pas mal bossé en Belgique…

Je vais prendre la nationalité belge. Je vais demander l’asile politique. C’est peut-être dangereux mais en tout cas, c’est moins dangereux que chez nous ! (Il rit.)

Y a-t-il, selon vous, des choses inhérentes au cinéma belge, qui font de lui un cinéma particulier ?

Les productions sont faites un peu à l’arrache. Ce n’était pas une grosse production avec Bouli pour Eldorado. Ce n’était pas non plus une énorme production avec Fabrice. J’adore venir en Belgique parce que ce sont des gens simples qui ne se la pètent pas du tout, qui font leur boulot très honnêtement. J’ai été accepté. J’ai acheté une maison en Bretagne, par exemple, en me demandant s’ils allaient m’accepter. Et, au bout d’un mois, ils m’ont tous accepté. Là-bas et en Belgique.

Dans MR 73, d’Olivier Marchal, Philippe Nahon livre, une fois de plus, une très grande prestation

Dans Haute Tension, vous jouez une scène armé d’un rasoir, scène que l’on imagine périlleuse. Il y a eu deux prises, pas une de plus…

J’avais très peur car je devais aller vite. Il ne fallait pas non plus la faire dix fois. On a fait une répétition et puis on a, en effet, fait deux prises. Giannetto De Rossi, le maquilleur italien du film (NdA : celui-là même qui avait œuvré sur le Dune de David Lynch), m’avait montré comment il fallait procéder pour, tout de suite, trouver le petit filet où passer le rasoir. La lame était bien sûr complètement émoussée mais j’avais peur de la toucher, malgré l’épaisseur de la protection qu’elle avait.

Vous avez tourné avec pas mal d’acteurs belges : Bouli Lanners et Cécile de France donc, Benoît Poelvoorde, Jean-Jacques Rausin

Avec François Damiens et Philippe Grand’Henry aussi, qui faisait mon fils dans Calvaire.

Un film hyper singulier, comme tous les films de Fabrice du Welz d’ailleurs.

Calvaire, tout le monde m’en parle. Il a fait Vinyan aussi…

Qu’est-ce qui fait, selon vous, qu’il faut absolument voir Calvaire ?

La scène de la danse dans le café est extraordinaire ! Et puis cette espèce de type paumé dans les bois et tous ceux qui rêvaient de cette femme partie.

Qui est revenue… sans vraiment revenir !

Qui est revenue… sans vraiment revenir ! (Il rit.) Et tout le monde lui court après, jusqu’à vouloir la tuer.

Philippe Nahon dans Calvaire, le premier long métrage de Fabrice du Welz

Si quelqu’un souhaitait réaliser un remake d’un des films dans lesquels vous avez joué, lequel serait envisageable ? Je pense à un réalisateur comme Alexandre Aja par exemple, qui en a fait quelques-uns maintenant.

Si c’était pour refaire Seul contre tous, je crois que ça ne marcherait pas. C’est moi qui ferais le remake ! (Il rit.)

Avec un passage derrière la caméra pour ce film-là alors ?

Ah non, devant toujours !

S’il y avait un personnage que vous rêveriez d’interpréter, quel serait-il ? Vous avez souvent interprété des personnages assez durs, des flics ripoux aussi…

Il y en 50°000 ! Je regarde tout ce qu’on me propose et si ça me plait vraiment et que je suis libre, je dis oui !

Merci à Damien Marchal pour son aide lors de la réalisation de cette interview !

Jean-Philippe Thiriart

Photo de couverture : Philippe Nahon lors de sa venue dans la capitale wallonne
Crédit photo : FIFF – Mara De Sario

Au revoir Émilie… – Émilie Dequenne (1981-2025)

Au revoir Émilie… – Émilie Dequenne (1981-2025) 1800 1232 Jean-Philippe Thiriart

Écrire cet article nous est difficile. Son titre, notamment.
Et refermer la parenthèse de ce dernier, surtout.

C’est qu’Émilie Dequenne a été tout sauf une parenthèse dans nos vies.
Dans notre vie d’amoureux du cinéma. Tant d’auteur que populaire.
Dans celle de journaliste, aussi.

Hier, ont eu lieu ses funérailles et nous tenons, à notre manière, à la remercier pour ces quelques instants précieux vécus avec elle au fil des années.

Ce fut, à chaque fois, un vrai bonheur d’être témoin de sa passion pour le cinéma, belge notamment, qu’elle a fait rayonner aux quatre coins du monde.

C’est que si elle illuminait l’écran, Émilie Dequenne était aussi, humainement, une personne rare.

Merci à elle d’avoir tant donné au septième art, de nous avoir tant donné !

Émilie Dequenne aux 12e Magritte du Cinéma

En guise d’au revoir, nous avons choisi de partager avec vous nos interviews d’Émilie aux 12e Magritte du Cinéma.

Émilie aux 12e Magritte du Cinéma avec Close, de Lukas Dhont.

Lauréate du trophée de la Meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation à fleur de peau d’une maman courage dans le Close de Lukas Dhont, elle mettait en avant, avec éclat, toute l’affection qu’elle avait pour le film, pour son réalisateur Lukas Dhont et pour l’expérience humaine vécue avec l’équipe du film.

C’est avec tendresse que nous vous invitons aussi à la voir nous parler de son plaisir de jouer. C’est qu’elle choisissait ses rôles avec un rare soin, se livrant à chaque fois pleinement pour leur donner toute leur substance.

Émilie nous parle de son plaisir de jouer.

Une filmographie dense et variée

« Je m’appelle Rosetta »

Pour nombre d’entre nous, Émilie restera la bouleversante Rosetta des frères Dardenne. Elle avait d’ailleurs fêté le quart de siècle du film l’an dernier à Cannes, première Palme d’Or décernée à un long métrage belge. Elle était alors en rémission de ce foutu cancer diagnostiqué en été 2023, qui l’a emportée beaucoup trop tôt.

C’est en 1999, en effet, que les Frères Dardenne nous racontaient, à travers elle, l’âpre lutte d’une jeune fille exclue d’une société dans laquelle elle tente coûte que coûte de trouver sa place. Si le film remportait la récompense cannoise suprême, il allait aussi consacrer une toute jeune Émilie Dequenne, Prix d’interprétation féminine à même pas 18 ans.

Ce regard… celui d’Émilie Dequenne, la Rosetta des Dardenne

Au total, sa filmographie compte près de cinquante films, pour une carrière longue de 25 ans. Parmi lesquels figurent, outre les quatre œuvres belges essentielles que sont À perdre la raison, Pas son genre (voir ci-dessous), Chez nous et Close, des œuvres aussi diverses que, pour n’en citer que quelques-unes, Le Pacte des loups (Christophe Gans, 2001), Une femme de ménage (Claude Berri, 2002), La fille du RER (André Téchiné, 2009), Au-revoir là-haut (Albert Dupontel, 2017), Survivre (Frédéric Jardin, 2023) ou encore TKT (T’inquiète) (Solange Cicurel, 2024).

Elle restera aussi, pour nous, la touchante Brigitte de Philippe Lioret dans L’équipier, où elle était, comme à son habitude, pétillante de naturel.

Émilie, Cannes, les César…

Émilie obtenait un second Prix d’interprétation à Cannes en 2012 pour son incarnation d’une maman à la dérive dans À perdre la raison (Joachim Lafosse, 2012).

En 2021, elle se voyait décerner le César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (Emmanuel Mouret, 2020).

… et les Magritte du Cinéma !

En Belgique, elle a été présente et récompensée à plusieurs reprises aux Magritte du Cinéma, cinéma belge francophone et cinéma belge flamand confondus.

En effet, outre son Magritte de la Meilleure actrice dans un second rôle décerné en 2023 pour Close, de Lukas Dhont, et mis en avant ci-dessus en images, Émilie a remporté trois autres statuettes : celles de la Meilleure actrice, cette fois, pour À perdre la raison, ainsi que pour Pas son genre et Chez nous (Lucas Belvaux, 2014 et 2017).

Émilie, amusée et amusante, en 2013, aux Magritte du Cinéma
Crédit photo : En Cinémascope – Simon Van Cauteren

Sa présidence des Magritte du Cinéma et Pas son genre

Émilie Dequenne avait également présidé la quatrième Cérémonie des Magritte du Cinéma. C’était en 2014 et c’est dans ce cadre que nous l’avions rencontrée cette année-là, quelques minutes seulement avant sa prise de parole sur la scène de la grande salle du Square, à Bruxelles. Ci-dessous, un extrait de cet entretien.

En Cinémascope : En 2013, vous remportiez le Magritte de la Meilleure actrice pour votre interprétation dans À perdre la raison, de Joachim Lafosse. Cette année-ci, en 2014, vous êtes la présidente de la Cérémonie. Quel sentiment vous anime à quelques minutes du début de la soirée ?

Émilie Dequenne : C’est un trac immense ! C’est très particulier parce que je vois ça comme une responsabilité très importante. Je le dirai ce soir lors de l’ouverture de la cérémonie : au début, ça m’a fait sauter de joie et danser. Et après, je suis un peu redescendue sur terre. Je me suis dit que j’étais quand même très jeune et me suis demandé s’il n’y avait pas plus présidentiable que moi. Mais je vous raconterai tout ça tout à l’heure.

Présider la cérémonie aux côtés de Fabrizio Rongione, qui sera, lui le Maître de Cérémonie, ça doit vous faire quelque chose de particulier ?

Bien sûr ! Avec Fabrizio, c’est spécial parce qu’on s’est connus sur Rosetta. Et il s’agit, pour moi, du film qui a marqué un changement de position, une prise de conscience dans le cinéma belge. Et je pense à tous les autres artistes qui seront présents ce soir sur cette scène. C’est excessivement important pour moi !

Et d’ajouter : « Pas son genre est un film merveilleux qui parle d’amour et dans lequel ça chante et ça danse ! »

Elle avait vu juste en pressentant que « ça va être un très joli film ! », elle qui a été pour beaucoup dans la beauté du film de Lucas Belvaux.

Émilie, quelques minutes avant sa présidence des 4e Magritte du Cinéma
Crédit photo : En Cinémascope – Simon Van Cauteren

Aux Magritte 2015, nous félicitions Jean-Pierre Dardenne pour les trois Magritte qu’il avait obtenu avec son frère Luc pour Deux jours, une nuit, soulignant qu’un lien les unissait à deux autres Magritte décernés ce soir-là. À savoir ceux obtenus par deux des acteur et actrice qu’ils avaient fait naître au cinéma : Jérémie Renier et… Émilie Dequenne, récompensés respectivement ce soir-là des Magritte du Meilleur acteur dans un second rôle (Saint Laurent – Bertrand Bonello, 2014) et de celui de la Meilleure actrice pour Pas son genre, de Lucas Belvaux, donc.

Il nous avait répondu que « Luc et moi, nous sommes très contents pour Jérémie parce que c’est un excellent comédien. Ainsi que pour Émilie. Depuis que nous la connaissons, je pense que le rôle qu’elle joue dans le film de Lucas Belvaux était un grand rêve pour elle. Il y a tellement longtemps qu’elle rêvait de pouvoir chanter au cinéma et d’avoir un rôle aussi flamboyant ! ».

Nous ne pouvons qu’abonder dans le sens des propos de Jean-Pierre Dardenne : Émilie crève l’écran, rayonnant comme jamais dans le film de Lucas Belvaux !

Autre témoignage de sa proximité avec notre cinéma, Émilie était, en 2020, la marraine d’exception du premier volume de « La Belge Collection », quatre courts métrages 100% belges.

Nous vous proposons de laisser le mot de la fin à l’actrice Monica Bellucci, rencontrée aux 10e Magritte du Cinéma. Elle nous parle notamment d’Émilie.
Nous la rejoignions. Nous la rejoignons. Tellement !


Puissiez-vous reposer en paix, à présent, Émilie.

Enfin, beaucoup de courage à votre famille et à vos proches !

Jean-Philippe Thiriart

Excellente année 2025, avec En Cinémascope !

Excellente année 2025, avec En Cinémascope ! 1920 1080 Jean-Philippe Thiriart

Toute l’équipe de En Cinémascope vous souhaite une excellente année 2025 !

Quatre acteurs du cinéma belge et international se joignent à nous, en images, pour vous faire part de nos vœux pour cette nouvelle année.

Une année 2025 qui sera pour vous, nous l’espérons, parsemée de grands et de petits bonheurs. Notamment cinématographiques, ça va sans dire ! Mais, plus largement, que cette année vous comble de bonheur, vous, ainsi que celles et ceux qui vous sont chers !

Et c’est avec joie que nous partagerons, avec vous, tout au long de l’année 2025, le cinéma en plans larges.

Notre vidéo « Vœux 2025 » est à découvrir ici !

Enfin, merci beaucoup à nos complices !
– Michiel Blanchart,
– Claude Barras,
Xavier Seron et
Etienne Cadet !

Crédits vidéo
Captation : Valéria Lopes dos Santos, Geoffrey Baras et Lionel Callewaert
Montage : Zalou Wacquiez

Et merci à Vinnie Ky-Maka !

Jean-Philippe Thiriart

Le FIFF place à nouveau Namur au cœur du cinéma francophone, avec 12 places à gagner !

Le FIFF place à nouveau Namur au cœur du cinéma francophone, avec 12 places à gagner ! 1080 1080 Jean-Philippe Thiriart

Plus que quelques fois dormir avant que ne démarre la 39e édition du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF).
Quant à notre concours FIFF, il démarre aujourd’hui ! (voir infos ci-dessous)

Du vendredi 27 septembre au vendredi 4 octobre prochains, le cœur de la capitale wallonne battra une nouvelle fois la chamade pour un cinéma issu des quatre coins de la Francophonie : de France et de Belgique, bien sûr, mais aussi du Québec, de Suisse, de Madagascar, de Tunisie ou encore du Rwanda, pour ne citer que quelques-uns des pays représentés cette année à Namur.

Que ce soit en salles, naturellement, pendant et après les projections de longs métrages ainsi que de films courts, mais aussi, notamment, dans les rues de Namur ou encore sous le chapiteau du FIFF, qui signe son grand retour cette année, Place d’Armes. Centre névralgique du Festival, nombreux seront les Festivaliers qui prendront plaisir à s’y retrouver avant ou après une séance, pour boire un verre, faire un pas de danse ou encore participer aux ateliers et aux rencontres qui y seront organisés huit jours durant.

Le FIFF s’ouvrira ainsi ce vendredi 27 septembre avec la projection du long métrage français En fanfare, réalisé par Emmanuel Courcol, précédée de celle du court métrage belge Musclé masqué dans: ferraille pagaille, réalisé, quant à lui, par le Belge Nicolas Gemoets.
Il se clôturera le vendredi 4 octobre avec la Cérémonie de remise des Bayard et autres Prix du Festival de Namur, suivie de la présentation du dernier film du cinéaste français François Ozon : Quand vient l’automne.

Pour tout savoir ou presque sur cette cuvée 2024 du Festival, n’hésitez pas à écouter, ci-dessous, un extrait du dernier numéro de l’émission « Les Cinéfilmes » de la radio Équinoxe !
Nicole Bourdon nous y a accueilli pour préfacer cette édition du Festival de Namur. L’occasion pour nous de tendre notre micro à Nicole Gillet, déléguée générale et directrice de la programmation du FIFF.

Notre préface de la 39e édition du FIFF chez Les Cinéfilmes
Crédit photo : FIFF Namur – Fabrice Mertens

C’était un plaisir de retrouver Nicole Bourdon après un premier passage dans son émission en mars dernier, en présence de sa coanimatrice Joséphine Nefontaine, cette fois-là, pour présenter le dernier long métrage réalisé par le Belge Xavier Seron, Chiennes de vies, et son cinéma.
Merci à Nicole pour son invitation et à Christophe Marchal, l’ingénieur du son d’Équinoxe !

CONCOURS EN CINÉMASCOPE AU 39e FIFF

Cette année, en partenariat avec le Festival de Namur, nous vous offrons 6 x 2 places pour la séance de votre choix !

Pour ce faire, rien de plus simple :
il vous suffit de nous envoyer, avant ce mercredi 25 septembre à 22h, un mail dans lequel vous mentionnez votre prénom et votre nom et ceux de votre invité(e), à l’adresse jean-philippe[arobase]encinemascope.be . Les gagnant(e)s seront tirés au sort et contacté(e)s le jour-même par retour de mail, leurs places leur étant envoyées via ce même canal.

Nous vous souhaitons un excellent voyage au cœur du cinéma francophone ! L’occasion de rencontrer, sur les écrans namurois du Caméo ou du Delta ou dans les rues de Namur, des invités tels que Michel Hazanavicius, Hélène Vincent, François Ozon, Guillaume Senez, Romain Duris, Laurent Lafitte, Benjamin Lavernhe, Vincent Cassel ou encore Diane Kruger.

Plus d’infos : fiff.be

Jean-Philippe Thiriart

Le BIFFF, c’est reparti avec 20 places à gagner

Le BIFFF, c’est reparti avec 20 places à gagner !

Le BIFFF, c’est reparti avec 20 places à gagner ! 1458 540 Jean-Philippe Thiriart

Ah, le mois d’avril ! Ses poissons, ses œufs en chocolat et… le BIFFF et notre concours ! BIFFF pour Brussels International Fantastic Film Festival, bien sûr. L’événement est aussi incontournable pour les fantasticophiles que le sont les friandises en forme d’œufs pour les bambins (et pas que pour eux, d’ailleurs, mais chut !) en cette période printanière. Depuis 1983, cette grand-messe du cinéma de genre, reconnue mondialement, abreuve les passionnés et les curieux de tonnes de pellicules carburant à la frousse, au sang, au mystère et à l’anticipation. Des invités aussi révérés que Wes Craven, Tobe Hooper, Donald Pleasance, Anthony Perkins, Terry Gilliam, Dario Argento, Barbara Steele, Park Chan-wook, Guillermo Del Toro ou J.A. Bayona sont venus fouler son sol. Vous aussi, vous avez envie de côtoyer du beau monde et, surtout, vous avez soif de découvertes cinématographiques ? Alors nous avons une bonne nouvelle pour vous : En Cinémascope vous offre la possibilité de gagner 20 places pour le Festival ! Cela via le concours organisé sur notre page Facebook (voir ci-dessous).

Civil War, d’Alex Garland, ouvrira ce 42e BIFFF !

Pour sa 42e année d’existence, le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles se tiendra du 9 au 21 avril au Palais 10 sur le site du Heysel, son nouveau fief depuis 2022. Il s’ouvrira avec Civil War d’Alex Garland et se clôturera avec le film au titre joyeusement provocateur The American Society of Magical Negroes de Kobi Libii. Entre les deux, plein de longs métrages et de courts métrages, des événements et animations à ne plus savoir qu’en faire, des stands où il fait bon fureter, des expositions à admirer et des guests à rencontrer. Diverses sélections de films concourront pour la Compétition internationale, la Compétition européenne, l’Emerging Raven (récompensant les nouveaux talents), le White Raven (l’ancien 7e Parallèle), le Black Raven (pour les thrillers), le Critics Award, l’Audience Award, sans oublier les compétitions ciblant les courts. Parmi les événements off, épinglons les nouveautés comme le concours d’écriture Being Stephen King et l’intrigant No Name Bar, lieu « caché » au sein du festival, qui promet de receler quantité de trésors, mais aussi les grands classiques comme le Bal des vampires, qui aura lieu la nuit du 20 au 21 avril, le concours de maquillage et le body painting. Signalons également la tenue de plusieurs masterclass, dont une avec le célèbre compositeur italien Fabio Frizzi, notamment connu pour ses collaborations avec Lucio Fulci (L’Enfer des zombies, Frayeurs, L’Au-delà…).

Le Bal des vampires, de retour la nuit du 20 au 21 avril !
Crédit photo : En Cinémascope – Vincent Melebeck

Côté films, on repère dans le lot The Toxic Avenger (Lloyd Kaufman & Michael Herz, 1983), le film emblématique de la Troma, projeté dans une version restaurée en 4K à l’occasion des 50 ans de la célèbre firme indépendante, le coréen Sleep (Jason Yu), qui s’est taillé une belle réputation dans les festivals par lesquels il est déjà passé, When Evil Lurks (Demián Rugna), souvent cité parmi les meilleures productions horrifiques de 2023, l’américain Things Will Be Different (Michael Felker) qui titille notre curiosité avec ses promesses de voyages temporels déroutants, l’italo-polonais Black Bits d’Alessio Liguori, décrit comme une sorte de Thelma et Louise coincées dans un épisode de Black Mirror, la mise en avant du cinéma francophone via le focus French Connection(s), avec notamment Le Mangeur d’âmes du duo français Julien Maury et Alexandre Bustillo (À l’intérieur) et Gueules noires de Mathieu Turi (Méandre), enfin, The Belgian Wave du Belge Jérôme Vandewattyne qui avait précédemment signé Spit’n’Split.

Pour l’ambiance déjantée, la Nuit (du 13 au 14 avril) est à ne pas manquer. Et les organisateurs n’oublient pas le jeune public en leur réservant un Family Day le samedi 20 après-midi au cours duquel sera projeté entre autres le film d’animation Robot Dreams de Pablo Berger, qui était carrément nominé aux Oscars cette année. En tout, 80 longs métrages à se mettre dans les pupilles. Une chose est sûre : on n’aura pas le temps de s’embêter ce mois d’avril !

Notre concours Facebook : 20 places à gagner !

Avec la complicité du Centre Culturel Coréen de Bruxelles, nous vous proposons, cette année, de remporter 10 x 2 places pour le BIFFF !

Soit dix places pour un film de la compétition internationale puis dix autres pour un film de la compétition White Raven.
->
5 x 2 places pour The Sin de Dong-seok Han, ce mercredi 10 avril à 21h, et
5 x 2 places pour 4PM de Jay Song, le vendredi 19 avril à 16h.

Pour remporter vos places, rien de plus simple : rendez-vous sur notre page Facebook !
Fin du concours : mardi 9 avril à 12h.

Pas moins de dix autres films coréens seront projetés lors de cette 42e édition du Festival ! Parmi ceux-ci : Exhuma de Jae-hyun Jang en compétition internationale, Don’t Buy the Seller de Hee-kon Park en compétition Black Raven ou encore Sleep de Jason Yu en compétition Emerging Raven.

En Cinémascope couvrira le BIFFF et vous proposera, à l’issue du Festival, un dossier qui lui sera consacré.
D’ici là, bon concours… et excellent BIFFF !

Plus d’infos, direction le site du BIFFF !

Sandy Foulon et Jean-Philippe Thiriart (merci à Pierre Pirson !)

Présentation de CHIENNES DE VIES et du cinéma de Xavier Seron dans la Minute Cinéma

Présentation de CHIENNES DE VIES et du cinéma de Xavier Seron dans la Minute Cinéma 800 430 Jean-Philippe Thiriart

Aujourd’hui, nous avons choisi de revenir sur l’œuvre d’un de nos réalisateurs de cœur : le Belge Xavier Seron. Et de vous présenter son nouveau film, Chiennes de vies, qui vient d’entamer sa deuxième semaine en salles.

De son cursus en réalisation à l’IAD à son dernier bébé, nous vous présentons l’essentiel de ce qu’il y a à savoir sur ce cinéaste attachant et sur son cinéma, singulier pour le moins.


Envie d’en connaître davantage sur le travail de Xavier Seron ? N’hésitez pas à écouter l’extrait de notre passage en radio autour de son cinéma, disponible sur notre chaîne YouTube !

Et pour aller plus loin, nous vous invitons à découvrir :
– notre interview de l’équipe de Mauvaise Lune aux Magritte du Cinéma, le premier film que Xavier a coréalisé avec son complice Méryl Fortunat-Rossi, et
– l’interview du réalisateur bruxellois effectuée en amont de la projection au Brussels International Film Festival (le BRIFF) de son dernier court métrage, Sprötch, dans le cadre du premier volume de « La Belge Collection ».

Crédits vidéo
Captation : Geoffrey Baras
Montage : Amira Samaali
Graphisme : Emmanuel De Haes, à qui nous devons également les nouveaux génériques de En Cinémascope
Production : Sofía Marroquín Simar

Jean-Philippe Thiriart

Merveilleuse année 2024… cinémagique, avec En Cinémascope !

Merveilleuse année 2024… cinémagique, avec En Cinémascope ! 1564 1041 Jean-Philippe Thiriart

Toute l’équipe de En Cinémascope vous souhaite une merveilleuse année 2024… cinémagique !

Douze acteurs et actrices du cinéma belge et international se joignent à nous, en images, pour vous transmettre, ensemble, nos meilleurs vœux pour cette année nouvelle.

Une année 2024 que nous désirons pour vous remplie de grands et de petits bonheurs, cinématographiques mais pas que !


Enfin, merci beaucoup à nos douze complices :
François Damiens,
– Philippe Duquesne,
Yolande Moreau,
Eric Godon et Elsa Houben,
– Déborah François,
Salomé Dewaels,
– Emmanuelle Devos,
Joachim Lafosse,
– Mike Wilson et Vicky Krieps, et
– Benoît Mariage !

Crédits vidéo
Montage et graphisme : Emmanuel De Haes
Captation : Olivier Craeymeersch, Geoffrey Baras, Vinnie Ky-Maka, Lionel Callewaert, Kilian Desmet et Cyril Desmet

Jean-Philippe Thiriart

THE BELGIAN WAVE : Qui l’a enlevé ?

THE BELGIAN WAVE : Qui l’a enlevé ? 2560 1440 Jean-Philippe Thiriart

Réalisé par Jérôme Vandewattyne
Scénario : Kamal Messaoudi, Jérôme Di Egidio et Jérôme Vandewattyne
Avec Karim Barras, Karen De Paduwa, Dominique Rongvaux, Séverine Cayron

Dramédie psychédélique
1h30

★★★

Documentaire sur la synthwave ou évocation d’un mouvement artistique propre au plat pays ? Rien de tout cela. Si la vague évoquée dans le titre ne parlera peut-être pas aux plus jeunes, elle aura pourtant marqué la Belgique entre 1989 et 1993, période durant laquelle des centaines de témoignages faisant état de manifestations d’OVNI ont été rapportés. Outre le côté mystérieux des phénomènes en eux-mêmes, c’est surtout le nombre et la convergence des récits qui semblaient apporter un certain crédit au fait qu’une vérité venue d’ailleurs était finalement, si pas plausible, au moins envisageable.

Prisme idéal pour un docu-fiction, c’est justement au travers de lui qu’évolue The Belgian Wave, le nouveau long métrage de Jérôme Vandewattyne, qui aura su rebondir de bien belle manière par rapport au projet de départ. En effet, initialement sollicité pour mettre sur pied un (vrai) documentaire traitant de cette vague d’ovnis sur la Belgique, le réalisateur aura vite compris le potentiel cinématographique, historique voire philosophique qu’enfermait un tel sujet.

Véritable road movie sous acide, The Belgian Wave raconte l’enquête menée par Elzo Durt (Karim Barras) et Karen (Karen De Paduwa) sur une affaire vieille de 30 ans, à savoir l’obscure disparition de Marc Varenberg, parrain d’Elzo, qui travaillait sur la vague d’ovnis en question. À grand renfort de LSD et autres substances qui font rire, les deux protagonistes sillonnent les routes à la recherche de témoins et de preuves pouvant éclairer leurs nombreuses zones d’ombre. Entre une ex-compagne totalement allumée, un théoricien sceptique au déguisement on ne peut plus kitsch et une secte aux pratiques pour le moins douteuses, c’est un festival de personnages tous plus fantasques les uns que les autres qui témoignent de la délicieuse absurdité servant de fil conducteur au film.

Voyageant sans cesse entre pure fiction psychédélique à l’esthétique radicale et réelles images d’archives, The Belgian Wave se joue des codes, ce qui était d’ailleurs déjà la marque de fabrique de Vandewattyne dans son premier long métrage, Spit’n’Split (2017). Si certaines scènes se veulent évidemment un pur produit de l’imagination de leurs créateurs, le spectateur pourra néanmoins s’interroger devant d’autres, tant le propos est cohérent même sous ses airs délirants. Mais cette cohérence dans le délire n’est-elle pas tout simplement à la base le propre des évènements rapportés par tant de témoins d’origines et de couches sociales différentes à la fin des années 80 ? Une illustration indéniable de l’adage, souvent utilisé à tort, disant que la réalité dépasse la fiction.

Hommage à des séries comme X-Files, ode à la Belgique, réflexion sur les perceptions ou encore déclaration d’amour au cinéma d’exploitation, The Belgian Wave est tout cela à la fois tant du point de vue visuel que sonore grâce à un superbe travail de mixage et à une bande originale à la croisée des chemins entre accents rétro et production moderne.

Un film quise veut authentique, sans prétention ni jugement, qui transpire d’affection pour ses personnages et laisse place aux incertitudes.  Un pur plaisir du genre.

Guillaume Triplet

N’hésitez pas à découvrir les deux autres articles que nous avons consacré au travail de Jérôme Vandewattyne :
SLUTTERBALL a 10 ans : retour sur le court métrage de Jérôme Vandewattyne, et
SPIT’N’SPLIT a 5 ans : critiques du film et du combo Blu-ray – DVD, et interview du réalisateur

Jean-Philippe Thiriart

Nos cotes :
☆              Stérile
★              Optionnel
★★          Convaincant
★★★       Remarquable
★★★★    Impératif

ÀMA GLORIA : interview de la réalisatrice Marie Amachoukeli

ÀMA GLORIA : interview de la réalisatrice Marie Amachoukeli 2560 1350 Jean-Philippe Thiriart

Vrai film de cinéma bénéficiant d’une magnifique photo et d’un travail sur la lumière pour le moins abouti, àma GLORIA nous fait passer du rire aux larmes avec beaucoup de pudeur.
Marie Amachoukeli signe un film à hauteur d’enfant, avec des comédiens et des comédiens au jeu empreint de justesse, la jeune Louise Mauroy-Panzani en tête, qui livre une véritable performance d’actrice.

Crédits vidéo : Lionel Callewaert (captation) et Jean-Philippe Thiriart (journaliste et montage)

Nous avons rencontré la réalisatrice de ce film toujours présent dans nos salles lors de la dernière édition du Brussels International Film Festival (BRIFF). Un film qui a ouvert, cette année, la 62e Semaine de la Critique du Festival de Cannes.

Elle nous a parlé de son travail avec Inès Tabarin, sa directrice de la photographie. Ensuite, Marie Amachoukeli nous a expliqué comme elle était parvenue à tourner ce film à hauteur d’enfant, mettant notamment en avant sa collaboration avec Laure Roussel, la coach enfant du film. Nous lui avons, par après, demandé de définir sa direction d’acteurs et d’actrices. Elle a, alors, accepté de donner un grand conseil à l’attention de celles et ceux qui ont, elles et eux aussi, le souhait de raconter des histoires via le medium qu’elle a choisi : le cinéma. Enfin, nous sommes revenus ensemble sur la présence cette année à Cannes de àma GLORIA.

Louise Mauroy-Panzani livre une véritable performance d’actrice

Et pour connaître les horaires des séances en salles, c’est par ici !

Jean-Philippe Thiriart

Crédits vidéos :
Captation : Lionel Callewaert
Journaliste et montage : Jean-Philippe Thiriart